LA VERTU DE FOI ET LE CHARISME DE FOI EN MARIE

Guy Jalbert

Lors de sa visite à Elisabeth, Marie a été proclamée bienheureuse à cause de sa foi: comme tu es heureuse, Marie, d'avoir cru à l'accomplissement de toutes les paroles qui t'ont été dites de la part de Dieu, oui, bienheureuse es-tu à cause de ta foi. En Marie, cette béatitude est-elle attribuable à la vertu de foi ou à un charisme de foi, ou aux deux à la fois?

VERTU ET CHARISME

Saint Cyrille de Jérusalem explique ainsi la distinction entre la vertu et le charisme: "Le nom de la foi est un, quant au vocable, mais il se divise en deux. Il y a une forme de la foi, la forme dogmatique, qui implique l'assentiment de l'âme à quelqu'un et cette forme est utile personnellement à l'âme qui croit... Il y a une autre forme de la foi: celle qui est donnée par le Christ en forme de charisme. Cette foi donnée par l'Esprit en manière de charisme, est non seulement dogmatique, mais elle est efficiente en ce qui concerne les choses qui dépassent l'homme. Celui qui possède cette foi-là, dira à cette montagne: "Passe d'ici à là" et elle y passera. Si quelqu'un parle ainsi, selon cette foi-là, en étant convaincu que cela arrive, et n'hésite pas dans son coeur, alors il reçoit cette grâce" (Catéchèse baptismale, 5,10-11, cité dans la Bible chrétienne II, Commentaires, paragraphe 171).

La foi est une vertu surnaturelle infuse, c'est la foi sanctifiante qui permet au croyant une connaissance personnelle de Dieu par une adhésion libre à toute la vérité révélée dans l'Évangile; elle le fait croire en la fidélité et en la puissance d'un Dieu Père qui l'aime, veut le sauver et lui donner le bonheur.

Au service de la vertu de foi, il y a le charisme de foi. C'est un don charismatique, il n'est pas donné à tous; il n'est pas donné pour la personne elle-même, mais pour le service de l'Église, pour l'évangélisation et en somme pour faire grandir la vertu de foi chez les autres. C'est un degré de foi qui sort de l'ordinaire, c'est un élan de foi qui pressent la venue imminente du Royaume et l'action efficace de Dieu dans le présent pour opérer des signes. Cette disposition pousse le porteur de ce charisme à affirmer le Jour de Dieu qui vient et se fait proche, à faire des affirmations défiant le bon sens, ou à poser des actions qui vont exprimer cette foi. Ce comportement de foi charismatique a pour but de susciter et faire grandir la foi chez les autres.

LA VERTU DE FOI EN MARIE

Tous les événements de la vie de Marie, rapportés dans les évangiles, sont révélateurs d'une vertu de foi exceptionnelle qui seule pouvait convenir à la Mère de Dieu. L'ange Gabriel, en saluant Marie, nous révèle la beauté de son âme, remplie de la faveur divine: celle qui a été comblée de la grâce depuis sa conception possède toutes les vertus à un degré éminent; parmi elle il faut signaler sa foi. Cette foi qui lui fait accepter d'être la servante de Dieu et la Mère du Sauveur, lui fait croire qu'elle pourra enfanter le Fils de Dieu en demeurant vierge, car rien n'est impossible à Dieu. En réponse à Elisabeth qui la salue comme la Mère de son Seigneur, Marie chante son "Magnificat", hymne de louange au Dieu saint et miséricordieux qui a fait tant de merveilles pour elle et pour le salut du peuple. A la lumière des prophéties messianiques, Marie comprend les événements qui entourent la naissance de Jésus et garde en son coeur toutes les paroles inspirées qui lui en révèlent le mystère. A la présentation au Temple, Jésus est accueilli par Siméon comme le salut des peuples, la lumière des nations et la gloire du peuple d'Israël, mais il y a aussi le "signe de la contradiction" et le glaive de la douleur: Marie ne comprend pas. La fuite en Egypte est un exode que Marie doit vivre dans l'obscurité de la foi à la seule lumière des paroles prophétiques reçues. En retrouvant au Temple Jésus qu'elle avait cherché tout angoissée, Marie ne comprend pas, mais elle sait au fond d'elle-même que son enfant un jour lui sera arraché pour obéir à la volonté du Père.

La vertu de foi de Marie va continuer de grandir à la lumière des événements et des enseignements de Jésus durant sa vie publique: il y a le Jourdain, puis Cana, il y a les signes, les guérisons et les miracles mais aussi l'opposition des Juifs, la passion de Jésus et sa mort. Marie, debout au pied de la croix nous reçoit comme ses enfants, dans la foi, elle sait que tout est sauvé. Si Marie demeure discrète au matin de la Résurrection, elle est au coeur du Cénacle lorsque tombe le feu de la Pentecôte: elle est la Mère universelle de tous les disciples pour qui elle demande le don de l'Esprit et de la vie nouvelle.

LE CHARISME DE FOI EN MARIE

Au moins quatre événements (il y en a probablement davantage) laissent entrevoir par Marie l'exercice d'un charisme de foi: le chant du Magnificat à la Visitation, son rôle à Cana, son attitude au pied de la Croix et sa présence au Cénacle.

Le Magnificat est un chant révolutionnaire, il proclame les oeuvres de Dieu en Marie et la réalisation pour les peuples d'un salut qui va se faire par un renversement complet des valeurs. Les verbes sont au passé pour dire une oeuvre qui commence, mais que Marie voit déjà toute réalisée: les superbes sont dispersés, les puissants sont détrônés, les humbles sont élevés, ceux qui ont faim sont rassasiés et Israël est sauvé. A Cana, Marie voit l'embarras des jeunes mariés qui n'ont plus de vin, alors que la noce commence. Il faut comprendre ici le langage des symboles: la demande de Marie est énigmatique et la réponse de Jésus l'est également; le vin nouveau que Marie demande, c'est le don de l'Esprit et de la vie nouvelle. Jésus répond qu'il ne peut avant son "heure", celle du Vendredi saint, donner ce vin nouveau, mais il accepte de faire un signe qui va dès lors l'annoncer.

Au Calvaire et à la Pentecôte, c'est dans ses attitudes que se manifeste le charisme. Marie se tient là, debout, dans la foi et l'espérance, comme pour dire au monde que tout commence. Elle voit son fils élevé sur la croix, elle reçoit la mission d'être la Mère de tous les croyants, elle voit le coeur de son fils transpercé, l'heure est venue et elle sait que tout est accompli et que tout est sauvé. Au matin de la Pentecôte, Marie est là en prière avec les disciples implorant la réalisation de la prophétie de Joël et de la promesse de Jésus: l'Esprit est répandu, l'Église est fondée, Marie enfante les chrétiens à la vie nouvelle en demandant pour tous à Dieu les dons de la grâce divine. Marie incarne dans toute sa vie la foi et l'espérance, sa foi est charismatique en ce qu'elle est par toute sa vie un modèle et une invitation à la foi. Si le charisme se définit par le certitude qui l'accompagne, certitude qui fait prier, parler et agir "sans hésitation dans son coeur", Marie possède au plus haut degré ce charisme dont notre Église a grandement besoin aujourd'hui. A la suite de Marie, il nous faut des témoins de Jésus qui pourront, armés de cette foi et appuyés sur les promesse de Dieu, prier, parler et agir pour que la vertu de foi grandisse dans notre Église. A l'école de Marie, prions pour grandisse notre vertu de foi, mais recherchons aussi le charisme par lequel notre foi va devenir contagieuse et pourra susciter la foi chez les autres.

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NOTE D'AUTEUR

Le père Guy Jalbert, oblat de Marie-Immaculée, est au service du Renouveau charismatique depuis 1973. Il réside chez les Oblats au presbytère St-Sauveur, ville de Québec. Comme missionnaire itinérant, il donne des sessions de formation et participe à des congrès. Il est membre du Comité de rédaction de Selon Sa Parole.

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