Se convertir à l’espérance
l’abbé Paul-Émile Vignola
La
situation générale en ce début de millénaire suscite peu d’enthousiasme. Les
nouvelles quotidiennes traitent de mises à pied, de faillites spectaculaires,
de sursauts de violence familiale ou d’attentats terroristes. On en vient à se
demander : « Où allons-nous ? » ou bien : « Y a-t-il un avenir dans un monde où
l’horizon paraît bloqué de toute part ? »
Confrontés
à pareille problématique, englués dans un environnement qui leur échappe, de
plus en plus de gens, jeunes et adultes, veulent en sortir au plus vite et
optent pour le suicide. Dans ce climat de morosité fait d’accablement, de
déprime et d’acceptation résignée, n’y a-t-il pas d’autre issue ? Si toute nuit
mène à son aurore, ne se trouve-t-il pas quelque part un accès vers la lumière
et la vie ? Oui ! Du côté de Jésus, notre espérance !
L’être humain, spécialement l’homme d’aujourd’hui, est souvent l’artisan de son propre malheur. Si nous voilà en difficulté, c’est que nous avons mis le moi avec ses ambitions et ses intérêts, au centre, et rejeté dans la marge Dieu et sa loi, l’autre et la morale. Comment dès lors éviter que ne surviennent des chocs et que le bonheur attendu fasse place à des pleurs et des douleurs ? Enivrés par les progrès des sciences et des techniques, nous avons cru pouvoir résoudre tous les problèmes du monde. Or, la faillite des idéologies comme le marxisme, l’apparition d’armes de destruction massive et les inquiétudes suscitées par le clonage et les organismes génétiquement modifiés (ogm) nous ramènent à une attitude d’humilité.
L’autosuffisance
nous avait portés à mettre de côté la prière et notre foi en la Providence, au
soutien et au secours de Dieu dans les coups durs. L’orgueil nous avait fait
perdre le nord avec la conscience de nos limites. Nous avions largement présumé
de nos forces et de nos possibilités et nous étions engagés dans des aventures
périlleuses pour nous et notre entourage. L’ampleur de la catastrophe, de cet
échec dont nous nous percevons largement responsables, nous pousse maintenant
au désespoir : comment recourir au Seigneur après l’avoir éconduit comme un
importun? Ne va-t-il pas à son tour nous envoyer promener ?
Toutes
les attitudes qu’on vient d’évoquer représentent des déformations, des
négations de l’espérance. Elles s’enracinent toutes dans le refus de
reconnaître notre propre impuissance et le pouvoir absolu de Dieu. Une
conversion s’impose : quitter cette fausse sécurité mise en nous, dans la
science et la technique, pour s’en remettre au mystère de grâce et de salut en
Jésus Christ.
Se
convertir à l’espérance, c’est compter désormais sur les promesses de Dieu
qu’on trouve au Livre de sa Parole. Il n’y a là rien d’un saut absurde dans le
vide. On ne s’en remet pas aux dires d’un voyant imposteur, mais à la Parole du
Seigneur, maître des temps et de l’histoire, dont les promesses, données aux
patriarches, énoncées par les prophètes, accueillies par des générations de
croyants, ont déjà trouvé leur réalisation en Jésus. Leur accomplissement plénier
reste encore à venir.
Ce
qui est advenu dans la personne de Jésus qui s’est relevé du tombeau en
vainqueur de la mort, cela viendra pour nous au jour du Retour. L’espérance
fait partie intégrante de l’expérience du peuple de Dieu et de l’histoire du Salut.
Si les attentes des juifs fidèles ont été comblées dans l’incarnation du Verbe,
le Messie méconnu par son peuple, nous espérons toujours l’accomplissement
ultime et définitif des promesses quand le royaume de Dieu sera établi sur
terre, ce lieu où couleront non plus le lait et le miel, mais la justice, la
joie et la paix.
L’histoire
du Salut nous enseigne que les temps d’épreuve s’avèrent fertiles pour
l’éclosion, voire l’explosion de l’espérance. Les quarante années d’errance des
Hébreux au désert ont laminé leur tendance à murmurer contre Dieu et leur ont
appris à s’en remettre à lui. De même, l’Exil fut pour Israël un creuset
d’espérance. Il en émergera un peuple dépouillé de sa puissance, un « petit
reste » de pauvres qui miseront non plus sur les armes de ce monde, mais sur
Dieu et ses promesses.
À la
fin du premier siècle chrétien, alors que les persécutions se déchaînent contre
l’Église, saint Jean écrit l’Apocalypse, ce livre lumineux destiné à nourrir et
soutenir l’espérance de ses contemporains certes, mais également celle de tous
les éprouvés, des exploités et des exclus des générations à venir. Quand une
situation paraît sans issue, alors se dresse l’espérance ; car rien n’est
impossible à Dieu.
Le
Nouveau Testament précise l’objet de notre espérance ; il s’agit non plus d’un
idéal abstrait comme le bonheur, la vérité ou la paix, mais d’une personne :
Jésus Christ. Plus question de se demander : Que peut-on espérer ? Il nous
montre en qui nous pouvons espérer. Car le cœur de l’espérance consiste à s’en
remettre entièrement, tout pécheur que l’on soit, au Dieu d’amour et de
miséricorde révélé par Jésus.
La solidité de cette espérance n’a jamais été mieux exprimée que dans la lettre de saint Paul aux Romains : « Que dirons-nous donc après cela ? Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? Lui qui n’a pas épargné son propre Fils, mais l’a livré pour nous tous, comment avec lui ne nous accorderait-il pas toutes choses ? Qui accusera les élus de Dieu ? Dieu, qui justifie ! Qui condamnera ? Christ Jésus, qui est mort, ou plutôt qui a été relevé d’entre les morts, qui est à la droite de Dieu et qui sollicite pour nous !
« Qui
nous séparera de l’amour du Christ ? L’affliction, ou l’angoisse, ou la
persécution, ou la faim, ou la nudité, ou le danger, ou le glaive ? Selon qu’il
est écrit : À cause de toi nous sommes mis à mort tout le jour, on nous
estime comme des brebis d’abattoir. Mais en tout cela nous sommes plus que
vainqueurs par celui qui nous a aimés. Oui, j’en ai l’assurance, ni mort ni
vie, ni anges ni principautés, ni présent ni avenir, ni puissances, ni hauteur
ni profondeur, ni aucune autre créature ne pourra nous séparer de l’amour de
Dieu qui est en Christ Jésus, notre Seigneur » (Rm 8, 31-39).
La
résurrection de Jésus inaugure l’avenir de l’humanité et grandit notre
espérance. Elle donne un sens à nos vies et à notre histoire. Le dessein de
Dieu est de faire du Christ, par sa résurrection, le Seigneur de l’humanité, de
l’histoire et de l’univers. On découvre l’objectif de Dieu : « tout
rassembler sous un chef, le Christ » (Ép 1, 10). Dans la lumière du matin
de Pâques, l’humanité marche vers un avenir radieux, mais un avenir qui lui
échappe en ce sens qu’on ne peut dire quand ni comment il adviendra. S’il n’a
rien à voir avec les progrès de l’histoire profane et des savoirs humains, la
résurrection de Christ en marque le prélude et nous en garantit l’avènement.
L’espérance
ne s’acquiert pas au terme d’un apprentissage, elle se reçoit comme un don,
elle surgit en nous par grâce. Job nous apprend qu’il faut cesser de discuter
avec Dieu, d’exiger qu’il nous rende des comptes ; comme lui, avouons-nous
ignorants, pauvres de tout, même d’intelligence : «J’ai parlé sans
intelligence,… je vais t’interroger et tu m’instruiras » (Jb 42, 3-4). La
désappropriation totale de soi s’avère la condition préalable pour que le
Seigneur déploie sa puissance, pour que la force du Christ prenne la relève et
supplée à nos énergies en panne.
Dès lors, nous acquérons un nouveau regard sur les sursauts et les à-coups de l’histoire du monde tels que présentés par les médias. Car l’essentiel échappe aux journalistes ; la réalité que nous voyons n’est que partielle. Croire que la totalité du réel se limite à ce que nous voyons maintenant, c’est voir le monde à l’envers.
Seul
Jésus nous permet d’entrevoir, dans la foi, la profondeur du mystère et d’y
tendre de toute l’ardeur de notre désir dans l’espérance. Il nous dit: « Mon
Royaume n’est pas de ce monde… Je suis venu dans le monde pour rendre
témoignage à la vérité » (Jn 18, 36.37). Et saint Paul commentera : « Du
moment que vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez les choses d’en
haut, là où se trouve le Christ » (Col 3, 1).
L'abbé
Paul-Émile Vignola est répondant pour le Renouveau charismatique du diocèse de
Rimouski. Il est aussi membre du Comité de rédaction de Selon Sa Parole.
Magazine SELON SA PAROLE (QUÉBEC) traitant de questions reliées à
la spiritualité, l'évangélisation, l'éducation de la foi et la vie en Église
Selon Sa Parole mars-avril vol. 28 numéro 2
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