L’ ALGERIE EN 2CV (Avril 2002)
L’Algérie, pays fantastique et destination rêvée pour les amateurs de raid. Aujourd’hui les événements qui s’y déroulent suffisent à rebuter les amateurs de raid. Cependant dans le Sud algérien la situation n’a rien de comparable avec celle du Nord et l’accès au grand Sud peut se faire par le Sud Tunisien.
Premier tracas avant le départ : l’obtention du visa. Pour l’obtention de celui ci auprès du consulat il est nécessaire de fournir une invitation émise par un hôtel et une agence de voyage en Algérie, ou par une entreprise algérienne pour un éventuel voyage d’affaires. .
Le visa obtenu, reste à trouver un groupe auquel se joindre. En l’occurrence Amarinée organisait du 06 avril au 20 avril un raid 4X4 a Djanet.
Rendez-vous à Gênes pour l’embarquement sur le ferry à destination de Tunis ( 550€ (3600F) la traversée AR avec voiture, couchette et nourriture) Seule 2 roues motrices du groupe la 2cv paraît bien minuscule au milieu de la vingtaine de 4x4 qui embarquent dans le ferry.
Première étape Tunis TozeurTaleb Larbi (Frontière algérienne) 700 Kms. La 2cv suit le rythme, les formalités durent 3 heures pour l’ensemble du groupe, et premier bivouac. Contrôle des changes à la frontière, mais pas de change obligatoire comme par le passé. Le dinar algérien vaut 0,1F
Le lendemain direction El Oued, Toggourt, Hassi Messaoud, Hassi Bel Guebbour. Etape marathon de plus de 700Kms sur goudron. Heureuse surprise, l’essence vaut 0.30€ (2F) le litre, et un plein de 2cv pour 6€ (40F) cela laisse rêveur.
La route est ponctuée de contrôle de police auxquels il faut inlassablement montrer son passeport et cela laisse l’occasion de discuter avec ces policiers, souvent content de rencontrer des français et toujours très courtois.
A savoir : à 150Kms au Sud d’Hassi Messaoud la route est fermée par la police à 17h 30. Plus question de continuer, il faut attendre 6 h du matin pour repartir. A l’occasion d’un contrôle je confie au policier que j’ai quelques craintes de tomber en panne d’essence avant la prochaine station. " Garez-vous " me dit-il d’un ton qui me fait craindre quelques difficultés. Il se dirige vers son 4x4 en revient avec un bidon de 20 litres d’essence dont il me fera cadeau ! Nous avons échangé quelques menus cadeaux et discuté prés d’une heure avec ces policiers isolés en plein désert et loin de leur famille. Ils nous apprennent que une fois par an une française assez âgée passe ici seule au volant de sa 2CV ?
Hassi Bel Gebbour. Minuscule station d’essence au départ de la piste qui va vers Amguid. Le pompiste me raconte qu’il est en train de restaurer une 2cv rachetée au Domaines, et veux m’acheter mes phares ! Il me confirme également qu’une fois par an une française pas très jeune passe ici au volant de sa 2cv ? De qui s’agit il ? Sûrement une personne de caractère. J’embarque 65 litres d’essence pour une étape de 650 Kms en tablant sur une consommation de 7,5 litres au cent. La piste jusqu'à Amguid est bien tracée, mais difficile à cause d’une tôle ondulée redoutable. Un peu de sable, et un fort vent de face feront que la jauge à essence ira rapidement tangenter le zéro.. Petit calcul et je m'aperçois que la consommation approche les 9 litres au cent ! Il va falloir lever le pied. Difficile en 2cv car tous les passages difficiles se négocient à fond de seconde.
Bivouac à Amguid sous un vent de sable qui commence à dépolir le pare brise et les phares. Les 4x4 sont fort étonnés de voir que la 2cv est arrivée dans les temps.Nous apprécions grâce à la rallonge de malle de pouvoir dormir à l’intérieur de la 2CV.Cet accessoire indispensable pour les baroudeurs au long cours, permet de dormir par tous les temps et n’importe où y compris parfois sur la place d’un village.
Je profite du bivouac pour emprunter 5 litres d’essence au motard qui nous accompagne, car il ne me reste que 30 litres pour les 350 kms de l’étape qui doit nous amener à In-Ecker.
Au départ le lendemain matin la piste devient très sablonneuse et pour avoir voulu quitter la piste, nous nous ensablons profondément. Heureusement Claude qui nous accompagne avec son Toyota nous tend une sangle salvatrice. Pour éviter de nous re ensabler nous ne quittons plus la piste empierrée que nous baptisons " voie romaine " car nous y roulons sue des pierres énormes en 1° pendant plusieurs kilomètres. La " voie romaine " se termine et plus d’hésitation, il faut se jeter à fond de 1° pour tenter de passer la seconde et louvoyer à la recherche d’un sable plus foncé plus porteur. . Dans cette zone, il est fréquent de faire plus de 20 kms à fond de seconde et un coup d’œil de temps en temps sur le thermomètre de température d’huile m’indique que celle ci est de 120°C pour une température extérieure de 27°C. Par contre, bonne nouvelle le vent de sable se calme et la jauge du réservoir d’essence baisse à une cadence qui devrait me permettre d’arriver à l’étape sans problème.
Après la partie sablonneuse, la piste devient plus cassante avec de redoutables passages de tôle ondulée. Solution pour l’éviter : quitter la piste sur une partie plus roulante avec le risque de tomber sur une saignée que l’on ne voit qu’au dernier moment. C’est ce qui nous arriva et malgré un énergique coup de frein nous plantons l’avant de la 2cv. Arrét brutal, moteur calé. Nous descendons pour examiner les dégâts. Par chance, le pare buffle avant et les renforts châssis ont joue leur rôle. Bilan : Une bosse à la tête pour le chauffeur, le siège passager enfoncé et toute la cargaison arrière à arrimer de nouveau.
La fin de l’étape se déroule avec la Garet el Djenoun en toile de fond avec de longs passages sablonneux franchis à fond de seconde ou de 1°, moteur à fond, les roues fouillant le sable à la recherche d’un peu d’adhérence. Parfois même, lorsque l’avant de la 2cv commence à s’enfoncer dans le sable, et que l'accélérateur à fond le régime commence à baisser, pas d’autre solution pour éviter le plantage que de faire patiner l’embrayage pour éviter de caler. Fumée et odeur garantie et on ne regrette pas d’être parti avec un embrayage neuf.
Après 9 heures de piste, un ruban noir dans le lointain. Mirage ? Non tout simplement la route qui relie In Salah à Tamanrasset. Quelques kilomètres de plaisir sur le bitume et à In Ecker où eurent lieu les premiers essais de bombe atomique francaise, nous faisons le plein d’eau et d’essence à la station.
Le groupe de 4x4 qui nous accompagne ayant prévu de reprendre la piste a In Amguel en direction de Djanet via Hirafolk et Ideles, nous décidons de continuer seul vers Tamanrasset.
Depuis quelques heures une idée commençait à trottiner dans ma tête : Pourquoi ne pas tenter de monter à l’Assekrem en 2cv ?
L’Assekrem est cette montagne située à 80Kms de Tamanrasset, mystique et mythique à la fois d’une part par ce que le Père de Foucault y vécut en ermite en 1911, et d’autre part parce qu’en 1973 les participants au Raid Afrique Citroën en réalisèrent à grande peine l’ascension en 2cv.
La piste de Tamanrasset à l’Assekrem ( 80kms) est caillouteuse et cassante. Après 4 heures de cheminement dans les magnifiques paysages du Hoggar voici enfin le dernier raidillon qui mène au refuge situé sous l’ermitage. Des gros cailloux, un virage serré et au bout d’une trentaine de mètres la 2CV cale en plein milieu de la pente. Retour en arrière, on décharge le passager et nouvelle tentative : cinq mètres de mieux et le moteur cale. Faut dire que l’altitude est de 2200 m. Deuxième retour en arrière et vieille ruse, démontage du filtre à air. Nouvelle tentative, pas un mètre de gagné. Retour en arrière et aux grands maux les grands remèdes, je décide de remplacer le gicleur d’essence du 1° corps (102) par un gicleur de 65 que j’avais mis par précaution dans ma boite à outils. Re démarrage, le moteur prends les tours et me voilà parti à l’assaut du raidillon. 1° à fond, on envoie la seconde, pas question de lever le pied pour éviter les cailloux et négocier les virages, quelques souvenirs de 2CV Cross me reviennent en mémoire, la grande attaque. Dans un petit bout de plat je me paie le luxe d’envoyer la 3° pour laisser souffler le moteur et c’est à prés de 40 Km/heure et au grand étonnement des rares personnes présentes que la 2CV franchit le portail donnant accès au parking.
L’ermitage est situé à 200 m au-dessus du parking et un sentier pédestre permet d’y grimper. Dans une cabane en pierre à 2760 m vit depuis 40 ans le Père Edouard. Il nous raconte la vie du Père de Foucauld qui passa sa vie à rédiger un dictionnaire Touareg et à transcrire par écrit les proverbes Touareg. Le père Edouard très didactique, nous en cite un au hasard : "Si tu veux la paix dans les cœurs, éloigne les tentes !". Tout étonné de savoir que je suis monté en 2cv il me raconte que la dernière 2cv a être montée à l’Assekrem était une 2cv Commerciale qu’il avait fallu tirer avec un 4x4. Parlant de 2cv et faisant preuve d’une mémoire extraordinaire il extirpe de sa cabane le livre d’or de l’année 1973 ou se souvenait- il était passé le raid Citroën. Emu en feuilletant ce document historique, je retrouve les signatures de Jacques Wolgensinger (Relations publiques Citroën) J.C Janes (Citroen) Y. Morrisson et le tout jeune ( à l’époque ) Philippe Pétré.
En consultant la carte une autre piste passant par l’oasis d’Ilamane permet de rejoindre Tamanrasset. Cette piste démarre au parking et plonge immédiatement en rendant tout retour en arrière impossible. Les choses se gâtent au bout de quelques kilomètres. Des montées très difficiles obligent le passager à descendre et à déshabiller la 2cv pour franchir plusieurs cols à 2200m. Il faut ensuite à pied aller récupérer tout ce qui a été abandonné et recommencer. La piste devient de plus en plus difficile car creusé très profondément par l’eau et les rares 4x4 l’empruntant. Dans certains passages très difficiles, la 2CV se pose sur le châssis et il faut à l’aide du cric, lever la voiture pour mettre des cailloux sous les roues. Un choc plus fort que les autres : La tôle de protection du réservoir a été ouverte par une pierre mais le réservoir n’est pas touché.
Le GPS indique désespérément Tamanrasset 60Kms. Nous avons parcouru 20 Kms en 10 heures. La piste descend doucement et l’altimètre indique maintenant 1200 m et le moteur manque de puissance. Je remets le gicleur de 102 et le moteur retrouve son tonus. La piste caillouteuse se termine dans un oued sablonneux. Il faut se lancer à fond mais au bout de quelques kilomètres c’est l’ensablement complet. On vide la voiture, les planches du lit servent de plaques de désensablage, on enlève les portières, on dégonfle les pneus à 800 Grammes et la deuxième tentative sera la bonne, la 2CV prend son élan et allégée surfe sur le sable. Le plaisir est de courte durée car il faut s’arrêter sur une zone stable pour aller à pied récupérer passager et matériel.
La nuit tombe et nous bivouaquons en tentant de garder le moral. Il nous reste 5 litres d’eau et nous envisageons si la situation empire d’abandonner une bonne partie de la 2cv dans l’oued (Ailes, capot, portières, sièges, capote …..)
Le lendemain dés le lever du jour nous continuons dans l’oued et a un moment donné plus de traces dans l’oued. Je descends de voiture et j’aperçois dans le lointain une maison et immense joie un gamin qui vient vers nous en courant. Nous sommes à l’oasis d’Illuminer. Le seul Toyota du village à un problème de régulateur et n’a plus de batterie. Sous les yeux ravis de son propriétaire je sors mon multimètre et règle son problème. On nous offre le thé, et l'on nous apprend que la piste que nous venons de parcourir n’a pas été empruntée par une deux roues motrices depuis 4 ans. Il y a une vingtaine d’année cette piste était entretenue pour permettre le passage des véhicules de l’époque : Peugeot, 4L … mais depuis que les 4x4 Toyota ont envahi le Sud Algérien, les pistes ne sont plus entretenues et sont pour la plupart impraticable à tout véhicule de tourisme. Le progrès n’a pas toujours du bon ! Notre hôte nous confirme que Tamanrasset est à 40 kms d’une piste "normale " et 3 heures après nous quittons la piste pour déboucher sur le goudron à la hauteur de l’aéroport de Tamanrasset.
La route qui remonte de Tamanrasset vers le Ghardaia (1400 Kms) est goudronnée et en bon état sauf au sud de In Salah.
A notre arrivée en Algérie on nous avait signalé que la route Ghardaia Tamanrasset ne pouvait se parcourir qu’en convoi escorté par l’armée. Renseignements pris, seuls à ce jour les convois de camions d’essence sont escortés par l’armée, et la circulation est libre pour les touristes. On nous explique qu’il y a quelque temps, des pillards venus de Mauritanie venaient en armes voler les gros 4x4 des compagnies pétrolières. et ils ont ensuite tout simplement attaqué les camions citernes pour pouvoir faire le plein. Logique non ?
Le retour par Ghardaia, Ouargla, El Oued, Tunis, Génes, Toulouse, n’est qu’un long ruban de bitume ponctué en Algérie par des contrôles de police à chaque ville.
Bilan : Quatorze jours de route, 7200 Kms. Des souvenirs pleins la tête et déjà l'envie de repartir sur les pistes algériennes.
P.S. Après deux jours de repos à Toulouse la vaillante 2cv est repartie. vers Lisbonne (Portugal) pour fêter les 20 ans du 2cv Club portugais. Vers Salamanca, le bras arrière droit sûrement endommagé sur la piste se coupera net dans un rond point obligeant à une réparation de fortune auprès d’un soudeur local.
Henri Lenguin
La 2cv de raid
Châssis tubulaire à l’intérieur du châssis d’origine (AMI8)
Plaque alu de 4mm sous châssis formant pare buffle à l’avant.
Caissons dans châssis permettant de loger pièces détachées et nourriture
Pots de suspension d’AK Dyane
Quatre amortisseurs BOGE vert
Moteur LN avec allumage électronique résistif fait maison
Filtre à air KN avec soufflante
Thermomètre température huile moteur et température boite à vitesse
Pneus Dunlop M+S 135x15
Rallonge de malle permettant le couchage de 2 personnes
GPS GARMIN avec cartographie
L'Algérie aujourd'hui
Aucun problème de sécurité dans le Sud Algérien
Contrôles de police très nombreux
L'essence ordinaire vaut 0.3€ (2 F) le litre
Le super est introuvable dans toutes les stations du Sud Algérien.
L'essence sans plomb n'existe pas dans tout le Sud
On ne peut acheter de la nourriture et trouver un restaurant que dans les grandes villes.
Un repas correct coûte environ 2.5€ (14F)
Le Dinar vaut 0.1F
Le Sud étant démuni de tout, de ce fait tout se troque et tout se vend
Une paire de jumelles est un cadeau précieux pour un Touareg ( Pas pour mater sa voisine, mais pour surveiller ses chameaux )
Pratiquement aucun véhicule particulier algérien ne circule sur les routes du sud.
On ne croise sur la route que des camions et des véhicules de police
Les Algériens sont très accueillants, et parlent souvent le français