LE SYSTEME BANCAIRE DU POINT DE VUE ISLAMIQUE
Docteur Abderrahmane LAHLOU, ASMECI
 
Dieu dit dans Le Coran “ Ô vous, les croyants, craignez Dieu et délaissez désormais ce  qui subsiste de vos pratiques usuraires, si vraiment vous êtes croyants. Si vous ne le faites, attendez-vous alors à une guerre que Dieu et son Messager vous déclareront. Si, par contre vous vous repentissez à Dieu, il vous reviendra le principal de vos avoirs ; vous ne léserez ainsi personne, et point vous ne serez lésés. ” . Sourate 2. Versets 278-279.
Un Hadith du Prophète (PBSSL) complète cette vigoureuse diatribe contre l’intérêt : “ Les formes de l’Usure ne sont pas moins de soixante treize, qui représentent autant de délits. Le moins grave d’entre eux équivaut à s’accoupler avec sa propre mère ! “

L’islam est un système global comprenant des éléments invariants qui sont les règles canoniques immuables dans le temps et dans l’espace et des éléments variants que les Foqahas sont capables d’édicter, selon l’analyse des situations particulières et évolutives. La Charia’ englobe les dimensions morale, économique, sociale et politique de la vie quotidienne. Aussi, est-il naturel que l’islam régisse les transactions économiques et bancaires. Le Riba (usure) ne se limite pas en islam à la seule notion de l’usure, mais couvre également l’intérêt est particulièrement visé ici. Les divers débats contemporains qui ont eu lieu à travers le monde islamique, cherchant à légitimer de manière intéressée l’intérêt bancaire se sont tous heurtés à la clarté des règles canoniques et à la rigueur de l’analyse économique avancées par les “ conciles ” de Foqahas réunis pour la cause, notamment celui de 1972 qui a conclu par consensus Ijmaa à la prohibition de l’intérêt.
Le statut de la monnaie se limite dans la vision islamique à la réserve de valeur et au moyen d’échange, sans jamais être une marchandise qui se vend ou se loue. Ainsi, si l’on reconnaît au temps une valeur monétaire, celle-ci n’est légitime que dans les échanges de biens (vente à tempérament), pas dans les situations de dette-créance (crédit en général). L’argent ne peut créer à lui seul de l’argent, sans l’action du capital physique et du travail. En outre, la relation entre ces facteurs doit être solidaire, et leur rémunération équitablement partagée. C’est ainsi que le système financier islamique, avec comme noyau les banques islamiques se présente comme alternative moderne et opérationnelle.
La philosophie des banques islamiques est donc basée principalement sur ces deux axes : 1. Les achats et ventes à tempérament en guise d’alternative au crédit à court et moyen terme ;  2. La participation aux pertes et aux profits comme mode de financement à long terme : “ nul bénéfice sans sacrifice ”. C’est une formule très proche du Venture Capital ou Capital-risque.
La définition du rôle de la banque islamique est donc de procéder à la collecte de dépôts sous forme de contrats de Modaraba et de les replacer auprès de ses clients en usant de modes de financement à tempérament ou participatifs, sans oublier les autres services bancaires traditionnels. Son fonctionnement exclut toute forme d’intérêt.
Les emplois des banques islamiques se composent : 1. des financements accordés aux tiers, 2. des investissements et placements directs sur les marchés immobilier, boursier et des biens & services, 3. des prêts sans intérêt (qard hassan) et 4. de la zakat sur les fonds propres et éventuellement sur les dépôts sur ordre du client. Le premier type d’emplois reste évidemment dominant. On peut le catégoriser ainsi :
* Le financement de la consommation :
  Trois types de financement sont à citer dans ce cadr : a) financement des dépenses d’équipement domestique par la vente à tempérament (Mourabaha). b) financement du logement par la vente à tempérament, voire par le leasing immobilier, s’il peut s’étendre aux particuliers .c) financement des dépenses de consommation courante par le prêt sans intérêt ou facilité de caisse gratuite  (qard hassan).
* Le financement de la production :
  Quatre types de financement peuvent être prévus. a) Le financement des immobilisations essentiellement par la participation au capital sous forme d’association (Moucharaka). b) Le financement de l’équipement par le leasing (mobilier), et qui est une forme de financement légale sous certaines conditions c). Le financement du fonds de roulement et/ou de l’équipement par la vente à tempérament, et particulièrement la vente d’équipements selon la commande de l’acheteur donneur d’ordre (Mourabaha lil’amiri bi chira’) ou encore par le pré-financement (Salam).  d) Le financement du fonds de roulement et/ou de l’équipement par le contrat de fiducie (Moudaraba). C’est un contrat par lequel un financier met des fonds à risque à la disposition d’un commandité, qui les gère dans le cadre d’opérations plus ou moins déterminés, les bénéfices de l’opération étant partagés entre les deux selon un prorata pré-convenu.
 Les ressources des banques islamiques se constitue d’une part des ressources internes telles que le capital, les réserves, les profits, d’autre part des ressources externes telles que les dépôts à vue, comptes bloqués à rémunération participative ou compte d’épargne et enfin les revenus des projets et placements et les commissions de gestion.
 Les implications économiques de la banque islamique sont les suivantes :
* Une population davantage et mieux bancarisée, grâce à la couche sociale pieuse que l’on arrive à toucher ;
* Une sélection à la source des projets, puisque l’on ne finance que ceux dont la rentabilité est sérieusement étudiée, indépendamment des garanties réelles engagées ;
* Une “ assistance liée ” en matière de gestion de la part de la banque, dans la mesure où le bénéfice que celle-ci escompte est tributaire du profit dégagé par le projet ;
* Une promotion de l’investissement, en raison de l’encouragement que provoque la formule de capital-risque auprès des investisseurs potentiels ;
* La promotion d’une forme de capitalisme populaire, grâce à la transformation des déposants de la banque en détenteurs de parts dans des projets économiques ;  La promotion du développement régional facilitée par la culture et la pratique de proximité que développe la banque avec ses clients.
  Les implications sociales de la banque islamique sont les suivantes :
* La solidarité entre bailleurs de fonds et investisseurs, à travers la formule participative ;
* La moralisation de l’activité économique à travers l’éthique que développe la banque islamique à travers son réseau de clients et partenaires ;
* La contribution à la redistribution des revenus, par la mobilisation structurée des fonds de Zakat.
 En conclusion, on peut dire que la banque islamique répond à des attentes populaires, qu’elle garantit une bonne rentabilité économique à l’échelle micro & macro-économique, et qu’enfin, elle véhicule une attitude d’esprit nouvelle qui inscrit l’activité bancaire dans la sphère de l’économie réelle.

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