Rêve,
utopie et espérance…
L’abbé Jean Brassard
« La
foi que j’aime le mieux, dit Dieu, c’est l’espérance. »
Cette
citation de Péguy, qui terminait le premier article, annonce déjà une
orientation fondamentale sur notre manière de saisir l’espérance. Si le rêve et
l’utopie ont, comme départ, l’imaginaire humain et son code symbolique,
l’espérance chrétienne, elle, est fondée sur la révélation et sur les
événements de la foi en Jésus Christ. Nous ne pouvons espérer autre chose que
ce que le Christ nous a promis. Saint Paul nomme déjà le peuple d’Israël,
Peuple de la Promesse.
L’espérance
part d’abord de la foi en ce que Dieu promet. En posant brièvement notre regard
sur l’Ancien Testament, à travers certains événements qui s’y trouvent, nous
voyons des actes de foi merveilleux qui révèlent, en même temps, le type de
l’espérance qui doit animer celui qui l’expérimente.
Prenons
simplement le cas d’Abraham. Il expérimente sa relation à Dieu dans le départ
de sa patrie pour aller là où il ne sait pas, et il se dirige vers la terre que
Dieu lui promet ; aussi dans la promesse que Dieu lui fait d’être père d’une
race nombreuse alors qu’il sait Sara, son épouse, stérile. Ses actes de foi ont
nommé son espérance.
Les
prophètes sont invités à annoncer la Parole de Dieu ; à temps et à contretemps,
il leur est demandé de risquer leur vie pour annoncer au Peuple ce que Dieu
veut pour eux et ce qu’il leur promet. Mais c’est dans la foi qu’ils vont
découvrir jusqu’où Dieu peut aller pour les aimer.
L’Alliance
entre Dieu et son peuple est une promesse et un engagement de la part de Dieu.
Ce Dieu de l’Alliance exige que les croyants voient dans le Messie promis plus
qu’un sauveur politique venu débarrasser le Peuple de son joug de soumission ;
mais davantage comme Celui qui ouvre à la perspective de ce Dieu qui, marchant
au cœur de l’histoire humaine, l’élève à la perfection divine.
Espérer, c’est attendre que se réalise ce que l’on désire. Ce sentiment concerne un objet que l’on a pas encore, ce qui implique de la constance. L’Ancien Testament innove en ce que Yahweh lui-même est l’espérance d’Israël et en ce que, par la foi, l’espérance devient certitude fondée sur la certitude même de Dieu .
La constance engendre l’espérance, et c’est là l’une des choses les plus extraordinaires qui nous soit révélée.
« Vous
pourrez ainsi mener une vie digne du Seigneur et qui Lui plaise en tout : vous
produirez toutes sortes de bonnes œuvres et grandirez dans la connaissance de
Dieu ; animés d’une puissante énergie par la vigueur de sa gloire, vous
acquerrez une parfaite constance et endurance ; avec joie vous remercierez Dieu
qui vous a mis en mesure de partager le sort des Saints dans la lumière »
(Col 1, 10-12).
Le
Peuple de Dieu est le peuple de ceux et celles qui tiennent bon, qui ne se
laissent pas décourager malgré la persécution, la souffrance ou l’épreuve ; il
faut être constant et fidèle pour goûter à la grâce et à la promesse. La
constance du baptisé répond à la fidélité et à la patience de Dieu. La
constance ne se définit pas par une attitude répétitive, mais par une attitude
fondamentale de confiance en la promesse de Dieu, qui nous permet de ne pas
rendre conditionnelle notre relation d’amour avec Lui.
Si
cette terminologie nous garde dans la perspective de la relation historique
entre Dieu et l’homme, il faut savoir que c’est dans l’histoire que Dieu se
révèle et que le Christ est l’image même d’un Dieu qui répond à nos attentes
les plus particulières, pour combler l’espérance qui habite nos cœurs.
Dans
l’utopie, l’homme répond à l’homme et vient satisfaire à ses attentes les plus
multiples. Mais dans l’espérance, c’est Dieu qui répond à l’homme et lui
indique le chemin de son bonheur réel. La réponse de Dieu n’est autre que lui
dans le Christ.
Objectivement, l’espérance vivante vise le salut, la résurrection, la vie éternelle, la vision de Dieu et sa gloire. Ce n’est donc pas un bien-être terrestre, mais l’avènement du règne de Dieu qui transformera nos corps et l’univers ; c’est Dieu seul et son Fils Jésus .
Si le
rêve et l’utopie peuvent se comprendre de manière matérialiste, l’espérance se
voit dans le cœur de la relation à Dieu et au Christ. C’est ainsi que l’on ne
pourra plus situer notre espérance autrement que dans l’événement de la
Résurrection.
Je me
permettrai ici de citer un merveilleux texte tiré du Catéchisme pour adultes,
édité par les évêques allemands en 1987 :
À partir de la résurrection, le regard ne se tourne pas seulement vers le passé, mais plus encore vers l'avenir. Jésus Christ est le premier de ceux qui se sont en-dormis pour s'éveiller ensuite à une vie nouvelle (cf. Ac 26, 23 ; l Co 15, 20 ; Col 1, 18). En lui, l’avenir est de nouveau et pour toujours ouvert ; en lui, une espérance est offerte pour de bon à tous. Sa résurrection nous garantit que finalement, la vie l'emportera sur la mort, la vérité sur le mensonge, la justice sur l'injustice, l'amour sur la haine et même sur la mort. La résurrection de Jésus Christ fonde l'espérance en notre propre résurrection pour une vie éternelle (cf. Rm 6, 5 ; l Co 15, 12-22 ; Ph 3, 11 ; 2 Tm 2, 11). Cette espérance ne concerne pas seulement l'âme et l'esprit de l'homme ; elle est aussi l'espérance d'une transformation de notre corps lui-même et de tout le cosmos. Rien n'est exclu de cette espérance, à part le mal. Ainsi cette espérance signifie-t-elle que tout ce que les hommes ont voulu et entrepris par amour, même s'ils ont échoué ici-bas, s'accomplira de manière durable dans la nouvelle création (cf. GS 39).
La
foi est donc la substance de l’espérance. Et quand nous espérons, notre attente
n’est pas anxieuse et elle devient un Don de Dieu.
Tout
don de Dieu est une expérience de l’Esprit saint et s’accomplit par la Force de
l’Esprit. C’est l’Esprit saint qui nous permet de discerner ce que nous devons
et pouvons espérer. L’Esprit qui nous fait Église et nous permet de comprendre
dans l’histoire comment Dieu répond à nos attentes les plus profondes. Seul
l’Esprit peut nous faire comprendre le langage de Dieu et la grandeur de sa
promesse. De plus, seul l’Esprit peut nous permettre d’exprimer notre espérance
par un agir qui correspond à la volonté de Dieu.
Si
quelquefois les rêves humains et l’utopie peuvent rencontrer l’espérance,
jamais ils ne pourront la dépasser. L’espérance supporte avec ténacité
l’épreuve que constitue la tension entre le déjà et le pas encore, au milieu
des tribulations.
Dans
le beau discours sur l’œuvre du Fils (cf. Jn 5), l’évangéliste nous fait
comprendre que, si l’on peut vivre en mettant notre espoir dans les hommes
(vous avez mis votre espoir en Moïse), l’on ne peut espérer qu’en Dieu seul et
en ses desseins.
Foi
et espérance se conjuguent dans le cœur de celui qui se donne entier à son
Dieu.
L’abbé
Jean Brassard est répondant pour le Renouveau charismatique du diocèse de
Chicoutimi. Il est modérateur des paroisses Notre-Dame-d’Hébertville,
Saint-Wilbrod et Saint-Bruno. Il est aussi membre du Conseil canadien du Renouveau
charismatique et collaborateur à la revue Selon Sa Parole
Magazine SELON SA PAROLE (QUÉBEC) traitant de questions reliées à
la spiritualité, l'évangélisation, l'éducation de la foi et la vie en Église
Selon Sa Parole mars-avril vol. 28 numéro 2
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