Casse-pipe

de Louis-Ferdinand Céline


Traduit par Marius Voinea et Ioan Curseu

Casapirea

 

Texte original Texte traduit en roumain
 
C'était le brigadier Le Meheu qui tenait le fond du corps de garde, les coudes sur la table, contre l'abat-jour. Il ronflait. Je lui voyais de loin les petites moustaches aux reflets de la veilleuse. Son casque lui cachait les yeux. Le poids lui faisait crouler la tête... Il relevait encore... Il se défendait du roupillon... L'heure venait juste de sonner....
J'avais attendu devant la grille longtemps. Une grille qui faisait réfléchir, une de ces fontes vraiment géantes, une treille terrible de lances dressées comme ça en plein noir.
L'ordre de route je l'avais dans la main... L'heure était dessus, écrite.
Le factionnaire de la guérite il avait poussé lui-même le portillon avec sa crosse. Il avait prévenu l'intérieur :
"Brigadier ! C'est l'engagé !
- Qu'il entre ce con-là !"
Ils étaient bien une vingtaine vautrés dans la paille du bat-flanc. Ils se sont secoués, ils ont grogné. Le factionnaire il émergeait juste à peine, le bout des oreilles de son engonçage de manteau... ébouriffé de pèlerines comme un nuageux artichaut... et puis jusqu'aux pavés encore plein de volants... une crinoline de godets. J'ai bien remarqué les pavés plus gros que des têtes... presque à marcher entre...
On est entrés dans la tanière. Ça cognait à défaillir les hommes de garde. Ça vous fonçait comme odeur dans le fond des narines à vous renverser les esprits. Ça vous faisait flairer tout de travers tellement c'était fort et âcre... La viande, la pisse et la chique et la vesse que ça cognait, à toute violence, et puis le café triste refroidi et puis un goût de crottin et puis encore quelque chose de fade, comme du rat crevé plein les coins. Ça vous tournait sur les poumons à pas terminer son souffle. Mais l'autre accroupi à la lampe il m'a pas laissé réfléchir :
"Dis donc l'enflure, tu veux pas mes pompes pour te faire bouger ?... Passe-moi ton nom !... ta nature !.... Tu veux pas t'inscrire tout seul ?... Veux-tu que je t'envoye une berouette ?..."
Je voulais bien me rapprocher de la table mais y avait tous les pieds des autres en travers du chemin... toutes les bottes éperonnées... fumantes... de tous les vautrés dans la paille... Ils ronflaient tout empaquetés dans le roupillon... roulés dans leurs nippes. Ça faisait un rempart compact. J'ai enjambé tout le paquet. Le brigadier il me faisait honte.
"Visez-moi ça l'empoté ! Une demoiselle ! Jamais vu un civil si gourde ! Merde ! On nous l'a fadé spécial ! Arrive ! bijou !"
Comme j'ai buté dans un sabre toute la portée de viande a râlé... Ça fit des hoquets de ronflements. J'avais dérangé tout le sommeil.
"Vos gueules, brutes !" qu'a hurlé le cabot.
Ils se sont soulevés les gisants, un par un, pour voir ma poire, mon demi-saison, celui de l'oncle Edouard par le fait... Ils avaient tous eux des tronches rouges, cramoisies, sauf un qu'était plutôt verdâtre. Ils baîllaient tous des fours énormes. À la lumière, par les grimaces ils montraient tous leurs dents gâtées, brèches, travioles. Des pas belles dentures de vieux chevaux. Des faces carrées. Ils ricanaient ces affreux de me voir comme ça devant le brigadier, un peu perdu, forcément.
Ils se parlaient râpeux ensemble, ils se faisaient des réflexionx. Comprenais pas ce qu'ils me demandaient... des meuglements. Le brigadier il avait du mal à ouvrir ma feuille... Elle lui collait entre les doigts... puis à lire mon nom. Fallait qu'il recopie sur un registre... Tout ça c'était très ardu... Il s'appliquait scrupuleusement.
Juste au-dessus de lui sur l'étagère, toute une ribambelle de casques, plumets tout rouges, gonflés, crinières énormes à la traîne, faisaient un effet magnifique.
 
Gallimard, Pléiade, 1988.

 

 
Brigadierul Le Meheu statea la capatul corpului de garda, cu coatele pe masa, langa abajur. Sforaia. Ii vedeam de departe mustaciora, la lumina lampii. Casca ii venea pe ochi. De greutate, capul ii cadea in piept. Si-l tot ridica. Alunga soileala...
Tocmai venise timpul...
Asteptasem multa vreme in fata portii. O poarta care iti dadea de gandit, una din acele porti intr-adevar uriase, de fonta, o ingrozitoare dantelarie de lanci ridicate asa, in bezna.
Foaia de drum o aveam in mana. Cu ora inscrisa pe ea.
Omul de planton a impins si el poarta, cu patul pustii. A anuntat inauntru :
"Dom brigadier ! Voluntarul !
- Sa intre nataraul !"
Erau mai bine de douazeci de insi, afundati in paiele din stanog. S-au scuturat, au bodoganit. Paza abia-si scotea varful urechilor, din adunatura de mantale... infofolit in pelerine, ca o nebuloasa anghinare... numai volanase pina jos pe dale... o crinolina cu pliuri evazate... Am vazut bine dalele mari ca niste capete... mai s-o iei printre...
Am intrat in barlog. Oamenii din garda puteau de ti se facea rau. Duhoarea iti mergea pana-n fundul narilor. Iti dadea ranza pe dos. Te facea sa strimbi din nas, atat era de tare si de acra.
Mirosul de carne, de pisat, de basina te traznea, si pe deasupra cel de cafea trista, rece, si apoi un iz de balega si inca unul searbad ,ca de sobolan mort pe la toate colturile...
Dar ala, starcit linga lampa, nu m-a lasat sa gandesc :
"Ba, timpitule, ce stai ? Vrei o scarpa-n cur ca sa te misti ? Numele ! Ce hram porti ?... Vrei sa te inscrii singur ?... Sa te iau pe sus ?..."
Voiam, desigur, sa ma apropii de masa, dar picioarele celorlalti imi stateau in cale... toate cizmele pintenate... care scoteau aburi... ale celor afundati in paie.
Sforaiau toti adinciti in soileala... infundati in boarfe... Se forma un meterez compact... Am sarit peste...  Brigadierul ma lua peste picior...
"Uita-te la el, babalaul ! ce donsoara ! N-am vazut veci un civil asa bleg ! La ma-sa ! Ne-au facut-o dinadins ! Misca, pasarica !"
Cum m-am impiedicat de o sabie, tot maldarul de carne a horcait... Sughituri printre sforaituri... Le stricasem somnul.  "Taca-va fleanca, dihaniilor !" a urlat
caprarul. Suferinzii s-au ridicat, pe rand, sa-mi vada moaca, pardesiul, al unchiului Edouard, de
fapt.
Aveau toti figuri rosii, stacojii, in afara de unul care era mai degraba verzui. Imi aratau, prin grimase, la lumina, dinti stricati, stirbi, strambi. Nu prea aratoase danturi de cai batrani... Fete patrate.
Ranjeau nenorocitii vazandu-ma in fata brigadierului, putin nauc, fara indoiala.  Isi vorbeau rastit, schimbau impresii. Nu intelegeam ce voiau... Mugete... Brigadierul se muncea din greu cu foaia mea... sa-mi citeasca numele... I se lipea
de degete. Trebuia sa-l treaca intr-un registru. Facea totul cu scrupulozitate. Si cu destule poticniri. Chiar deasupra lui, pe etajera, o droaie de casti, panase rosii, umflate, coame imense,
atarnand, dadeau un efect magic.
 
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