Folie aux yeux des
hommes, mais sagesse aux yeux de Dieu
« J'ai
entendu et je suis bouleversé jusqu'au fond de mes entrailles, à ta voix, mes
lèvres tremblent, la pourriture gagne mes os, je reste immobile dans l'attente
du jour de la détresse, alors je ferai face au peuple adversaire. »
«
Car le figuier ne fleurira pas, les vignes ne seront pas fertiles, la culture
de l'olivier décevra la promesse et les champs ne donneront pas de
récoltes. »
«
Les brebis manqueront dans les enclos et il n'y aura plus de bétail dans les
étables. »
« En
Yhwh j'exulterai, je trouverai la joie dans le Dieu qui me sauve. »
«
Yhwh mon Seigneur est ma force, il fait mes pieds pareils à ceux des biches, il
me conduit sur les hauteurs.» (Ha 3,
16-19).
Comme il dérange ce texte
d’Habaquq ! Comment exulter quand rien ne va ? Comment trouver sa joie dans le
Dieu qui sauve quand tout échoue ? Comment danser, comment grimper dans les
hauteurs, comment grandir en beauté et en grâce, en liberté quand tout assomme
et que partout fleuris-sent la détresse et la déception ?
Comme il est difficile alors de
concevoir l’espérance et de l’accueillir dans sa vie ! Tant d’événements et de
gens nous invitent à la répudier, à n’en pas tenir compte. On s’en méfie comme
on se méfie de ces « beaux parleurs » qui font miroiter la joie, la paix et le
bonheur. On craint le traquenard. Vite, on les catalogue de rêveurs, de
superficiels incapables d’assumer les contraintes de l’existence, ceux qui
s’inventent des mythes, des leurres pour déjouer la misère. On aime mieux
contempler les rugosités de la vie, se vautrer dans son fatras de souffrances,
de douleurs et croire qu’il n’y a jamais rien de nouveau sous le soleil.
Rendu amer et acide par
l’apparente cruauté de l’existence, on pense que pour être lucide, il faut
accepter l’inéluctable, la monotonie, la routine comme seules et pleines
réalités ; croire que rien de neuf ne peut surgir, que tout est vide et futile,
et qu’on ne pourra de toute façon rien changer puisqu’il en a toujours été
ainsi.
Dans ces conditions, vivre
debout, c’est revêtir un masque de dureté, avouer crûment que tout est absurde
et se payer du bon temps pour tromper l’ennui. D’ailleurs, l’auteur du Livre de
la Sagesse l’exprime bien quand il écrit : « La part de temps qui est nôtre
est le trajet d’une ombre, il n’est pas d’ajournement à notre fin, elle a été
scellée et personne n’en revient. Allez, jouissons des biens qui sont là,
profitons de la création comme le fait la jeunesse, ardemment… qu’aucune
prairie ne soit privée de nos excès… » (Sg 2, 5-ss).
On regarde le rosier, on ne voit
que les épines, on croit connaître toute la vérité. On ergote et toussote quand
quelqu’un invite à découvrir la beauté des êtres, à faire confiance… au-delà
des apparences, à regarder au-dessus des épines… les roses. On peine à
s’accueillir, à recueillir les autres, on n’ose pas croire que l’amour soit
possible. On bute sur tous les murs et débusque tous les ennuis… et on les
connaît ces ennuis, de fond en comble.
Difficile alors de présenter
Jésus, lui dont la croix semble signifier la fin. Et pourtant…
Et l’espérance, ne serait-elle
qu’un somnifère capable de saouler la douleur et le mal de vivre ? Un mythe ?
Une évasion hors du réel ? Une panacée? Et la personne qu’un souffle sans
persistance, un souffle évanescent, une fumée ?
Nous voici au cœur du problème.
Que sommes-nous ? Mieux, qui sommes-nous ? Si notre vie va de nulle part à
nulle part, tourne sur elle-même en alignant des années, des mois et des jours,
les uns par-dessus les autres, « nous sommes les plus pitoyables de tous les
hommes » (1 Co 15, 19).
Mais si, comme l’annonce la Bible, « Yhwh Dieu n’a
toujours pas fait tomber de pluie sur la terre » car « pas d’adam pour
cultiver le sol » et si «Yhwh Dieu fabrique un adam poussière qui vient
du sol, souffle la vie dans ses narines », et que « l’adam se met à
vivre » (Gn 2, 5b.7), il se produit alors un profond renversement, un
chamboulement extraordinaire : l’espérance envahit tout le champ de
l’expérience humaine. Dieu a besoin de nous, il veut faire, créer avec nous.
Son Souffle, son Esprit saint est en nous et nous rend vivants.
Dès lors, l’existence n’est plus
un lieu de turpitudes, de répétitions, de recommencements incessants, mais un
vaste jardin à explorer, à cultiver, à entretenir. Une terre à labourer, à
herser, à ensemencer, à offrir aux Eaux vives pour qu’elle donne du fruit. Un
règne à accueillir, un royaume à construire pour que la joie et la paix dans
l’Esprit saint s’y épanouissent et fleurissent en amour, en tendresse, en
douceur et en maîtrise de soi.
Nous pouvons maintenant espérer.
Nous sommes tous enfants de Dieu, filles et fils de ce Père qui se prend et se
perd d’amour pour nous. Il nous l’a dit par Jésus. Il nous le dit encore
lorsque, rempli de l’Esprit saint, quiconque murmure à notre cœur : « Ne
crains rien, ne laisse pas faiblir tes mains ; Yhwh ton Dieu est dans ton sein
la force qui te libère. Il débordera de joie pour toi, fera silence pour dire
qu’il t’aime, sautera de joie devant toi, dans les hourras et les vivats »
(So 3, 16-17).
L’existence humaine devient alors
un lieu de création, de croissance et de plénitude. Et même les peines et la
souffrance peuvent y contribuer. Certes, ces douleurs peuvent être l’occasion
ou l’excuse pour nous plier et nous replier sur nous-mêmes, le lieu de
l’endurcissement, de la fermeture et de l’ENFERmement du cœur. Mais quand,
librement, elle est saisie et offerte au Seigneur, le Souffle saint vient la
toucher pour la transformer en un formidable tremplin de vie. Alors, elle brise
l’écale de nos duretés, de nos insouciances, de nos égoïsmes, pour que le germe
de vie éclate et s’enracine profondément en nous.
Parce que donnée, le Seigneur
prend la douleur pour faire jaillir la vie. Il l’a fait pour Habaquq qui bondit
de joie et exulte car il trouve sa joie et toute son espérance dans le
Seigneur. Il l’a fait également pour Jésus, Marthe Robin, pour les martyrs que
nous a présentés l’abbé Vignola, et pour tellement de gens. Il peut aussi le
faire pour toi et pour moi, malgré cette indignité que l’on brandit
régulièrement en excuse pour masquer notre si petite foi. Pourtant… quelle
belle raison d’espérer et d’espérer encore !
L’espérance, c’est un acte de
fille et de fils de Dieu, un acte de liberté, un acte de confiance. En fait, un
acte de pleine lucidité quand je permets à l’Esprit de vérité de traverser tout
mon être parfois acide pour faire éclater en moi sa lumière. Par sa lumière, il
touche mes obscurités. Je les vois et, avec Jésus, je peux maintenant les
présenter à la miséricorde du Père. Il pétrit mes poussières, me donne son
Souffle et crée ma personne à son image comme sa ressemblance.
Je deviens capable de contempler
le rosier en vérité et en pleine lucidité. Je prends garde aux épines pour ne
pas me blesser, je savoure les roses, me délecte de leur beauté et hume leurs
parfums délicats.
Je contemple les autres, je
prends garde aux épines, et savoure leurs beautés.
Par la lumière de l’Esprit, je
m’accueille : j’offre mes épines à la miséricorde du Père et, dans le regard de
Jésus, je savoure mes beautés.
« Oh bonheur de qui a pour
aide le Dieu de Jacob ! Son espérance est en Yhwh son Dieu » (Ps 146, 5).
Alors, enraciné dans la
profondeur de mon cœur, j’habiterai « dans la maison de Yhwh tous les jours
de ma vie » (Ps 27, 4).
Magazine SELON SA PAROLE (QUÉBEC) traitant de questions reliées à
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Selon Sa Parole mars-avril vol. 28 numéro 2
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