|
|
La fièvre Q est une zoonose causée par Coxiella burnetii, bactérie intra-cellulaire stricte, de la famille des Rickettsiaceæ. Les études séro-épidémiologiques démontrent qu’elle est fréquente en France, comme partout ailleurs dans le Monde. Mais le diagnostic est rarement posé du fait du peu de spécificité de la maladie. Il ne peut être confirmé que par la biologie, à condition que le clinicien y pense constamment lors de tout syndrome infectieux inexpliqué. Les tiques ne sont qu’accessoirement impliquées dans cette maladie chez l’homme. La voie de contamination la plus fréquente est l’inhalation de particules infectées. Un syndrome grippal inexpliqué touche le personnel des abattoirs de Brisbane dans les années 1930, Derrick le décrit et le nomme Q fever, de query qui signifie à élucider. Sans pouvoir identifier l’agent pathogène, il parvient cependant à inoculer la maladie au cobaye et adresse des tissus contaminés à Burnet. Simultanément aux États-Unis, Davis isole chez la tique un agent infectieux qui tue les cobayes inoculés, Cox et Burnet isolent cet agent qui a l’aspect d’une rickettsie en 1936, puis la contamination accidentelle du personnel du laboratoire leur permet de faire le rapprochement avec la fièvre Q australienne décrite précédemment. Les premiers cas européens de fièvre Q sont décrits chez des soldats allemands cantonnés dans les Balkans, durant la deuxième guerre mondiale. Le genre Coxiella est séparé des Rickettsia par Philip en 1948, il ne comprend que cette seule espèce. Coxiella burnetii appartient à la famille de Rickettsiaceæ, elle se distingue des rickettsies par sa plus petite taille et sa résistance aux agents physiques et chimiques. Les études génomiques récentes indiquent qu’elle est en réalité très éloignée des rickettsies. C’est une bactérie intra-cellulaire stricte, Gram négatif, qui ne peut pas se développer sans environnement cellulaire. Elle possède une variation de phase. La fièvre Q est une maladie cosmopolite qui a déjà été décrite dans tous les pays à l’exception de la Nouvelle-Zélande et Hawaï. Dans la nature le réservoir le plus important est constitué par les petits rongeurs, mais l’infection a été decelée chez pratiquement tous les mammifères, et même chez les oiseaux, les reptiles et les poissons. Les animaux domestiques représentent cependant la principale source d’infection humaine, ils sont fréquemment porteurs de formes persistantes infracliniques, notamment les bovins, les moutons, les chèvres. La volaille, les pigeons et les animaux de compagnie jouent un rôle épidémiologique mineur. C.burnetii est retrouvée dans les sécrétions animales, les déjections et surtout le placenta et les lochies. Elle se maintient très bien et longtemps : dans la paille et le sol après dessiccation, sur des étoffes sèches jusqu’à 6 mois et de l’ordre de 500 jours, dans les déjections de tiques déposées sur le pelage des animaux. Selon J. Rehacek, des épidémies de coxiellose ont été importées en même temps que du coton, de la laine ou des peaux, contaminés dans leur pays d’origine.
La transmission directe au travers d’une brèche cutanée, à l’occasion d’un contact sexuel, ou lors de la consommation de lait cru est moins fréquente. La contagion inter-humaine est bien connue. Une seule bactérie suffit pour infecter un être humain. Il est reconnu que le cycle animal-tique joue un rôle important dans la conservation de l’agent pathogène en le disséminant chez les animaux, qu’ils soient sauvages ou domestiques. Les tiques sont à la fois vecteurs et réservoirs amplificateurs par multiplication des Coxiella dans la lumière et la muqueuse digestives et dans les glandes salivaires. L’infection d’Ixodes ricinus, de Dermacentor marginatus, et de Rhipicephalus sanguineus a été démontrée, notamment en Slovaquie. Les poux et autres acariens peuvent aussi remplir le rôle de réservoirs. La séro-prévalence de la fièvre Q est de 5 % à Marseille, mais elle peut atteindre 30 % dans les villages alpins. La fièvre Q « est beaucoup plus fréquente que certaines maladies bactériennes, pourtant plus souvent recherchées et parfois à déclaration obligatoire». La maladie est donc largement sous-diagnostiquée. La population à risque Classiquement les professions exposées à la fièvre Q sont au contact direct des ruminants : éleveurs, vétérinaires, bouchers, négociants, personnel d’abattoir, laitiers, tanneurs… Mais la maladie peut être transmise par les animaux domestiques, par la consommation de lait cru et de ses dérivés non pasteurisés. Le vent peut aussi véhiculer des particules infectées jusqu’à plus de 18 kilomètres. L’existence de vecteurs est également de nature à élargir le groupe de population à risque. Les facteurs individuels tels que l’immuno-dépression (chez les porteurs de VIH, la séroprévalence est trois fois supérieure à la celle rencontrée dans la population générale) ou les valvulopathies cardiaques ont une grande influence sur la gravité de l’infection. De récentes publications attirent l’attention sur les anévrysmes, hématomes, prothèses vasculaires ou abcès de rate, qui représentent des facteurs de risque équivalents à celui rencontré en cas de valvulopathie.
La maladie reste asymptomatique dans un tiers des cas, mais 4 % des patients qui développent la maladie doivent être hospitalisés. La fièvre Q est susceptible de présenter de multiples tableaux et formes cliniques: deux grands types se distinguent cependant: fébrile pseudo-grippal et respiratoire. Débute brutalement après une incubation de 9 à 21 jours, rarement 2 mois, la température est élevée à 40°C, le patient se plaint d’asthénie, de frissons généralisés, de sudation abondante, de céphalées, de myalgies et de douleurs thoraciques. La splénomégalie est déjà palpable. Contrairement aux autres rickettsioses la maladie n’est pas associée à un érythème, mais un rash inconstant peut survenir sur la poitrine les aisselles ou les cuisses. La guérison survient après une à deux semaines, suivie d’une longue convalescence. Peut être intriquée avec la forme pseudo-grippale ou réaliser un tableau de pneumopathie atypique avec dyspnée, toux sèche et douleur thoracique, parfois des crachats hémoptoïques. La radiographie pulmonaire montre alors de vastes infiltrats avec un aspect délavé de tout le parenchyme, ou une opacité hilifuge hétérogène, contrastant avec la relative modestie des signes cliniques, des condensations pulmonaires sont observées dans les cas graves voire mortels. De multiples autres formes peuvent survenir, notamment des hépatites dans le tiers des formes prolongées, la clinique s’enrichit alors d’hépatalgies, d’hépatomégalie ou même d’un ictère. L’histologie retrouve alors une hépatite granulomateuse. Le tropisme vasculaire de C. burnetii explique également les méningites à liquide clair, les encéphalites, les péri et endocardites, les arthrites, les orchites ou les pancréatites. La fièvre Q occasionne aussi des avortements ou des prématurités. Les rechutes fébriles sont possibles associées à une splénomégalie et à de la fièvre, mais elles sont bien tolérées. Les formes chroniques de la fièvre Q sont graves et souvent fatales, elles affectent plus souvent les citadins que les ruraux. Les patients au contact des ruminants, les consommateurs de lait cru ou de fromages non pasteurisés y sont plus exposés. Deux facteurs de risque principaux sont reconnus : l’immunodépression dans 20,2 % des cas, et la présence d’anomalies cardiaques ou vasculaires, dans 88,4 % des cas. Mais de multiples autres facteurs semblent influer sur la chronicité ou la sévérité de la fièvre Q, parmi eux le nombre de microorganismes inhalés et la virulence des souches. La fièvre Q est inscrite au tableau des maladies professionnelles sous le numéro 53B pour le régime général, et sous le numéro 49B pour le régime agricole.
Il devrait être basé sur la clinique, mais en dehors de la notion de personne à risque, elle est peu parlante, évoquant tout aussi bien des infections à Legionnella qu’à Mycoplasma ou à Chlamydiae pour les formes pulmonaires, qu’une maladie de Lyme, une leptospirose ou une rickettsiose pour les syndromes grippaux. Le diagnostic doit donc impérativement être étayé par une confirmation biologique. La biologie standard apporte peu d’éléments en dehors des constantes hépatiques qui sont généralement perturbées, et une thrombopénie dans 25 % des cas. La VS peut être de très accélérée à normale, la formule leucocytaire est normale dans 85 % des cas, mais on peut voir des leucopénies ou des leucocytoses. L’isolement du germe à partir de biopsies ou de sang hépariné se fait par immunofluorescence directe, la détection par PCR peut également être utilisée, elle est particulièrement sensible. Ces techniques relèvent de laboratoires très spécialisés.
Immunofluorescence indirecte (IFI) qui est sensible et sépare les différentes immunoglobulines dirigées contre les deux phases:
La répétition des sérologies permet le suivi de l’évolution des fièvres Q sous traitement.
Le traitement des formes aiguës doit être prolongé pendant une quinzaine de jours, par tétracyclines per os (250 mg 4 à 6 fois par jour), ou chloramphénicol chez les enfants, la spiramycine est également régulièrement efficace. Les traitements plus courts risquent de ne pas empêcher le passage à la chronicité. D’autres thérapeutiques à base de sulfaméthoxazole-trimétoprime, de péfloxacine ou d’ofloxacine sont également utilisées avec succès, les fluoroquinolones semblent être bien adaptées aux formes neurologiques de la maladie. Le traitement des formes chroniques est l’affaire des centres spécialisés, la doxycycline doit être associée à une fluoroquinolone pendant au moins trois ans. Cependant, l'association de l'hydroxychloroquine permet de réduire la durée optimale de traitement à 18 mois; dans ce cas, le suivi régulier de la sérologie permet de surveiller l'efficacité du traitement et de prévenir les risques de rechute de la maladie.
Aucune législation ne concerne la fièvre Q animale en France. Les mesures prophylactiques en sont d’autant plus importantes : pasteurisation du lait, lutte contre les poussières et incinération des cadavres, des placentas et des excreta. Le dépistage sérologique est désormais possible, ainsi que la vaccination des troupeaux (vaccins bovins inactivés au formol de phase I et II). Le fait que le vaccin de phase II utilisé en France n’empêche pas les chèvres de transmettre C. burnetii dans le lait, confirme la nécessité de préparer un vaccin efficace, de phase I ou recombinant. Pour les malades, les crachats, les selles, les urines ou autres sécrétions corporelles doivent être autoclavées. Il n’existe pas de traitement préventif, mais des vaccins sont en expérimentation en Australie et aux États-Unis. Le rôle des tiques paraît accessoire dans la contamination humaine, mais il doit être pris en considération au niveau du cycle tique-animal. La limitation des populations de tiques et de rongeurs devrait de ce fait, faire partie intégrante de la lutte contre la fièvre Q, car elle permettrait de réduire la dissémination de C.burnetii.
|
Envoyez un courrier électronique à
Tophydukes@aol.com pour toute question ou remarque concernant ce site Web.
|