LE SYSTEME DES ASSURANCES DU POINT DE VUE ISLAMIQUE
Docteur Abderrahmane LAHLOU, ASMECI
Dieu dit dans Le Coran “ Entraidez vous à faire le bien et à vous rendre plus pieux envers Dieu, ne vous entraidez pas à commettre le mal et perpétrer l’iniquité. Et craignez Dieu ; le châtiment de Dieu est terrible ”  . Sourate 5. V.2

Le système des assurances en Islam est un remodelage du système des assurances classique actuel, comprenant pratiquement toutes les formes que celui-ci propose. Dans l’histoire de l’Islam, l’assurance a pris des formes de solidarité sociale, cherchant d’abord à couvrir les dommages personnels, les besoins vitaux, et les pertes humaines ou préjudices corporels, conformément à la vocation éminemment spirituelle et sociale de l’ère islamique (expérience des Asha’rites, puis pratique du Calife Omar).
L’assurance a pour rôle fondamental de dispenser la protection des assurés en les réunissant en une vaste mutualité solidaire  contre les effets dommageables de la réalisation d’un risque, chacun apportant, par le versement de primes, sa contribution à la masse commune qui, en échange assure une forme de protection et évite ainsi aux victimes, aux lésés et aux auteurs responsables la ruine et la misère. Les Foqahas ont conclu au caractère illicite du système traditionnel d’assurance. Ils opèrent des réajustements surtout relatifs à la nature des contrats, d’une part et au mode de fonctionnement des sociétés d’assurance, d’autre part. Le colloque qui s’est tenu à Makkah en 1978 (1398h), sous l’égide de Majma’ al fiqh al islami fait date en la matière.
Les griefs retenus contre le système des assurances traditionnel sont presque exclusifs aux modes contractuels. Quelques réamenagements concernent les produits (nous citerons par exemple le plafond d’indemnité de l’assurance-vie, le respect des droits successoraux ou les indices d’indemnisation de l’invalidité inspirés de la Diya), ou les régimes d’assurance (en particulier le problème de la capitalisation), ou encore le mode de fonctionnement des sociétés d’assurance.
L’analyse du contrat classique d’assurance montre qu’il s’agit d’un contrat passé entre l’assureur et l’assuré pour la  vente d’un service, à savoir, celui de la couverture du sinistre éventuel. Ce contrat de vente est classé par les foqahas dans la catégorie des contrats de Mo’awada (échange de biens ou de prestations). Or, ce contrat souffre, selon l’analyse islamique de trois défauts principaux qui le rendent illicite :  L’incertitude quant à la survenance du sinistre ;  le caractère indéterminé du montant des sinistres et la présence de l’usure dans les paiements des sinistres.
Par ailleurs, l’assurance-vie avait souvent été critiquée par les Foqahas. Mais l’analyse approfondie du produit a montré que lproduit est en fait un acte de prévoyance dans la solidarité entre un groupe d’individus, mais sous certaines conditions, dont le mode contractuel mutualiste et le respect des règles successorales islamiques.
Enfin, le problème de la capitalisation, qui constitue l’un des deux principaux régimes d’assurance connus est illicite car l’assuré qui perçoit ainsi une allocation capitalisée bénéficie des intérêts composés, décriés par la Charia’ en tant que Riba dit Annasi’a . Contrairement à cela, le régime de la répartition ne souffre d’aucune faille légale.
Quant au type de société qu’adoptent la plupart des compagnies d’assurance, ainsi que la mobilisation des fonds d’assurance dans des placements à intérêts, ils sont eux aussi sujet à critique. Le caractère commercial que revêt classiquement l’activité d’assurance partout dans le monde donne un aspect mercantile à cette activité, laquelle devrait normalement relever de la solidarité de groupe, donc d’une action à caractère social.
Le postulat de base qui ressort dans la vision islamique est l’interdiction de l’assurance dite “ de type commercial ” et la substitution par l’assurance coopérative ou mutualiste.
L’assurance Mutualiste relève des contrats dits de donation Tabarou’ . La finalité initiale en est le partage des risques et la prise en charge commune de la responsabilité en cas de sinistre. La propriété des parts (primes) versées reste acquise au contributeur-assuré dans la mesure de ce qui excède les besoins de la compagnie. Ainsi, est-il important que le contrat stipule que l’assuré fait don, de tout ou partie de la prime versée à la coopérative, selon les besoins de celle-ci en couverture de sinistres. La masse des contributeurs dans l’assurance islamique ne vise pas d’exploiter commercialement l’opération ou d’en tirer un bénéfice.
En outre, le système des assurances en Islam doit être exempt de toute forme d’usure, qu’il s’agisse du régime selon lequel sont servies les prestations (capitalisation) ou qu’il s’agisse du placement des fonds d’assurance. Les fonds ainsi collectés sous forme de contribution solidaire au fonds mutualiste d’assurance pourront être placés dans des voies légalement admises. Le résultat, quel qu’il soit est répercuté sur les assurés mutualistes. S’il s’agit d’un bénéfice, il peut être distribué aux assurés, ou plus simplement déduit du montant de la prime de l’année suivante. S’il s’agit d’une perte, le montant de la prime de l’année suivante augmentera. Les primes dans le système des assurances en Islam sont donc variables.
 
Depuis le dernier colloque de 1978, qui a renforcé la conviction en l’illicité de l’assurance commerciale, mobilisant ainsi les énergies et les ressources pour mettre en place une alternative, plusieurs expériences de sociétés d’assurance islamiques ont vu le jour, dont la Société Islamique d’Investissement du Golfe aux E.A.U., la société de takafol islamique  à BAHREIN, la Compagnie d’Assurance Islamique S.A. du SOUDAN, la Islamic Arab Insurance Company. E.A.U/  Arabie Saoudite, et enfin la Islamic Takafol Company S.A. au Luxembourg.

L’importance macro-économique des compagnies d’assurance dans le tissu économique de chaque pays est telle, étant donné la taille des fonds collectés que leur fonctionnement sous forme commerciale est une aberration économique historique. Les compagnies d’assurance se transforment en effet en des outils géants de collecte de l’épargne publique au profit de l’Etat, faisant commerce d’un secteur social où prime l’aléatoire et la fatalité, grâce aux instruments approchés de la statistique et de l’actuariat. L’Etat, dans cette situation se retrouve à payer indûment aux propriétaires (à qui reviennent les profits) de la compagnie d’assurance la rémunération de fonds qui ne leur appartiennent pas, mais devraient plutôt appartenir aux assurés.
En raison des grandes masses monétaires en jeu, ce système contribue à déstructurer le fonctionnement du sous-système productif (producteur de richesses) par rapport au sous-système financier, où les compagnies d’assurance jouent un rôle prépondérant. Dans le système islamique, il est évident que les fonds collectés, outre le fait qu’il restent la propriété des particuliers, contribuant ainsi au maintien d’une meilleure répartition des richesses, sont directement employés dans le financement de l’outil de production, grâce aux opérations de Moudaraba. Ils ne vont pas alimenter le marché financier, et favoriser l’inflation.

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