Le droit de retour du peuple palestinien


C'était en 1948 que le destin du peuple palestinien fut changé à jamais. Ce que les Palestiniens nomment la Nakba est le plus grand récit d'exode que notre siècle a connu. Ce fut l'histoire d'une terre conquise, de la dépossession d'un peuple, d'une des tragédies les plus accablantes de notre monde actuel et dont les événements s'échelonnent sur plus de cinquante ans. Pour certains ce fut le chemin vers la terre promise, pour d'autres un long séjour loin d'elle. Jusqu'à nos jours la cause palestinienne occupe une grande place sur la scène internationale. Hélas, souvent se ne sont que les événements politiques qui envahissent les médias alors que la réalité humaine est enterrée avec ses victimes et ne voit jamais le jour. Avec les accords d'Oslo et la naissance du « processus de paix », le monde s'est convaincu d'avoir finalement découvert la solution à la situation conflictuelle du Moyen-Orient . Cependant, ces accords ne furent qu'un parcours miné de déceptions pour le peuple palestinien et surtout pour les réfugiés dont la souffrance semble être ignorée par le monde entier. En effet, jusqu'à nos jours des millions de Palestiniens sont confinés à vivre dans des camps de réfugiés, sous des conditions sanitaires et humanitaires déplorables, et dont le sort demeure inconnu. Aux enfants de Sabra et Chatila, aux enfants de Khan Younès, au peuple démuni de la terre de ses ancêtres, que leur réserve le futur? Prendront-ils un jour le chemin de retour vers leur terre promise? Cet essai tentera d'examiner les divers éléments relatifs au droit de retour du peuple palestinien. De la diaspora palestinienne aux accords d'Oslo, le droit de retour sera défini dans un contexte légal en tenant compte toutefois des considérations politiques qui entravent sa réalisation. Tout d'abord, on envisagera le fondement du droit de retour des réfugiés palestiniens en droit international public pour se lancer, par la suite, à un examen du statut quo de ce peuple démuni. Enfin, cet essai proposera une solution au problème des réfugiés à l'intérieur de la situation politique actuelle. Toutefois le but principal est d'affirmer que la question des réfugiés n'est pas limitée aux notions politiques ombrageant la cause palestinienne, mais c'est une réalité indéniable : une tragédie humanitaire ignorée par le monde mais vécue par le peuple palestinien.

1. LA DIASPORA PALESTINIENNE ET LE FONDEMENT DU DROIT DE RETOUR.

1.1 Aperçu historique et politique des événements menant aux deux exodes du peuple palestinien.

Une des tâches les plus dures à accomplir dans l'examen des événements qui se sont déroulés à cette époque est de dissocier les récits divergents provenant de plusieurs sources. L'histoire de la diaspora palestinienne a mené à une longue controverse et à deux récits diamétralement opposés. La cause de l'exode massif de centaine de milliers de Palestiniens entre 1947 et 1948 a cependant des conséquences légales importantes. Effectivement, si les Palestiniens ont abandonné leur terre, comme le prétendent certaines sources israéliennes, alors leur droit de retour, mais plus particulièrement leur droit à la compensation, leur seront niés. Un examen plus approfondi des « raisons d'être » de ce déplacement de population, ainsi que leurs répercussions légales, se fera ultérieurement. Il s'agit maintenant d'examiner le contexte historique et politique dans lequel a pris naissance la Nakba. Le Moyen-Orient est une région où politique, histoire, et droit s'entrelacent et il est donc impossible de toucher à l'un des ses éléments sans avoir à définir l'autre. À la fin de la première guerre mondiale, la Palestine fut soumise au système des mandats qui définit ces territoires, à l'article 22 du Pacte de la Société (Société des Nations), comme étant certaines communautés, qui appartenaient autrefois à l'empire ottoman, [et qui] ont atteint un degré de développement tel que leur existence comme nations indépendantes peut être reconnue provisoirement, à la condition que les conseils et l'aide d'un Mandataire guident leur administration jusqu'au moment où elles seront capables de se conduire seules. Les voeux de ces communautés doivent être pris d'abord en considération pour le choix du Mandataire. [nos italiques]

Il appert donc que les territoires sous mandat était reconnus comme provisoirement indépendants. À la fin du mandat, le Liban, la Syrie et la Jordanie ont accédé à leur indépendance et seule la Palestine a vu son droit lui être renié, et ce en raison de la « Déclaration Balfour ». Ce document défigurait le mandat britannique en Palestine en lui imposant la tâche de créer sur cette terre « un foyer national pour le peuple juif » . Cet engagement était noué au mandat confié à la Grande Bretagne en 1922 par la Société des Nations et a ignoré les voeux du peuple palestinien malgré la disposition expresse du Pacte. Le Traité de Lausanne, en 1924, ainsi que le Conseil de la Société des Nations ont soutenu les mandats au Moyen-Orient de la Grande-Bretagne et de la France conformément aux accords Sykes-Picot et à la « Déclaration Balfour ». Cette discrétion de la Société des Nations a toutefois été remise en cause : The right, however, of the League of Nations under international law to approve a British-protected Zionist invasion of Palestine is a questionable as the subsequent attempt of its successor, the United Nations Organization, to apportion Palestine into Arab and Jewish states in the 1947 Partition Plan. The wishes of the people whose home had been in Palestine for 1300 years were totally disregarded and their right to self-determination was never considered.

Le mandat britannique s'est échelonné sur vingt-cinq années, de 1922 à 1947, et a été accompagné d'une immigration massive de Juifs due surtout aux massacres perpétrés par les Nazis en Europe. La population juive a triplé en moins de trente ans d'après les statistiques de l'O.N.U . Cet accroissement spectaculaire a été reçu par des protestations palestiniennes couplées d'actes de violence et de terrorisme de la part des deux parties. La Grande-Bretagne a tenté d'établir la paix dans un pays ravagé par la violence mais a rapidement cédé les sangles à l'Organisation des Nations Unis. Le 02 avril 1947, la Grande-Bretagne proposa à l'Assemblée Générale de l'O.N.U. de faire des recommandations sur le futur gouvernement de Palestine, sous l'égide de l'article 10 de la Charte. Une commission spéciale a été chargée d'étudier le problème et de présenter des propositions. L'Assemblée Générale recommanda, le 29 novembre 1947, le partage de la Palestine en deux états (Résolution 181). Ce plan de partage accorda à la minorité juive 56 % du territoire palestinien ce qui, sans doute, embrasa la fureur chez les Arabes qui ont catégoriquement rejeté cette résolution. À l'expiration du mandat en mai 1948, Israël proclama son indépendance et empiéta sur 23% des territoires attribués à l'État arabe par la résolution relative au partage de la Palestine . Ceci déclencha la guerre ainsi que la première défaite arabe, et l'«État arabe » de la résolution 181 a été enterré à jamais. C'était le début du premier exode des Palestiniens. L'Organisation des Nations Unies nomma le Comte Bernadotte Médiateur pour la Palestine pour rapporter sur la situation détériorante sur cette terre. Il a dépeint la tragédie de l'exode du peuple palestinien en affirmant : Les hostilités qui se sont déroulées en Palestine ont contraint un nombre inquiétant de personnes à s'éloigner de leurs foyers. En Palestine et dans les pays voisins, les réfugiés sont en grande majorité des Arabes. L'avenir de ces réfugiés arabes est l'un des problèmes litigieux et sa solution présente de graves difficultés […].

Ces réfugiés proviennent en majorité de territoires qui, selon la résolution du 29 novembre de l'Assemblée, était destinés à faire partie de l'État juif. L'exode des Arabes de Palestine a été provoqué par la panique résultant des combats qui se sont déroulés dans leurs collectivités ou par des rumeurs rapportant des actes de terrorisme réels ou supposés, ou a été dû à des mesures d'expulsion […].

Pour ce qui est du nombre de réfugiés concernés, Bernadotte l'avait estimé à près de 350 000 , cependant la Mission économique d'étude des Nations Unis pour le Moyen-Orient rapporta, une année plus tard, des chiffres beaucoup plus élevés, c'est-à-dire environ 726 000 Palestiniens . En 1967, ce fut le second exode palestinien qui bouleversa l'histoire du Moyen-Orient. Le contrecoup de la guerre était l'occupation par Israël de la Cisjordanie, du Sinaï, de la bande de Gaza ainsi que du plateau du Golan syrien. En décembre 1967, près de 245 000 personnes prirent la fuite de la Cisjordanie et de la bande de Gaza vers l'autre rive du Jourdain; alors que 116 000 quittèrent la région occupée de la Syrie et 61 000 personnes évacuèrent le Sinaï et la bande de Gaza pour prendre refuge en Égypte . De ce bilan, près de 145 000 étaient déjà des réfugiés immatriculés dans l'UNRWA et qui ont été démunis pour une deuxième fois . Finalement, certains ont défini la crise du Golfe comme étant le troisième exode du peuple palestinien, ayant causé l'expulsion de près de 350 000 personnes du Koweït et quelques milliers d'autres des divers états du Golfe Persique .

1.2 Le droit de retour, principe de droit international.

L'existence du droit de retour peut être retracée à l'époque classique durant laquelle les théoriciens, tant politiques que juridiques, ont évoqué le droit qu'a toute personne de se déplacer librement. Le droit de retour découlait naturellement de cette liberté de mouvement accordée aux individus. Effectivement, Platon fut un des premiers à invoquer ce droit dans ses Dialogues où il fait appel à Socrate en lui disant « Nous proclamons en outre, à l'adresse de tous les Athéniens; qu'en vertu de la liberté que nous leur accordons […] il leur est loisible d'aller où bon leur semble et de garder par-devers eux leurs biens. Quiconque le souhaite […] peut aller où il l'entend et conserver ce qui est sien […]. » Non seulement Platon reconnaît implicitement le droit de retour d'un individu mais il lui accorde aussi un droit de compensation en affirmant que cet individu peut conserver ce qui lui appartenait. Cependant, il a fallu attendre la Grande Charte de 1215 pour que le droit naturel de retour soit légalement codifié pour la première fois en garantissant la liberté « […] de sortir de notre Royaume et d'y revenir, sans encombre et en toute sécurité, par voie de terre ou de mer […]. » Cette reconnaissance implicite du droit de retour resurgit dans divers autres instruments juridiques et politiques. Elle est aussi confirmée par la pensée de divers intellectuels et juristes comme Emmerich Vattel qui définit l'exilé et l'étendue de ses droits . La liberté de mouvement a aussi été incluse dans la Constitution de 1791, suite à la Révolution française, et donc englobe évidemment le droit de retour. Il est utile de noter que la doctrine avait toujours perçue l'exil ou le bannissement comme un des châtiments les plus sévères, et qui était uniquement réservé aux criminels. D'où, le droit de retour d'une personne n'ayant commis aucun crime, semblait être si naturel et évident qu'il découlait naturellement du droit de libre mouvement. Il a fallu attendre une résolution datée du 21 juin 1946 pour que le Conseil économique et social, dans le préambule du projet de constitution d'une Organisation internationale des réfugiés, affirme clairement que « […] en ce qui concerne les personnes déplacées, la principale tâche consiste à encourager et à seconder par tous les moyens possibles leur prompt retour dans leur pays d'origine. » ; la première codification expresse du droit de retour. Cette intention de préserver ce droit a été réitérée à l'article 13 de la Déclaration universelle des droits de l'Homme qui stipule que : 1. Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l'intérieur d'un État. 2. Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays.

Dans l'Avis consultatif émis en 1971 sur la question de la Namibie, la Cour internationale de Justice tente de donner à la Déclaration force de droit coutumier en insistant sur le fait qu'elle codifie le droit fondamental à l'égalité d'où découlent tous les autres droits de la personne humaine . Cependant, cette interprétation de la valeur de la Déclaration n'a pas été confirmée ultérieurement . L'impact légal de cette Déclaration, sur la scène internationale, demeure douteux, reste que sa valeur morale est certainement indubitable. De plus, l'article 13 pose une autre difficulté quant à la définition assez vague qu'il est possible d'accorder aux paroles « son pays ». L'auteur Donna Arzt a insisté sur la nécessité de donner une interprétation libre de ces paroles de manière à inclure « a homeland with which one has ancestral, religious, and cultural if not geographical and political ties. After all, international law does require that human rights treaties be interpreted in their fundamentally humanistic rather than technical connotation. » . Il serait donc possible d'y inclure le cas des réfugiés palestiniens, que l'on abordera en détail ultérieurement. Si le statut juridique de la Déclaration demeure ambigu, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui se présente sous la forme d'une convention internationale, a force obligatoire pour les États parties et ce au niveau des principes, et au niveau de l'application dans l'hypothèse où cet État aurait ratifié le Pacte et circonscrit à l'article 41 (reconnaître le droit aux autres États parties de déposer une plainte contre lui devant un comité) ou ratifié le Protocole facultatif. Ce pacte, en vigueur depuis le 23 mars 1976, confirme l'existence du droit de retour à l'article 12 : 2 Toute personne est libre de quitter n'importe quel pays, y compris le sien. 4 Nul ne peut être arbitrairement privé du droit d'entrer dans son propre pays.

Enfin, en 1973, le Conseil économique et social imposa à la Commission des droits de l'Homme le devoir de maintenir ce droit en stipulant dans le projet de principes que : c) Nul ne peut être arbitrairement privé du droit d'entrer dans son propre pays. d) Nul ne se verra dénier le droit de rentrer dans son propre pays du fait qu'il n'a pas de passeport ou autre document de voyage.

Il appert donc que le droit de retour est un droit naturel et inhérent à la personne, et une norme de droit international qui fait partie des « principes généraux de droit reconnus par les nations civilisées » (art.38 c) du Statut de la C.I.J.). Par l'intermédiaire de l'Organisation des Nations Unies, la communauté des nations a spécifiquement établi le droit de retour du peuple palestinien.

1.3 Fondement du droit de retour du peuple palestinien.

La résolution 181 du 29 novembre 1947 était le certificat de naissance de l'État d'Israël. Cette résolution prévoyait la création d'un État arabe et d'un État juif en Palestine. Cependant, elle ne contenait aucune disposition se rapportant au droit de retour tout en mentionnant la nécessité de garantir les droits des minorités qui serait crées suite au plan de partage. Étant donné que l'État d'Israël était le seul à voir le jour, il lui incombait le devoir de respecter les obligations qu'il avait contracté envers la population minoritaire. Ces obligations incluaient, entre autres, le respect de la liberté de conscience et de religion sans discrimination possible sur la base de race, langue, religion ou sexe. Le 14 mai 1948, jour de la déclaration de l'État d'Israël, le Comte Folke Bernadotte a été nommé Médiateur des Nation Unies en Palestine. Les derniers échos du Comte furent transmis le 16 septembre 1948 à l'Assemblée générale, un jour avant son assassinat par des terroristes israélien de la gang de Stern. Il avait établi les sept prémisses nécessaires à une paix équitable en Palestine. Le droit de retour figurait parmi elles : Il est toutefois indéniable qu'aucun règlement ne serait juste et complet si l'on ne reconnaissait pas aux réfugiés arabes le droit de retourner dans les lieux que les hasards de la guerre et la stratégie des belligérants en Palestine les avaient contraints à quitter.[…]

Il convient de proclamer et de rendre effectif le droit des populations innocentes, arrachées à leurs foyers par la terreur et les ravages de la guerre, de retourner chez elles […].

Ces recommandations ont été reçues par des confrontations israéliennes qui ont arraché au Comte sa vie. De plus, le gouvernement israélien prétendait que si le droit de retour était accordé aux Palestiniens, cela porterait atteinte à la sécurité d'Israël, un argument devenu répétitif du coté de l'État israélien et qui jusqu'à nos jours se fait répercuté même lors des accords de Wye Plantation. Ainsi, la sécurité d'un état dont l'existence s'est bâtie sur de la violence semble être une raison suffisante pour nier à un peuple tout ce à quoi il a légitimement droit. Toutefois, l'Assemblée générale des Nations Unies a accepté les recommandations du médiateur et a établit le droit de retour des Palestiniens dans la résolution 194 (III). Le 11 décembre 1948, les Nations Unies adoptent cette résolution qui soumet au paragraphe 11 le droit de retour : […]qu'il y a lieu de permettre aux réfugiés qui le désirent, de rentrer dans leurs foyers le plus tôt possible et de vivre en paix avec leurs voisins, et que des indemnités doivent être payées à titre de compensation pour les biens de ceux qui décident de ne pas rentrer dans leurs foyers et pour tout bien perdu ou endommagé lorsque, en vertu des principes du droit international ou en équité, cette perte ou ce dommage doit être réparé.

Par cette résolution, l'Assemblée générale donne aussi naissance à la Commission de conciliation pour la Palestine qui est chargée « de faciliter le rapatriement, la réinstallation et le relèvement économique et social des réfugiés, ainsi que le paiement des indemnités. » Il est donc clair, d'après les dispositions de cette résolution ainsi que le mandat accordé à la Commission, que le droit à la compensation fait partie intégrale du droit de retour, fondé sur le choix des réfugiés, et que nous examinerons en détails ultérieurement. Cette résolution fondamentale a cristallisé le droit de retour du peuple palestinien il y a cinquante ans et a été réitérée pratiquement à chaque session de l'Assemblée générale depuis lors. La Commission, quant à elle, a dû faire face aux interventions israéliennes qui soutenaient que le rapatriement du peuple palestinien fragilisait la sécurité et la stabilité tant économiques que politiques de l'État d'Israël. La Commission a alors adopté une position de fait accompli, et a misé son intention sur l'évaluation de la compensation due aux réfugiés ainsi qu'à leur intégration dans les pays arabes, et non à leur rapatriement. Cette attitude de la Commission a été critiquée par les pays arabes qui affirmèrent : Au sujet du rapatriement des réfugiés, les délégations arabes ont déclaré que le retour des réfugiés ne pouvait être soumis à aucune restriction. […] Il ne pouvait y avoir de paix au Moyen-Orient tant qu'Israël s'opposait au retour des réfugiés dans leurs foyers. La Commission devrait sans tarder prendre des mesures d'ordre pratique en vue du retour des réfugiés dans leurs foyers et, pour commencer, procéder au recensement des réfugiés qui désiraient être rapatriés. D'après les délégations arabes, les critères proposés par la Commission n'offraient aucune base pratique pour la solution du problème.

L'insuccès de la Commission a été marqué lors de la Conférence de Paris en 1951 et qui fut la dernière tentative de la part de la Commission pour trouver une solution en accord avec la résolution 194. Ses efforts ont repris force en 1961 mais en vain. La Commission constitue un autre symbole de l'inefficacité de l'Organisation des Nations Unies qui a soumis le droit d'un peuple à des considérations politiques, au fait accompli. L'Organisation des Nations Unies, qui a elle-même contribué à la création du problème des réfugiés, ne fournit qu'un faible effort pour y remédier. C'est cette attitude des Nations Unies qui a poussé les états arabes à réclamer la création d'un organisme dédié à aider les réfugiés palestiniens, dont le statut ne peut être assimilé à une définition générale de réfugiés car « to accept a general definition […] would be to renounce insistence on repatriation. » Ainsi, avant même de créer le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR) en 1950, l'on donna naissance à l'UNRWA (Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient.) en décembre 1949. L'UNRWA fut cependant, crée dans le but de fournir des services d'éducation, de santé et de secours aux réfugiés palestiniens vivant dans le Moyen-Orient. L'existence de cette organisation ne porte aucunement préjudice au droit de retour et n'est point une reconnaissance implicite de la nécessité d'intégration des Palestiniens dans les pays arabes. Bien au contraire, l'UNRWA a un mandat renouvelable ce qui renforce son statut temporaire. Il est aussi utile de mentionner le droit de retour des seconds exilés, c'est-à-dire des réfugiés suite à la guerre de 1967. Leur droit de retour figure à la résolution 237 du Conseil de Sécurité et qui priait Israël « de faciliter le retour des habitants qui se sont enfuis de ces zones depuis le déclenchement des hostilités », incluant ainsi ce droit dans le champ d'application préétabli dans la résolution 194. La fameuse résolution 242, quant à elle, soutenait la nécessité de trouver une solution juste et équitable au problème des réfugiés. Enfin, vue la non-observation des nombreuses résolutions de l'O.N.U. concernant les Palestiniens, l'Assemblée générale a décidé de relier le droit de retour au droit fondamental à l'autodétermination. En 1969, elle adoptait une résolution reconnaissant le « peuple de Palestine » (Résolution 2535 B (XXIV) qui a été votée par 47 voix contre 22 avec 47 abstentions. En 1975, l'Assemblée générale a aussi crée le Comité pour l'exercice des droits inaliénables du peuple palestinien. Depuis, le droit à l'autodétermination ainsi que tous les droits du peuple palestinien, incluant le droit de retour, ont été réaffirmés à maintes reprises par la communauté des nations : Il a été souligné que les droits inaliénables du peuple palestinien à l'autodétermination ne pouvaient s'exercer qu'en Palestine. Partant, l'exercice du droit individuel du Palestinien de retourner dans son pays d'origine constituait une condition sine qua non de l'exercice par ce peuple de ses droits à l'autodétermination, à l'indépendance et à la souveraineté nationales.

Cependant, les résolutions de l'.O.N.U constitue de la « soft law » et ne créent pas d'obligations pour les états. Il appert donc que la plus importante entrave à l'exécution du droit de retour serait l'absence de volonté d'Israël de reconnaître ce droit ainsi que toutes obligations envers le peuple palestinien; victime de leur infâme insouciance.


2. STATUT QUO DES REFUGIES PALESTINIENS.

2.1 La position de l'État d'Israël envers les réfugiés palestiniens et leur droit de retour.

D'après l'examen des diverses résolutions et Commissions crées par l'O.N.U., il est indubitable que le droit de retour des réfugiés palestiniens est un droit existant et reconnu. L'on se demande alors quelles sont les raisons pour lesquelles plus de trois millions de Palestiniens demeurent confinés à vivre dans des camps de réfugiés sous des conditions inhumaines et dégradantes. Il s'agit en premier lieu d'invoquer le fait que la « Déclaration Balfour » ne prônait pas l'établissement d'un état juif sur la terre de Palestine, mais plutôt d'un foyer juif en Palestine. En effet, le mandat pour la Palestine (Palestine Mandate) contenait la clause suivante : « The Administration of Palestine shall be responsible for enacting a nationality law. There shall be included in this law provisions framed so as to facilitate the acquisition of Palestine citizenship by Jews who take up their permanent residence in Palestine. » [nos italiques] Mais, le destin a joué contre les Palestiniens qui se sont retrouvés étrangers sur leur propre terre à la place d'être les hôtes. Cependant, les intentions du mouvement sioniste était d'établir un état exclusivement juif et non seulement un lieu de résidence aux Juifs. Il s'agissait donc d'un motif diamétralement opposé à celui prévu par le mandat britannique et même par la « Déclaration Balfour », comme l'affirme la déposition du gouvernement britannique en mai 1939 connue sous le nom de MacDonald « White Paper » : « His Majesty's Government believe that the framers of the Mandate in which the Balfour Declaration was embodied could not have intended that Palestine should be converted into a Jewish State against the will of the Arab population of the country. » Ceci confirme donc que la fameuse citation de Théodore Herzl, père fondateur du sionisme, assurant qu'Israël est une terre sans peuple pour un peuple sans terre, n'a aucune base factuelle. Elle ne constitue qu'une portion infime de la propagande sioniste qui tente de cacher la réalité pour masquer une série d'actes illicites et de discriminations injustifiées. Le déni du droit de retour du peuple palestinien prend ses sources dans la nature même de la revendication israélienne sur la terre de Palestine. Il s'agit d'évacuer une terre de ses indigènes et d'homogénéiser sa nouvelle population par l'intermédiaire de moyens d'expulsion ou de lois discriminatoires. Herzl s'empressa de déclarer les premières étapes à suivre pour évacuer la terre de Palestine de sa population arabe et de ne point leur ouvrir les portes de retour : « When we occupy the land […] we shall try to spirit the penniless population across the border by procuring employment for it in the transit countries whilst denying it any employment for it in our own country. » L'auteur Arzt conclut aussi que : « Herzl also had a plan for acquiring Arab property by paying high prices, retaining a repurchase option to avoid resale back to other Arabs, and, if necessary, offering housing, land, and transportation for the former owners outside of Palestine. » Cette politique de refoulement du peuple palestinien hors de sa terre, en s'assurant son intégration dans les régions limitrophes, était inculquée dans l'idéologie même du sionisme et transparaît dans la législation et les déclarations officielles de l'État d'Israël. En effet, le Plan de Partage (résolution 181) prévoyait une obligation de la part des états ainsi formés de respecter les droits des minorités. Étant donné, que seul l'État d'Israël a vu le jour, cette obligation lui incombait à lui seul, et devait être inclue dans les lois fondamentales de l'État. Entre temps, trois lois israéliennes furent décrétées définissant toute terre conquise, soumise ou désertée comme étant abandonnée . Il s'agit des lois de « Abandoned Areas Ordinance » (1948), « Absentee Property Regulations »(1950) et « Emergency Cultivation of Waste Lands Regulations » (1949) et qui définissent une personne absente (« absentee ») comme étant : Any person who was, on or after November 29, 1947 (the date of the General Assembly Resolution concerning partition of Palestine): a) a citizen or subject of any of the Arab states b) in any of these states, for any length of time c) in any part of Palestine outside the Israeli-occupied area d) in any place other than his habitual residence, even if such place as well as his habitual abode were within Israeli-occupied territory.

L'État d'Israël admettait que les terres ont été abandonnées pour ainsi nier toute responsabilité morale ou autre de compensation pour ces réfugiés, et les pertes qu'ils auraient subis, ou pour leur accorder leur droit fondamental de retour. Cette politique d'altération des faits est bien connue à Israël et fait partie intégrale de ses stratégies de négociations : « Considering the political advantages that a voluntary exodus poses to Israeli interests, it is hardly surprising that Israeli policy makers have traditionally promoted this understanding of history.[…] This places Israel in a far stronger negotiating position than if it incited or augmented the Palestinian exodus. » Israël n'a pas seulement modifié les faits et contribué à l'exode des Palestiniens, mais le gouvernement israélien a aussi opposé le droit de retour des réfugiés palestiniens sous le prétexte que cela menacerait la sécurité et la stabilité d'Israël tout en instituant des lois reconnaissant ce droit de retour uniquement aux personnes juives. En effet, le Comte Bernadotte avait dû confronter ces obstacles et avait proposé un processus de réintégration des Palestiniens excluant « les hommes en âge de porter les armes […], pour tenir compte des considérations de sécurité » . Reste que ces efforts furent en vain car Israël n'avait point l'intention de réintégrer les réfugiés palestiniens puisque ceci irait à l'encontre de leur politique ainsi que de leur législation. En effet, les deux principales lois israéliennes évoquant le droit de retour ne sont point conformes au principe du droit de retour établi par l'Organisation des Nations Unies et qui devrait créer des obligations pour Israël. Nous avons la « loi sur le retour » qui statue clairement que : 1. Tout Juif a le droit d'entrer dans ce pays en tant qu' « oleh ». 2. a) L'aliyah s'effectue par visa d'oleh. b) Un visa d'oleh est accordé à tout Juif qui a exprimé le désir de s'installer en Israël […] 3. a) Tout Juif qui s'est rendu en Israël et qui a exprimé, après son arrivée, le désir de s'y installer peut, au cours de son séjour en Israël, obtenir un certificat d'oleh. [traduction provenant de documentation de l'O.N.U.]

Il est évident que cette loi ne s'applique pas aux Palestiniens. L'on aboutit à la même conclusion en ce qui concerne les lois sur l'obtention de la nationalité israélienne. Celle-ci peut être obtenue soit par retour (les dispositions ne s'appliquant pas aux réfugiés palestiniens), soit par résidence (excluant les personnes qui ont fuis pendant la guerre) ou par naissance pour les enfants nés de parents israéliens, excluant encore une fois les réfugiés palestiniens . Il est donc évident que l'État d'Israël a adopté des lois discriminatoires, tant au niveau du droit de propriété que de la citoyenneté, et qui constituent une négation flagrante du droit de retour des réfugiés palestiniens tel que garanti par les résolutions de l'O.N.U. Ainsi, en plus des entraves politiques qui s'opposent à l'accomplissement de ce droit de retour, les réfugiés palestiniens doivent affronter des obstacles juridiques à l'exercice de leur droit inaliénable. En outre, nous avons aussi les déclarations faites par l'État d'Israël et qui dévoilent clairement l'intention de son gouvernement tout en renforçant les conclusions auxquelles l'on a abouti suite à l'examen de la législation. Notons, en premier lieu, les conditions d'admission d'Israël au sein de l'Organisation des Nations Unies. L'Assemblée générale a reçu cet État dans l'auspice des Nation Unies, à condition qu'il « accepte sans réserve aucune les obligations découlant de la Charte des Nation Unies et s'engage à les observer du jour où il deviendra Membre des Nation Unies. » (résolution 273 (III) de l'Assemblée générale en date du 11 mai 1949). Il appert donc que l'admission d'Israël était liée à sa coopération à l'application du droit de retour, sachant que le texte de la résolution 273 rappelait la nécessité de mise en oeuvre des résolutions 181 et 194. Or, suite à son admission à l'O.N.U., Israël dévoile sa réelle intention en déclarant : « Avant toute autre considération, nous rappelons à la Commission qu'Israël est un État souverain : et, dans l'exercice de sa souveraineté, il doit faire usage de sa propre autorité et décider à sa discrétion qui sera et qui ne sera pas autorisé à entrer dans son territoire. » En effet, Israël interpréta la résolution 194 comme invoquant, non pas les réfugiés arabes palestiniens, mais plutôt le droit de retour des réfugiés arabes juifs, ce qui explique leur choix législatif. De plus, le gouvernement israélien a constamment réitéré que la solution aux problème des réfugiés palestiniens n'est point leur retour mais plutôt leur réintégration dans les pays arabes, étant donné que « The Middle East refugee problem was created as a result of Arab and Palestinian rejection of the 1947 UN partition plan and their decision to declare war on the nascent Jewish state. » Ainsi, Israël rejette la responsabilité pour l'exode de centaine de milliers de Palestiniens et soumet qu'il incombe aux états arabes d'offrir le soutient nécessaire à ces réfugiés, à l'instar de la réintégration offerte par l'État d'Israël aux réfugiés juifs arabes . Il est donc indiscutable qu'Israël n'a point l'intention de permettre le retour des réfugiés palestiniens à leur terre mais plutôt de frayer la voie de retour pour les réfugiés juifs.

2.2 Le statut des réfugiés palestiniens et leur droit dans les pays arabes.

D'après les déclarations et les législations israéliennes, il est clair qu'Israël considère les réfugiés comme un problème politique, un outil pour exercer de la pression sur les états arabes, ou pour les punir de leur agression contre l'État d'Israël. En effet, pour toute discussion sur l'indemnisation ou le retour des Palestiniens, Israël invoquera les réparations dues aux réfugiés juifs des pays arabes et exigera que la résolution du problème des réfugiés palestiniens se fassent dans le contexte d'accord de paix définitif. Israël ignore donc la facette humanitaire de la question des réfugiés et jongle avec leur sort pour satisfaire des motifs politiques. Malheureusement, l'on ne peut dire autrement du comportement arabe envers les réfugiés palestiniens. La réalité est que le peuple palestinien souffre d'une grave injustice alors que le monde est touché par la cécité : « as much as in Palestine as in debate about Palestine no serious attention has been paid to the full human reality of the Palestinian Arab citizen with human rights, someone who is not merely a symbol of the intractable, anti-Semitic terroristic refugee. » Divers problèmes se posent en ce qui concerne les réfugiés palestiniens dans les pays arabes. En premier lieu, nous avons les réfugiés sous l'égide de l'UNRWA et qui sont définis comme toute personne : whose normal place of residence was Palestine during the period 1 June 1946 to 15 May 1948 [that is, for two years preceding the outbreak of the conflict in 1948] and who lost both his home and means of livelihood as a result of the 1948 conflict, and took refuge in 1948 in one of the five countries or areas where UNRWA provides relief. Refugees within this definition and their direct descendants are eligible for UNRWA assistance if they are: registered with UNRWA: living in the areas of UNRWA operations: and in need […]

L'UNRWA a été crée pour venir en aide aux réfugiés palestiniens en leur accordant un standard minimum de vie, sans toutefois que cet organisme soit chargé de garantir la sécurité ainsi que les droit civils et humains des réfugiés. De plus, il a été jugé par certains que la Convention relatifs au statut des réfugiés, ainsi que le mandat du Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés ne s'appliquent pas pour protéger les Palestiniens. Effectivement, l'article I D de la Convention sur les réfugiés stipule que : Cette Convention ne sera pas applicable aux personnes qui bénéficient actuellement d'une protection ou d'une assistance de la part d'un organisme ou d'une institution des Nations Unies autre que le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés. Lorsque cette protection ou cette assistance aura cessé pour une raison quelconque, sans que le sort de ces personnes ait été définitivement réglé, conformément aux résolutions y relatives adoptées par l'Assemblée générale des Nations Unies, ces personnes bénéficieront de plein droit du régime de cette Convention.

Il appert donc, que les réfugiés inscrits dans l'UNRWA ne bénéficient pas de la protection supérieure prévue par cette Convention. Cette interprétation de la portée de l'article ID a été soutenue par divers auteurs dont le célèbre Atle Grahl-Madsen . Or, les personnes couvertes par la Convention sur les réfugiés sont mis sur le même piédestal que les citoyens des pays l'ayant ratifiée. D'où, les réfugiés palestiniens se retrouvent désavantagés par leur exclusion de ce traité car ils sont dépourvus de multiples droits essentiels : « Palestinians do not have the right to work, to own property, or to public education in some of their host countries, notably Lebanon. Jordan, Syria and Lebanon, the three Arab states where UNRWA operates, have not ratified the 1951 Refugee Convention or its 1967 protocol. » L'Égypte est le seul pays ayant ratifié cette Convention sans toutefois observer ses provisions . Effectivement, les réfugiés palestiniens ont été confinés à vivre dans des conditions déplorables dans les camps de réfugiés des pays limitrophes à Israël. Dans un compte-rendu présenté par Canadian-Palestinian Educational Exchange, cette organisation a confirmé le statut apatride de ces réfugiés, c'est-à-dire qu'ils sont dépourvus de toute citoyenneté. De plus, ils n'ont point de droits civils et sont prohibés, par la législation des pays arabes, d'exercer divers droits. Par ailleurs, plus de 60% des familles palestiniennes au Liban vivent sous le seuil de la pauvreté tel qu'établi par l'O.N.U. En plus des conditions sanitaires et humanitaires déplorables, et la crise d'éducation qui ravage ces camps de réfugiés, les pays arabes n'ont point offert de soutient à ces personnes. L'on se demande alors, pourquoi cette discrimination qui se reflète sous ces diverses formes? As already noted, few of the Arab States where Palestinians reside have ratified either the 1951 Refugee Convention or the various treaties on statelessness. Nevertheless, to the extent that these rights reflect the norms of customary international law, it is obvious that Lebanon, Kuwait, Libya, and possibly other such states have been in egregious violation of the rights of Palestinians.

La raison est toujours la même : un refus du monde entier d'envisager la crise du peuple palestinien comme une crise humanitaire mais uniquement comme un problème politique. En effet, la Ligue des États Arabes, en ratifiant le Protocole de Casablanca en 1965, a défini le statut des réfugiés arabes et a insisté sur la préservation de l'identité palestinienne, en maintenant leur statut de réfugiés, de manière à empêcher Israël de nier ou de s'évader de sa responsabilité envers eux . Cependant, faut-il pour préserver l'identité palestinienne démunir ces réfugiés de tous leurs droits et ne point leur accorder de soutient? D'après les conditions dégradantes dans lesquelles subsistent les Palestiniens, aucune considération politique ne devrait justifier l'inhumanité dont ils sont victimes. C'est ce qu'a constaté Chapman Andrews : « more could and should be done by the Arab States themselves. » Comment pouvons-nous justifier l'expulsion d'environ 300 familles palestiniennes par Muammar Qaddafi en 1996 sous prétexte de punir l'O.L.P. pour ses accords de paix avec Israël? Il est clair que même les états arabes n'ont pas l'intention d'intégrer les réfugiés palestiniens dans leur société. Tout comme Israël, ils les utilisent comme outil politique pour confirmer que la responsabilité de ces réfugiés incombe au gouvernement israélien. Par leurs actions, ou plutôt leur inaction, il confirme le droit de retour des réfugiés palestiniens tel que prévu dans la résolution 194.


3. SOLUTION PROPOSEE.

3.1 Le choix des réfugiés palestiniens est la base de toute solution.

La crise des réfugiés palestiniens est une crise humanitaire à laquelle il faut remédier. Contrairement à ce que pourraient penser les politiciens, il n'y aura jamais de paix au Moyen-Orient tant que la volonté de ces réfugiés sera ignorée. Effectivement, le Comte Bernadotte a été l'un des premiers à affirmer que la solution au problème des réfugiés est une condition indispensable à l'établissement d'une paix sûre et définitive en Palestine . Il a toutefois soutenu que le choix des réfugiés palestiniens est à la base du droit de retour. Son opinion a été transcrite au paragraphe 11 de la résolution 194. Ainsi, la raison principale pour laquelle le problème des réfugiés palestiniens a subsisté pour plus de cinquante ans est le fait qu'Israël, ainsi que toutes les parties en cause, ne cherchent pas à satisfaire le désir des réfugiés. En effet, le gouvernement israélien a constamment réaffirmé que la solution au problème des réfugiés est leur intégration dans les pays arabes, et qu'il incombe aux Arabes de supporter leurs confrères Palestiniens. Les Arabes, quant à eux, réitèrent le droit de retour des Palestiniens, sans toutefois améliorer leur condition périlleuse pendant ce séjour temporaire, qui a tout de même duré cinquante ans . C'est ce que déclare avec persistance l'auteur Edward Said : by the constant resistance to and refusal of Israeli military rule in the Occupied Territories, by the daily demonstrations, strikes, and political gestures of resistance there and among the Arabs inside pre-1967 Israel, by every mass and private organization created by and for Palestinians, there is ample evidence to show that taken altogether as members of a community whose common experience is dispossession, exile, and the absence of any territorial homeland, the Palestinian people has not acquiesced in its present lot. Rather the Palestinians have repeatedly insisted on their right of return, their desire for the exercise of self-determination, and their stubborn opposition to Zionism as it has affected them.

Le choix des Palestiniens doit aussi être reconnu dans le sens que certains réfugiés, après avoir vécu cinquante ans en exil, préféreraient être compensés pour les dommages qu'ils auraient subis au lieu de retourner. Ainsi, la deuxième facette du droit de retour est le droit à la compensation. Pour le définir, il s'agirait d'examiner les raisons qui auraient provoqué l'exode des Palestiniens. La propagande sioniste, comme nous l'avons mentionnée auparavant, prétend que les Palestiniens ont abandonné leur terre pour retourner avec la victoire des Arabes. Cette position est en contradiction flagrante avec les témoignages des centaines de milliers de réfugiés ayant vécu les cris de détresse de la Nakba. Elle n'a pas été appuyée par aucune source valide. Le Comte Bernadotte avait lui-même affirmé que « Des actes de pillage, de brigandage et de maraudage de grande envergure et des cas de destruction de villages sans justification militaire apparente ont été fréquemment signalés de source sûre. » Il est aberrant qu'Israël modifie les faits et nie la souffrance d'un peuple entier comme prétexte pour échapper à toute obligation morale et financière pour compenser les réfugiés palestiniens. La douleur du peuple palestinien a été évoquée sous la plume de divers auteurs dont Benny Morris qui soutient que les Palestiniens furent « driven by panic, fear of injury or death in the hostilities, wartime economic privation, and Jewish pressures and expulsion orders » . Ignorer cette triste réalité démontre l'insouciance de l'État d'Israël envers les victimes de leurs crimes. Ce n'est pas à l'État d'Israël de choisir le destin de ses victimes : le choix est le leur par force de droit.

3.2 La réalisation de ce droit de retour est-elle possible?

De nos jours, et vu l'inefficacité accablante des Nations Unies, même les états arabes ont tenté de prendre une position de faits accompli et succomber aux contraintes politiques. Discuter de la réalisation du droit de retour des Palestiniens n'est pas une manière implicite d'affirmer que cette réalisation est soumise au bon gré d'Israël mais plutôt de prouver qu'Israël n'a aucune raison pour nier ce droit et ses dérivés. En effet, en plus du fameux prétexte que le retour de ces réfugiés menace la sécurité d'Israël, nous avons de nouvelles raisons avancées telles que les ressources peu abondantes et qui ne pourraient subvenir aux besoins de ces rapatriés. En réponse à ces justifications minables, l'auteur Salman H. Abu-Sitta a offert un exposé intensif sur la réalisation du droit de retour et qui tient compte du partage des ressources agraires et minérales pour conclure que le droit de retour est effectivement possible : « Demographically, their return will cause minimum and voluntary relocation of Israelis and no "transfer", a welcome relief when compared to Israel's plans. It can be done. It is feasible. It is even beneficial, to prevent new war and create permanent peace. » Si la réalisation du droit de retour des Palestiniens ne pose pas de problèmes majeurs du point de vue démographique, faut-il vraiment prouver pourquoi ce droit n'est pas respecté? L'on devrait alors se demander pourquoi est-ce qu'Israël viole 69 résolutions de l'O.N.U. sans subir aucun embargo ni aucune répercussion de la part de la communauté internationale. Au fait, cela reviendrait à remettre en question, encore une fois, la légitimité et la neutralité de l'O.N.U. : une tâche devenue trop répétitive. Nous allons tout de même démontrer que, pour Israël, il ne s'agit pas de problèmes de ressources peu abondantes ou de sécurité, mais tout simplement d'une idéologie raciste et qui refuse d'admettre les droits inaliénables des Palestiniens. En effet, le Général Moshe Dayan, dans une entrevue le 11 juin 1967, avait répliqué à la question sur la possibilité par Israël d'absorber les réfugiés dans les territoires occupés suite à la guerre des Six Jours : « Economically we can : but I think that it is not in accord with our aims in the future. It would turn Israel into either a binational or poly-Arab_Jewish state instead of a Jewish state, and we want to have a Jewish state. » L'intention d'Israël est donc limpide et les seules raisons qui entravent la réalisation du droit inaliénable du peuple palestinien est la position de force d'Israël; les contraintes politiques qui, de nos jours, supplantent les nécessités humanitaires. Ainsi, le droit est relégué à de la simple rhétorique : « one cannot demand from legal standards more than they can realistically offer : a set of guidelines that must be pragmatically applied by all the parties concerned, taking into account - in the case at issue - not only the wishes of the population concerned but also the host of non-legal problems that beset Arab-Israeli relations. » (affirmation du juge Antonio Cassese). La manière réaliste de voir les choses est bien simple : tant que les Palestiniens existent et réclament leur droit de retour, ce droit existera. Il s'agit donc de le résoudre à la satisfaction des Palestiniens car l'on ne peut s'en évader : c'est, d'ailleurs, ce qui explique la subsistance de la crise palestinienne au fil de ces années. Pour le résoudre, il faut se rapporter au choix des réfugiés : le rapatriement pour ceux qui le désir, compensation pour les autres, citoyenneté et dommages intérêts pour le peuple palestinien à l'instar des compensations accordées au victimes de l'holocauste. Les Palestiniens doivent être accordés une citoyenneté palestinienne, confirmant ainsi leur droit à l'autodétermination et à l'indépendance. Mais qui devrait exécuter cette solution? Qui sont les responsables, ou plutôt les coupables? Dr. Elfan Rees les a biens reconnus : I believe there is a three-fold debt owing to these refugees. There is the debt owed to them by the State of Israel, there is the debt owed to them by the international community, and I think it is not unfair to say that there is a debt owed to them by the Arab States themselves…the debt that men of the same language, the same faith, the same social organization should at any time in history feel due from them to their fellows in distress, the debt which in simple terms would involve regarding these people as human beings and not as political footballs.

3.3 Le processus de paix est-il sur le bon chemin? La situation détériorante des réfugiés palestiniens dans le monde entier confirme la nécessité de trouver une solution à ce peuple démuni pour établir les bases solides d'une paix permanente au Moyen-Orient car : [t]he hundreds of refugees, left in misery, would continue to demand repatriation, and would find support for this in the international community. If allowed back, they could destabilize the Jewish state. If not allowed back, their existence would eat at world support for Israel and would ignite an endless and violent irredenta, which would leave the Arabs and Israel in permanent conflict.

Ainsi, la solution au problème des réfugiées étant la clef de voûte de tout accord de paix, l'on se demande pourquoi ce problème n'a pas été abordé par les accords d'Oslo et le processus de paix. En effet, lorsque la « Declaration of Principales » a été signée à Washington, peu de personnes savaient encore son contenu ou son impact sur le Moyen-Orient et principalement sur le sort des Palestiniens. Le lendemain de la fameuse « historical handshake » dans la Maison Blanche, le peuple palestinien fut poignardé par la réalité qu'Edward Said a bien défini : « let us call the agreement by its real name : an instrument of Palestinian surrender, a Palestinian Versailles. » Parmi ses nombreuses illusions et pièges, le processus de paix a clairement ignoré les réfugiés palestiniens de 1948 et a reporté le sort des réfugiés de 1967 aux négociations du statut final. Effectivement, plusieurs déclarations officielles de la part des États-Unis et d'Israël ont confirmé que « General Assembly Resolution 194 was not the basis for the Madrid Peace Conference which led to the current Oslo peace process. » De plus, aucun des autres accords signés entre Israël et l'O.L.P. ne cherche à résoudre ce problème : « neither the D.O.P. nor any of the four subsequent interim agreements substantively address the issue of the 1948 refugees. Instead, consideration of this issue was postponed to the permanent status negotiations. » Pour ce qui est du sort des réfugiés palestiniens de 1967 et dont le droit de retour a été édictée par la résolution 242, leur sort aussi sera déterminé dans les négociations finales. Cependant, ces négociations ont été déclenchées en mai 1996 reste qu'aucun progrès n'a été achevé. Ceci n'est point surprenant sachant que les accords d'Oslo étaient un chemin miné de déceptions pour le peuple palestinien car «our leadership had simply given up on self-determination, Jerusalem and the refugees, allowing them to become part of an undetermined set of « final status negociations. » L'O.L.P. a délaissé son peuple ainsi que leurs aspirations pour l'autodétermination et le retour à la terre de leurs ancêtres. C'est ce qui explique le déclin considérable du soutient à l'O.L.P. dans l'opinion publique tel que nous l'ont démontré les sondages parmi la population de Gaza. En effet, le journal Al-Hyatt publia en août un sondage qui a dévoilé que seul 32.6% de la population a confiance en Yasser Arafat comparé au 42% dont il bénéficiait en janvier 1996. La véracité des accords d'Oslo a été démasquée. Ce qui en reste n'est qu'une réalité profondément triste : plus de trois millions de réfugiés palestiniens démunis de la terre de leurs ancêtres et dont le destin demeure inconnu.

CONCLUSION :

Le problème des réfugiés palestiniens implique divers notions de droit international public. Il est aussi un champ ouvert pour la remise en question de l'utilité de ce droit ainsi que de l'efficacité et la neutralité de l'O.N.U. La réalité humanitaire qu'a vécu le peuple palestinien semble être écartée par des considérations politiques. Dégoût, incroyance et pessimisme semblent nous revenir constamment à l'esprit. Dégoût pour un monde où les valeurs humanitaires sont remplacées par des considérations matérielles, parfois même un prix Nobel. Incroyance en un système juridique qui n'a pas plus de valeurs que de la simple rhétorique et qui baisse constamment la tête aux pressions politiques. Pessimisme car le futur ne semble point être plus prometteur. Cependant, ces cinquante dernières années ont démontré que le peuple palestinien n'a jamais lâché sa cause. L'Intifada, ou la révolte des pierres, a été déclenchée par le désir acharné du peuple palestinien d'accéder à la liberté et au respect de leurs droits inaliénables. De nos jours, et malgré la longue chaîne de déceptions que nous réservent les accords d'Oslo, le peuple palestinien lance encore l'appel à sa reconnaissance en espérant que le monde sera à l'écoute. Cet essai était une tentative de rappeler la facette humanitaire du problème des réfugiés palestiniens. Voici les paroles d'une victime des massacres de Sabra et Chatila : « My life ended that day. Now I just exist. I hate my life. I hate myself. I just want to leave this camp, this country. I want to start somewhere else. But I'm only a Palestinian. Who would help me? » Selon vous, que serait la réponse à sa question?