Guy A. Lepage
Guy A. Lepage veut vendre sa série, mais pas son âme, oh non!
Guy A. Lepage parle anglais avec un accent à couper au couteau. Mais l'humoriste a récolté un immense éclat de rire surpris à Banff il y a dix jours lorsqu'il a déclaré, dans un anglais que je traduis fidèlement: «Le territoire américain en télévision, c'est identique au gros derrière d'un Hells Angel emprisonné: très dur à pénétrer.» Par Michel Blanchard. [Samedi, 23 juin 2001]
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Relent de l'esprit coriace de Rock et Belles Oreilles, cette comparaison décrit bien la difficulté de vendre de la télévision aux Américains. Guy A. Lepage était au Festival de Banff pour parler de formats. Le sien, Un gars une fille, est devenu un véritable success story unique dans le monde.
Le couple qu'il a créé a été vendu dans 13 pays du monde. La vente la plus étonnante a été en France, où les produits québécois de télé sont rarissimes. Mais voilà l'astuce: Un gars, une fille en France est aussi français que n'importe quelle émission française. Pas d'accent de chez nous. Des acteurs français. Mais les textes, sauf quelques adaptations pour faire plus vrai, sont ceux de Guy et Sylvie chez nous. La réalisation est la même: rien n'est tourné en studio et les séparations entre les sketches sont identiques.
Quand il est débarqué à Banff pour participer à son atelier, Guy A. Lepage arrivait de Barcelone où il avait surveillé de près, comme il le fait dans chaque pays acheteur de son oeuvre, la réalisation du premier épisode.
En père attentif, M. Lepage tient absolument à reconnaître ses enfants, même s'ils parlent une langue qu'il ne comprend pas. Et son message aux congressistes était de ne pas se mettre à genoux devant les Américains. Il est possible de survivre sans eux.
Le monde de la télévision est séparé en deux: les États-Unis et le reste de l'univers. Les États-Unis produisent de la télévision pour le reste de l'univers, qui l'achète.
Et le reste de l'univers passe beaucoup de temps à cogiter sur les moyens à prendre pour pénétrer le marché américain. La déclaration grivoise de Guy A. Lepage leur est allée droit au coeur.
M. Lepage n'a pas encore réussi à pénétrer l'univers anglo-saxon. Depuis quelques années, les patrons de la CBC, le réseau anglais de Radio-Canada, lui disent à quel point ils apprécient Un gars, une fille.
Le problème, c'est qu'ils ne rappellent jamais pour acheter l'oeuvre. Mais voilà qu'il y a de l'espoir: à Banff, deux réseaux canadiens privés se sont montrés très intéressés par la comédie. Guy A. Lepage pense qu'une adaptation canadienne-anglaise est proche.
Aux États-Unis, la comédie de Guy A. Lepage a suscité beaucoup d'intérêt. Le problème, c'est que les Américains veulent produire une version qu'ils vont vendre partout à travers le monde. Comme ils vendent Baywatch, ER, Columbo et le reste. Le reste de l'univers traduit et le tour est joué.
Pas de ça pour notre auteur. D'abord, il leur explique que des pays ont déjà acheté Un gars, une fille et qu'ils le refont dans la langue locale. Ensuite, il leur dit qu'ils peuvent faire certaines petites adaptations pour plaire à leur public, mais qu'en bout de ligne, il garde un contrôle sur la qualité du produit. Il a permis qu'en France, l'émission ne dure que sept minutes. Il est prêt à toute adaptation qui ne touche pas à l'essence de l'oeuvre.
Il a découvert récemment une race de producteurs américains plus respectueux. «On n'a jamais été aussi près d'une entente», dit-il.
Un gars, une fille entrera dans sa cinquième saison cet automne à Radio-Canada. Vingt-deux nouveaux épisodes attendent les nombreux fans. À la fin de la saison, Guy A. Lepage aura écrit 108 épisodes de 30 minutes. Et le succès ne s'est pas encore démenti. Ce couple-là tient remarquablement bien le coup.
Prépare-t-il une autre série qui fera le tour du monde?
Il rigole. «On ne prépare jamais rien pour faire le tour du monde. Ça arrive comme ça. Les premiers sketches d'Un gars, une fille, je les présentais avant les pauses publicitaires à Besoin d'amour, le talk-show que j'animais à TQS. À la fin de la saison, j'ai dit à mon producteur Jean Bissonnette qu'on devrait peut-être remonter les minisketches pour en faire une émission à TQS. C'est alors qu'il est allé proposer la série à Radio-Canada.»
Non, il n'écrit pas de nouvelle continuité ces temps-ci. D'abord, tous ses épisodes d'Un gars, une fille ne sont pas terminés. Ensuite, il prépare le gala de l'ADISQ cet automne avec André Ducharme. Et puis, il a des projets avec RBO dont ce sera le 20e anniversaire (comme le temps passe!) la saison prochaine.
Et puis, il est producteur au contenu de Chick'n swell, la nouvelle émission d'humour absurde qui ravit bien du monde, et en fait enrager autant, le vendredi soir à Radio-Canada cet été. Et comme la série a été renouvelée pour la saison prochaine, il est déjà attelé à la tâche.
Nouveau TV5 à la mode de chez nous
La ministre Diane Lemieux a confirmé ce que bien des gens savaient déjà: TV5 monde régnera sur l'univers, mais pas chez nous. Une nouvelle chaîne sera créée ici qui comportera des émissions faites ici, comme maintenant, et des émissions européennes de langue française. Comme maintenant.
Cette chaîne sera toutefois exportée vers l'Europe et l'Afrique dans un premier temps. Ainsi donc, la France s'empare du marché américain et de l'Amérique latine, ce qu'elle désirait depuis longtemps. En retour, nous obtenons que notre chaîne soit exportée.
La ministre d'État à la Culture souhaite travailler avec Radio-Canada, Télé-Québec, des partenaires privés et TV5 Monde pour mettre notre nouvelle chaîne en route