VII. L'état dinnocence.—La chute

31.—Dans quel état Dieu créa-t-il Adam et Eve?

Dieu créa Adam et Ève dans un état de sainteté et de bonheur, leur réservant le ciel comme récompense de leur fidélité. C'est là ce qu'on appelle l'état d'innocence ou de justice originelle, dont l'histoire sainte nous trace le tableau, et dont tous les peuples ont conservé la mémoire, sous le nom d'âge d'or. Dans cet heureux état, nos premiers parents étaient merveilleusement favorisés et pour le corps et pour l'âme.

1° Quant au corps, il était exempt du travail pénible; il ne connaissait pas la souffrance ni la maladie, et il ne devait point connaître la mort. Après avoir ici-bas goûté toutes les félicités de l'ordre naturel, il devait être transporté au ciel, dans le lieu d'une félicité sans ombre et aussi sans fin.

2° Quant à l'âme, elle était enrichie de tous les dons naturels, et la bonté divine y avait surajouté, par surcroît, des dons surnaturels.—Dans l'ordre naturel, c'était une intelligence parfaite, exempte des ténèbres et des incertitudes de l'ignorance; une volonté dirigée vers le bien, et exempte de l'inclination au mal; un cœur qui spontanément s'attachait à Dieu et à ce qui est bon, ignorant les tristes entraînements de la concupiscence.—Dans l'ordre surnaturel, Dieu communiquait à l'âme de nos premiers parents des lumières plus parfaites que celles de la raison: il conversait avec eux, il leur permettait de l'aimer, et à toutes les joies de ce monde il ajoutait la promesse de son propre bonheur, et cela pour l'éternité. Le mot qui résume tous ces privilèges surnaturels, c'est la grâce, principe de sainteté, de charité et de gloire.

32.—Quelle condition Dieu avait-il mise à la perpétuité de cet état?

En plaçant nos premiers parents dans le Paradis terrestre, Dieu mit à la perpétuité de leur bonheur une condition facile, mais à laquelle il attachait une souveraine importance. Il permit à Adam et Ève de manger de tous les fruits du jardin de délices, à l'exception du fruit d'un arbre, qu'il appela l'arbre de la science du bien et du mal. Puis il ajouta: " Le jour où vous mangerez de ce fruit, vous mourrez. " C'était renfermer dans cette menace, pour Adam et sa postérité, la perte de tous les dons exceptionnels et surnaturels qui étaient attachés à l'état d'innocence.

33.—Racontez la chute de l'homme.

L'homme était depuis peu de temps en possession de son bonheur dans le Paradis terrestre, quand le démon, jaloux de cette félicité, résolut de perdre la race humaine. Il prit la forme d'un serpent, s'approcha d'Ève comme étant la plus faible, la tenta par l'appât de la sensualité et de l'orgueil et l'entraîna à désobéir à Dieu. Elle mangea du fruit défendu et elle en offrit à Adam, qui l'imita dans sa désobéissance. Aussitôt leurs yeux furent ouverts, et ils comprirent la gravité de leur péché. Le Seigneur bientôt se fit voir aux coupables, obtint leur aveu et prononça leur sentence. Ève fut condamnée spécialement à la douleur, à la dépendance de son mari; Adam, au dur travail; puis, tous deux à la souffrance et à la mort. Dieu les chassa du Paradis terrestre, pour montrer que leur bonheur avait fini.

34.—Quelles ont été les conséquences de la chute originelle?

Les conséquences de la chute de nos premiers parents ont été très graves pour eux et pour leurs descendants:

1° Ils perdirent la justice originelle ou la grâce sanctifiante qui les rendait amis de Dieu, et, avec cette grâce, tous les privilèges qui y étaient attachés, ne conservant plus désormais que les facultés essentielles à la nature humaine

2° Adam et Ève, dépouillés des dons surnaturels attachés à l'état d'innocence, furent aussi blessés naturellement, c'est-à-dire que les dons naturels leur furent, non pas ôtés, mais amoindris. Ce n'est ainsi que, quant au corps, ils sentirent les atteintes du travail, de la douleur, de la maladie et finalement de la mort; quant à l'âme, ils ressentirent en leur intelligence les ténèbres ou l'ignorance; dans la volonté, la malice ou le penchant au mal; dans la sensibilité ou le coeur, cette faiblesse ou concupiscence qui nous porte à la recherche du bien sensible.

3° Déshérités et devenus pour Dieu un objet d'Aversion, nos premiers parents perdirent tout droit à la vision et à la possession surnaturelle de Dieu, c'est-à-dire au ciel qui était promis à leur fidélité. Cette privation constitue ce qu'on appelle la damnation ou la mort de l'âme.

4° Enfin Adam et Ève, n'ayant plus la grace et ses privilèges, ne purent désormais les transmettre à leurs descendants, mais ils leur communiquèrent leur état de déchéance: c'est ce qu'on nomme le péché originel.

35.—Le péché d'Adam s'est-il transmis à tous ses descendants?

Oui, le péché d'Adam s'est communiqué à tous ses descendants: c'est pourquoi nous naissons tous souillés du péché de notre premier père et sujets aux mêmes misères que lui —C'est là une vérité clairement enseignée par la sainte Écriture, et spécialement en saint Paul (apôtre auz Romains, v), Le Concile de Trente en a fait un dogme catholique, et la tradition de l'Église, à cet égard, est constante et universelle. Mais c'est là un mystère au-dessus de la raison. Tout ce que nous pouvons en dire, c'est que ce péché originel qui fut en nos premiers parents un péché actuel, n'est pour leurs descendants qu'un péché habituel; ce qui n'empêche pas qu'il soit en nous un état de mort à la grâce, et par conséquent tout à la fois une souillure et un châtiment.

Toutes les traditions ont admis cet état de déchéance, et la raison ne saurait y voir d'injustice. Souvent les enfants héritent de leur père des défauts ou des vices: la transmission du péché originel n'est pas plus difficile à admettre que ces autres transmissions qui sont incontestables. Il est d'ailleurs permis de croire que les enfants qui meurent avec le seul péché originel ne sont pas, pour ce fait, condamnés à l'enfer, mais seulement à la privation de voir Dieu. C'est l'opinion de saint Augustin, qui les place dans les limbes.

Personne n'est exempt du péché originel, si ce n'est la sainte Vierge. Seule elle est apparue au monde sans cette tache: c'est là ce qui constitue le privilège de 1'Immaculée Conception, dont nous parlerons bientôt.

CONCLUSION PRATIQUE

L'homme est un dieu tombé qui se souvient des cieux.

Au souvenir de son ancienne grandeur, il doit bénir l'infinie miséricorde qui l'avait élevé si haut et établi presque l'égal des anges. Au souvenir de sa chute et des misères du corps et de l'âme qui en sont la conséquence, il doit benir et adorer l'infinie justice. Heureux sommes-nous de pouvoir maintenant passer du regret à l'espérance! Par les mérites du Rédempteur, là où avait abondé le péché, là a surabondé la grâce... " Heureuse faute, s'écrie saint Augustin, qui nous a valu une telle rédemption? " Mais il nous faut en mériter l'application dans l'humilité, la pénitence, la foi et le recours au Rédempteur promis au monde et venu pour nous sauver.