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- C'était le brigadier Le Meheu qui
tenait le fond du corps de garde, les coudes sur la table, contre l'abat-jour. Il
ronflait. Je lui voyais de loin les petites moustaches aux reflets de la veilleuse. Son
casque lui cachait les yeux. Le poids lui faisait crouler la tête... Il relevait
encore... Il se défendait du roupillon... L'heure venait juste de sonner....
- J'avais attendu devant la grille
longtemps. Une grille qui faisait réfléchir, une de ces fontes vraiment géantes, une
treille terrible de lances dressées comme ça en plein noir.
- L'ordre de route je l'avais dans la
main... L'heure était dessus, écrite.
- Le factionnaire de la guérite il
avait poussé lui-même le portillon avec sa crosse. Il avait prévenu l'intérieur :
- "Brigadier ! C'est l'engagé !
- - Qu'il entre ce con-là !"
- Ils étaient bien une vingtaine
vautrés dans la paille du bat-flanc. Ils se sont secoués, ils ont grogné. Le
factionnaire il émergeait juste à peine, le bout des oreilles de son engonçage de
manteau... ébouriffé de pèlerines comme un nuageux artichaut... et puis jusqu'aux
pavés encore plein de volants... une crinoline de godets. J'ai bien remarqué les pavés
plus gros que des têtes... presque à marcher entre...
- On est entrés dans la tanière. Ça
cognait à défaillir les hommes de garde. Ça vous fonçait comme odeur dans le fond des
narines à vous renverser les esprits. Ça vous faisait flairer tout de travers tellement
c'était fort et âcre... La viande, la pisse et la chique et la vesse que ça cognait, à
toute violence, et puis le café triste refroidi et puis un goût de crottin et puis
encore quelque chose de fade, comme du rat crevé plein les coins. Ça vous tournait sur
les poumons à pas terminer son souffle. Mais l'autre accroupi à la lampe il m'a pas
laissé réfléchir :
- "Dis donc l'enflure, tu veux
pas mes pompes pour te faire bouger ?... Passe-moi ton nom !... ta nature !.... Tu veux
pas t'inscrire tout seul ?... Veux-tu que je t'envoye une berouette ?..."
- Je voulais bien me rapprocher de la
table mais y avait tous les pieds des autres en travers du chemin... toutes les bottes
éperonnées... fumantes... de tous les vautrés dans la paille... Ils ronflaient tout
empaquetés dans le roupillon... roulés dans leurs nippes. Ça faisait un rempart
compact. J'ai enjambé tout le paquet. Le brigadier il me faisait honte.
- "Visez-moi ça l'empoté ! Une
demoiselle ! Jamais vu un civil si gourde ! Merde ! On nous l'a fadé spécial ! Arrive !
bijou !"
- Comme j'ai buté dans un sabre toute
la portée de viande a râlé... Ça fit des hoquets de ronflements. J'avais dérangé
tout le sommeil.
- "Vos gueules, brutes !"
qu'a hurlé le cabot.
- Ils se sont soulevés les gisants,
un par un, pour voir ma poire, mon demi-saison, celui de l'oncle Edouard par le fait...
Ils avaient tous eux des tronches rouges, cramoisies, sauf un qu'était plutôt verdâtre.
Ils baîllaient tous des fours énormes. À la lumière, par les grimaces ils montraient
tous leurs dents gâtées, brèches, travioles. Des pas belles dentures de vieux chevaux.
Des faces carrées. Ils ricanaient ces affreux de me voir comme ça devant le brigadier,
un peu perdu, forcément.
- Ils se parlaient râpeux ensemble,
ils se faisaient des réflexionx. Comprenais pas ce qu'ils me demandaient... des
meuglements. Le brigadier il avait du mal à ouvrir ma feuille... Elle lui collait entre
les doigts... puis à lire mon nom. Fallait qu'il recopie sur un registre... Tout ça
c'était très ardu... Il s'appliquait scrupuleusement.
- Juste au-dessus de lui sur
l'étagère, toute une ribambelle de casques, plumets tout rouges, gonflés, crinières
énormes à la traîne, faisaient un effet magnifique.
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- Gallimard, Pléiade, 1988.
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- Brigadierul Le Meheu statea la
capatul corpului de garda, cu coatele pe masa, langa abajur. Sforaia. Ii vedeam de departe
mustaciora, la lumina lampii. Casca ii venea pe ochi. De greutate, capul ii cadea in
piept. Si-l tot ridica. Alunga soileala...
- Tocmai venise timpul...
- Asteptasem multa vreme in fata
portii. O poarta care iti dadea de gandit, una din acele porti intr-adevar uriase, de
fonta, o ingrozitoare dantelarie de lanci ridicate asa, in bezna.
- Foaia de drum o aveam in mana. Cu
ora inscrisa pe ea.
- Omul de planton a impins si el
poarta, cu patul pustii. A anuntat inauntru :
- "Dom brigadier ! Voluntarul !
- - Sa intre nataraul !"
- Erau mai bine de douazeci de insi,
afundati in paiele din stanog. S-au scuturat, au bodoganit. Paza abia-si scotea varful
urechilor, din adunatura de mantale... infofolit in pelerine, ca o nebuloasa anghinare...
numai volanase pina jos pe dale... o crinolina cu pliuri evazate... Am vazut bine dalele
mari ca niste capete... mai s-o iei printre...
- Am intrat in barlog. Oamenii din
garda puteau de ti se facea rau. Duhoarea iti mergea pana-n fundul narilor. Iti dadea
ranza pe dos. Te facea sa strimbi din nas, atat era de tare si de acra.
- Mirosul de carne, de pisat, de
basina te traznea, si pe deasupra cel de cafea trista, rece, si apoi un iz de balega si
inca unul searbad ,ca de sobolan mort pe la toate colturile...
- Dar ala, starcit linga lampa, nu m-a
lasat sa gandesc :
- "Ba, timpitule, ce stai ? Vrei
o scarpa-n cur ca sa te misti ? Numele ! Ce hram porti ?... Vrei sa te inscrii singur ?...
Sa te iau pe sus ?..."
- Voiam, desigur, sa ma apropii de
masa, dar picioarele celorlalti imi stateau in cale... toate cizmele pintenate... care
scoteau aburi... ale celor afundati in paie.
- Sforaiau toti adinciti in
soileala... infundati in boarfe... Se forma un meterez compact... Am sarit peste...
Brigadierul ma lua peste picior...
- "Uita-te la el, babalaul
! ce donsoara ! N-am vazut veci un civil asa bleg ! La ma-sa ! Ne-au facut-o dinadins
! Misca, pasarica !"
Cum m-am impiedicat de o sabie, tot maldarul de carne a horcait... Sughituri printre
sforaituri... Le stricasem somnul. "Taca-va fleanca, dihaniilor !" a urlat
caprarul. Suferinzii s-au ridicat, pe rand, sa-mi vada moaca, pardesiul, al unchiului
Edouard, de
fapt.
Aveau toti figuri rosii, stacojii, in afara de unul care era mai degraba verzui. Imi
aratau, prin grimase, la lumina, dinti stricati, stirbi, strambi. Nu prea aratoase danturi
de cai batrani... Fete patrate.
Ranjeau nenorocitii vazandu-ma in fata brigadierului, putin nauc, fara indoiala. Isi
vorbeau rastit, schimbau impresii. Nu intelegeam ce voiau... Mugete... Brigadierul se
muncea din greu cu foaia mea... sa-mi citeasca numele... I se lipea
de degete. Trebuia sa-l treaca intr-un registru. Facea totul cu scrupulozitate. Si cu
destule poticniri. Chiar deasupra lui, pe etajera, o droaie de casti, panase rosii,
umflate, coame imense,
atarnand, dadeau un efect magic.
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