David Bowie

 Comme il y a vingt ans, l'homme qui vendit la new-wave au monde termine sa tournée européeene en France. Un show crépusculaire et torturé, à la mesure d'un artiste qui s'est toujours voulu autant spectateur qu'acteur de la pop-culture. À propos de Monstres Effrayants et autres Chiens de Diamant, en léger différé du Forest National de Bruxelles.

La pluie défile, fenêtre après fenêtre, sur l'Europe grise. Mêmes façades, mêmes zones industrielles, mêmes campagnes délavées. Loin semble la route mordorée de Hartford (Connecticut) encore baignée d'été indien, pour la première date de l'Outside Tour, comme loin sont aussi les kids déchaînés de Boston tandis que l'ange noir de l'industriel Trent Reznor s'accouplait incestueusement avec son père, le diable blond qui vendit la new-wave au monde. Plus loin encore semble le temps où on n'a pas eu à ce point envie de suivre étape par étape une tournée de David Bowie. Qu'on se rassure. L'homme n'a pas de nouveau 30 ans par la magie de quelque pacte Faustien. Non, le Pavillon de Paris n'existe plus, Bolan s'est crashé dans un platane, Lennon s'est fait shooter en bas de chez lui, Times Square a fini par ressembler à un quartier d'affaires et le Studio 54 ne rouvrira vraisemblablement plus jamais ses portes sur Bianca et Halston. Ce qui se passe en fait depuis la fin des années 80, C'est que Bowie est en train de surmonter le traumatisme. Une nouvelle génération outre-Atlantique le prend à nouveau comme modèle, et lui rappelle comment il a pavé par la rigueur de ses audaces esthétiques, dans les 70's des Eagles, Boston et autres Journey, la voie de l'alternatice rock. Et ce sont des Kurt Cobain et Billy Corgan, qui pourraient être ses enfants, qui le lui déclarent quand, dans son propre pays névrotiquement obsédé par la jeunesse, il ne recueille toujours que sarcasmes et insultes sans réserves. À moins qu'on ne lui reproche d'avoir toujours voulu être plus qu'un simple musicien rock - mais alors pourquoi avoir accueilli ses albums des années 70 avec une telle fièvre ? À moins, qu'on lui reproche aussi d'être resté lui-même, physiquement plus jeune que ne le sera jamais Noel Gallagher, artistiquement plus vif que ne le sera jamais aucun de ses malheureux suiveurs.

Comment, pourtant, si on a un jour été touché par le parfum de nostalgie originaire de "Heroes" ou "Golden Years", resté insensible à la vision dérangée et incroyablement humaine de tels "Shopping For Girls" sur Tin MachineII ? Comment, si on a un jour passé "Aladdin Sane" en boucle pour en comprendre la structure en forme de glissements tectoniques, ne pas vibrere à l'écoute de "A Small Plot Of Land" sur ce nouvel "Outside" ? Comment, si on a un jour vécu la new-wave comme une délivrance dans une décennie engluée dans le rock FM, ne pas être envahi d'une étrange sensation de déterritorialisation en entendant le dada-pop suffoqué de "We Prick You" encore une fois sur ce dernier "Outside" ? Pas besoin de convaincre Arnaud Meyer (le photographe coéquipier de cette virée bruxelloise) de la pertinence du sujet du jour. Il sait que David Bowie fait en général deux séances phtos por la presse mondiale avant de sortir un nouvel album, puis plus rien. Arnaud aime la musique, la mode et les belles choses en général, et David Bowie semble à ses yeux résumer tout cela et un peu plus, ce en quoi il n'a pas fondamentalement tort.

Dans un crissement éteint par le double vitrage, le train s'immobilise en gare de Bruxelles-Midi, et c'est bien ce vent d'hiver et de récession qui saisit sous les néons blafards, au moment où l'on s'engouffre dans un taxi en direction du Conrad où la star et son équipe sont descendus. Le chauffeur hurle des insultes en arabe à une femme qui lui coupe la route, et continue : "Ils sont cons les femmes, ils sont cons, ils sont cons, quels cons." Arnaud ricane. Quand tout a coup la voiture s'immobilise devant un vaisseau d'une blancheur immaculée. Le temps de traverser le halle de bois massif et de velours où filent pages et majordomes en livrée, et un quart d'heure de négotiations plus tard, on obtient un endroit discret pour photographier David Bowie. "Si vous voulez bien patienter quelques minutes, un officier de la sécurité va vous conduire dans la Suite Royale." L'ascenseur feutré ouvre ses portes sur le troisième étage et l'on pénètre dans l'immense suite d'une modeste huitaine de pièces, décorée cosy mais ridiculement spacieuse. Après inspection rapide des lieux, Arnaud ignore les fastes des salons et bureau présidentiel pour installer ses câbles dans une cuisine de carrelage blanc tellement plus new-wave. Freddi, la pétillante maquilleuse descend en reconnaissance te apprécie la scène : "Oh, mais c'est parfait, une belle lumière étale et douce, on sera prêt dans cinq minutes", avant de remonter avec le garde du corps personnel de Bowie qui a méthodiquement inspecté toutes les pièces avec son oeil de lynx. Aranaud n'en mène pas large : en ouvrant son trépied, il constate qu'il s'est sans doute brisé dans l'avion du retour de New York où il vient de shooter Lou Reed pour Rock&Folk. Il sait aussi qu'il n'a pas droit à l'erreur.

Dix minutes passent quand on sonne à la porte. On court ouvrir et ils passent, Coco Schwab l'assistance personnelle du maître depuis 22 ans, Freddi, Margi la nouvelle tour publicist et, rayonnant dans une chemisette colorée et pantalon de toile, cheveu cendré en brosse sur le sourire bronzé d'un récent Noël à Bali en amoureux, David : "Hello, Hello." On fait les présentations : "Arnaud, voici Coco Schwab, et puis David Bowie." Aussitôt David suit Arnaud dans la cuisine, et tout le monde s'avise de les laisser se débrouiller tous seuls. Depuis le salon, l'écho chaleureux de la voix du Duke parvient. "Ah j'aime beaucoup ce que tu fais, ta photo de Frank Black dont j'aime bien la musique, tu utilises Photoshop ? J'ai fait beaucoup de photos retouchées sur ordinateur l'année dernière pour illustrer mon album 'Outside', je ne sais pas si tu les a vues..." Dix minutes passent, puis David nous rejoint seul dans le silence du salon, Coco et le reste du staff s'étant éclipsés dans le bureau d'à côté pour travailler. Il s'installe dans le fauteuil, grille une Marlboro Light...

Je vais encore faire d'autres photos avec Arnaud, il charge de nouveaux films... À propos, es-tu déjà allé au Musée des Beaux-Arts ? J'en reviens et il y a des trucs qui vont te faire halluciner, XVe, XVIe siècles, d'une finesse magnifique. Il n'y a pas de secret, si les peintres nordique ont réussi à capter la psychologie intérieure des visage, c'est parce qu'à cause du froid, les gens vivaient longtemps enfermés à la maison, ce qui, en plus de la lumière sombre qui souligne énormément les traits, permettait aux gens de s'observer pendant des heures et de méditer. D'où aussi la gravité de tous ces portraits et la précision des détails... Bien sûr, rien de tout cela dans la peinture italienne de l'époque, qui était fascinée par les peintres du Nord, mais dans laquelle tout n'est que vie insouciante en extérieurs, visages adorables mais sans profondeur. Ah, et puis tu ne peux pas passer à côté de 'La Chute d'Icare' de Bruegel qui a inspiré Nicholas Roeg pour 'L'Homme Qui Venait D'Ailleurs'."

Pop

Il y a aussi une partie contemporaine dans le musée...

Oui, mais tu n'as pas de temps à perdre avec ça, deux Magritte, pfff...

Tiens puisqu'on parle peinture, voici le numéro du magazine l'Insensé dans lequel on a reproduit le tableau de Mamiwata... Et puis le plus drôle, c'est qu'il se sont plantés, croyant mettre une photo du film Basquiat, ils ont mis une véritable photo de Warhol, en légendant "David Bowie dans le rôle d'Andy Warhol", ce qui d'un strict point de vue éditorial est navrant, mais conceptuellement tellement génial...

Ah oui (rires), quelle ironie, peut-on faire plus warholien (il imite la vois étouffée et incolore d'Andy) : 'Ah on ne trouve pas de photo de Bowie ? Aucune imporatnce, on n'a qu'à mettre une photo de moi et dire que c'est David Bowie...' À part ça, quelle belle revue, la qualité des tirages est incroyable, c'est très beau. Je peux le garder...?

Mais oui bien sûr...

Et ça s'adresse à des gens cultivés ?

Suffit de voir le sommaire, c'est avant tout un magazine d'art, très confidentiel... Et sinon, comment se passe cette tournée européenne depuis Wembley ?

C'est incroyable, les gens réagissent aux nouvelles chansons encore plus qu'aux anciennes. On en a encore ajouté de nouvelles, "White Light White Heat" (du Velvet Underground - NDA) et "Diamond Dogs" sur demande expresse de ma bassiste Gail Ann Dorsey, qui adore cette chanson. Ce qui fait que je dispose de plusieurs titres anciens à jouer les soirs où je n'ai pas envie de faire "Boys Keep Swinging" ou "DJ". Et puis, tu te souviens de Wembley backstage ? Tu connais Neil Tennant des Pet Shop Boys ? Il est intelligent, non ? Étrange, je viens d'entendre le remix qu'il a fait pour mon nouveau single "Hallo Spaceboy" et il a fait exactement ce que je fais habituellement avec les cut-ups : il a samplé ma voix sur "Space Oddity" et interverti les mots "Control", "Tom", "Major" et "Ground"... C'est irréel et puis (il s'approche d'un air sentencieux et mystérieux)... sa production est tellement pop de ça pourrait presque faire un tube... Voilà qui serait déroutant (rires)... (Arnaud fait des petits signes désespérés dans l'entrebâillement...) Ah, on est prêt ? Bon, j'y retourne... À tout de suite...

Dix minutes plus tard, il revient s'installer sur le fauteuil et se détand en souriant quand Coco, qui vient de faire son entrée, s'empare du magazine : "Ah quel beau magazine, voilà le genre de truc que j'aimerais trouver chez moi en rentrant le soir..." David explique à Margi sa tour publicist... : "C'est une très grande toile, elle fait au moins deux mètres, c'est l'histoire d'une prostituée libanaise qui se fait passer pour la sirène Mamiwata, l'une des toiles que j'ai faites avec Beezy Bailey à New York en une semaine..."

On lâche aussitôt interrompu dans une rêverie :

Quoi, les quatorze toiles en une semaine ?

Oui, tu le crois ?

Et vous étiez installés dans l'appart' ?

Non, non, Julian Schnabel nous a prêté son atelier dans Soho. Tu m'imagines me la jouant downtown ? Ah c'était trop bon... À propos de ce tableau de Mamiwata, je suis étonné que tu ne m'aies pas demandé de l'acheter...

Tout n'est pas encore vendu ?

Tu plaisantes, personne n'a encore vu ces toiles, elles sont encore entreposées à New York. Et tiens, si, pour changer, je les exposais à Paris ? Parce qu'à New York, les gens sont tellemtn blasés qu'ils diront de toute façon que je l'ai fait pour l'argent... Ce serait chic, non ?

L'entourage s'extasie pendant que David explique et donne des précisions sur le mythe de Maiwata avant de lâcher dans un soupir irrésistible assorti d'un petit clin d'oeil : Ah les femmes, ces sorcières admirables, délicieuses créatures diboliques...

...Coco sonne alors le rappel des troupes : "Oh là, ça devait durer dix minutes, et ça fait une heure qu'on est là."

David distribue poignées de main et bises : "Vous venez demain soir voir le show ?" et Arnaud reste stoïque jusqu'au moment où la porte se referme.

Pendant qu'on range le matos. Il réalise ce qui vient de se passer. Il y a quelques jours, Lou Reed l'a dégagé au bout de trois minutes avec sa morgue habituelle. Là il n'a rien compris : "Simplicité, générosité exemplaire, disponibilité du regard... C'est pas la peine de chercher... J'avais à peine le temps de formuler un truc que Bowie anticipait la pose rien qu'en lisant dans mon regard, comme s'il cherchait avant tout à me faire plaisir. Je n'ai jamais vu quelqu'un d'aussi beau, quel que soit l'angle de prise de vue, d'aussi logique et efficace, intelligent et fort, se livrer avec autant de générosité et de simplicité." Autant le dire clairement, Arnaud, plutôt du genre poisson malicieux et désinvolte, est en état de choc. Un peu comme Gilles Gailliot, l'attaché de presse de BMG, accueilli à Los Angeles par Bowie l'été dernier pour le premier jour de la promo mondiale, redescendant les marches du Château-Marmont en apesanteur : "Je lui ai apporté un livre qu'édite mon frère sur le sculpteur Henri Gaudier Brzeska, et aussitôt il m'a dit qu'il possédait quelques-uns de ses dessins dans sa collection, avant de me proposer, dans l'ordre, un café, un fauteuil, une cigarette, et d'évoquer, comme avec une vieille connaissance, Vienne, la Grotte de Chauvet, la revue l'Infini, avec une vivacité et une curiosité à une heure aussi matinale qui m'a fait complètement planer."

Dans la chambre feutrée du Radisson SAS suspendu sur le vide d'un jardin intérieur envahi de versions new-age de l'Ave Maria de Gounod à la flûte de pan, impossible de trouver le sommeil. Sur l'écran de MTV, le sax lancinant sur beat techno de "Pacific State Of Mind", un vieux 808 State en descente directe du "Low" de Bowie, finit par tout arranger.

Prêtre Rouge

Près de 21 heures dans la ruche de béton, à peine le temps de saluer les jeunes Américains croisés au musée dans l'après-midi sur fond de "Low Symphony" de Philip Glass, que le noir se fait dans un bruit d'orage. En un éclair salué par des hurlements, le groupe s'installe et déploie la sombre magie de basse fretless et guitare country-age de "The Motel" façon rideau de pluie au bord de la route. Bruxelles crépite d'impatience de voir la star, dont l'ample vibrato gonfle l'obscurité de l'arène. "...Il n'y a pas d'enfer comme un bon vieil enfer, pas de honte comme une bonne vieille honte." Lentement il se détache de l'obscurité, grand manteau noir découpé dans le contre-jour, démarche ralentie... "Les lumières sont allumées, garçons, il n'y a rien comme moi t'explosant..." Et effectivement, son visage s'illumine et Bruxelles, traversé de guitares stridentes, est déjà à genoux. Aussitôt, la machine noire et blanche se met en branle. Le groupe se déchaîne funky sur "Look Back In Anger" électrocuté de phares discoïdes, un "Hearts Filthy Lesson" éclaboussé d'éclairages rouge lave, lancinant comme du P-Funk cryogénisé, un "White Light White Heat" aimablement destructuré, et un "Scary Monsters" monté en neige carbonique comme du Cure minimal du début des années 80. Et la voix de détaché du fricotis cold-surf de s'envoler sur les frises africaines du "Voyeur Of Utter Destruction". Le temps d'un "Oxford Town" funkadélisé chic, d'un "Outside" privilégiant les déliés véloces du guitariste Reeves Gabrels, et on en est déjà aux premiers morceaux de bravoure qui voient les plus fiévreux tenter de se rapprocher de la scène. Là, sous des néons suspendus, Bowie joue "Andy Warhol" aux deux visages : poseur blasé, et agité hystérique, dansant comme en rave sur une accélération free-punk écorchée. Bruxelles crie en reconnaissant les premiers mots de "The Man Who Sold The World" revisité ambient-jungle, Bowie déchaîné dérivant en Héraklès portant sur ses épaules le poids du monde, avant de se lancer dans un monologue burroughsien dérangé dans lequel il est question de prêtre habillé de rouge tué par balles et qui l'a bien mérité. Entre Carl Orff et Scott Walker, l'extraordianire Mike Garson introduit "A Small Plot Of Land", et Bowie plane, loin au-dessus du public rock terrassé par sa proximité infernale.

Ode À La Joie

Pour calmer le jeu, après ce déluge d'énergie malade, l'automnal "Strangers When We Meet" joue la carte du charme jusqu'au poignant, "Diamond Dogs" ravit les nostalgiques, et "Hallo Spaceboy" cloue les sceptiques de sa quadriphonique puissance industrielle. On sent le groupe, sans doute brimé sur l'enregistrement de l'album pour se couler dans les exigences du maître et paralysé sur la tournée américaine, se lâcher complètement, et Carlos Alomar, heureux de voir son boss livrer la clé du vénéneux "Breaking Glass" : "Can't you see, that it was me ?" bouger comme un beau diable sur un chef-d'oeuvre fluo-wave ("We Prick You") et décoller littérallement dans un cliquetis de station orbitale sur un "Nite Flights" en compagnie des vocalises noires de gail Ann Dorsey. Pas de "DJ" disco-bluesy-orientalisant ou "Boys Keep Swinging" de cabaret noir ce soir, ni de "My Death" symphonisant de fin des 60's, pas plus que de "Joe The Lion" approximatif. Par contre "Teenage Wildlife" magnifiquement spectorien est enchaîné sur "Under Pressue" comme une leçon d'élégance et d'humilité. David totalement déchaîné, mordant le cou de Gail Ann Dorsey, ivre d'amour et de plaisir de jouer pour ce public qui ne cache pas sa joie. Il a à peine quitté la scène que les cris et les coups de pieds au plancher le rappellent pour un dernier "Moonage Daydream" freak-outé de solarisation orange.

u loin déjà, la version synthétique de l'"Ode À La Joie" de la Neuvième de Beethoven, telle que sur la BO de "Orange Mécanique" délicieusement surannée, raccompagne les voyageurs vers les années 90. Bowie, heureux comme ces vieux sages euphoriques des derniers films d'Ozu, range ses habits de peintre qu'il a voulu montrer aux plus jeunes de ses fans qui n'ont pas connu le costume noir à pinces rétro, et s'apprête à enfiler son pull en laine et son jean d'éternel jeune homme, avant de s'engouffrer dans sa limousine pour aller vaquer à ses nombreuses autres carrières parallèles.

Recueilli par Éric Dahan

 

David Bowie / Wembley Backstage

"David est persuadé d'avoir mal chanté. Dites-le lui si vous pensez le contraire." On y dira, on y dira. Coco est soucieuse, pas nous. Le show que Bowie vient de balancer au public de la Wmebley Arena aurait désarçonné Attila. Le groupe ? Une horde de loups. Sa voix ? Un rêve, du miel de montagne tiède et brun. Backstage, où Tricky nous traîne sans que l'on se fasse véritablement prier, le tout-Londres est réuni. Première pièce, les pas connus, journalistes divers, petit personnel de label. Deuxième salle, les stars le verre plein, et nous. Troisième porte, l'antre de Bowie. Par la porte entrebâillée, on le voit enfiler son pull (gris chiné), allumer une clope (Marlboro vintage), et il nous rejoint. L'oeil vif, le poil hirsute, en contrôle. Il slalome entre les Oasis, ronds comme des queues de pelles lancés dans une discussion sur leur capacité à ingurgiter n'importe quelle saloperie drogueuse, donne l'accolade à Gary Oldman (son partenaire dans "Basquiat"), casque de moto à la main. Il se retourne vers Hanif Kureshi, Brian Eno, salue Scott Walker et Peter Gabriel, et se précipite vers Tricky. Et nous. Bises, "Formidable, comment va ?" Suit un brin de causette avec Neil Tennant venu seul et en fan (et qui nous promet le prochain PSB pour le printemps). Iman entre dans la pièce à son tour : "J'ai traduit à David la critique de Hartford hier soir. Bravo." Car en plus, ils nous lisent, J'ai le temps de lui dire qu'il a divinement chanté, le Duc est déjà reparti. Iman l'a subtilisé, la nuit les a happés. Jérôme Soligny

 

David Bowie / Inside Out

À la prochaine cérémonie des British Music Awards (Brits) qui se tiendra le 19 février à L'Earl Court de Londres, la Dame de Beckhenham recevra une récompense méritée pour son incroyable contribution à la musique de ces gens-là. La semaine précédente, aux Victoires gauloises, on aura sûrement honoré les Native pour leur contribution au déclin de la soul music. L'idée des Brits vient peut-être de Q Magazine qui, lors de sa désormais traditionnelle soirée des Q Awards le 7 novembre dernier, rendit un hommage similaire (The Q Inspiration Awards) à la paire Bowie-Eno. Brian Eno déclara avant d'éclater de rire (c'est tout lui, ¸ca) : "On s'attendait plutôt à être élu Révélation de l'Année."

Invité le même mois à la prestigieuse émission anglaise "Top Of The Pops" en novembre dernier, notre Daho national s'aperçut qu'il allait partager le set avec Bowie, l'un de ses héros. Timide et réservé comme lui seul sait l'être, Étienne regarda l'idole des coulisses et n'osa l'approcher. Par l'intermédiaire de Carlos Alomar, pressenti pour les guitares de "Paris Ailleurs", ces deux Capricorne pur jus auraient pourtant pu être présentés. Partie remise ?

Pour voir Bowie à Birmingham un peu avant Noël, il fallait soit payer sa place au guichet (20 bonnes livres britonnes), soit en envoyer 10 par la poste avec... 10 emballages de Twix, la double-barre chocolatée sponsoreuse. Chocolat ? Suisse ? Message reçue.

Les 300 vernis (au bas mot) du concert à l'auditorium de l'opéra Bastille de Paris, le 17 décembre, le furent véritablement. À cause des grèves, la plupart des invités arrivèrent avec une bonne heure de retard, en nage et passablement énervés. Le court set, diffusé simultanément dans tous les magasins Fnac de Navarre, fut grandiose mais le backstage, squatté par la gent des BMG pas peu fiers, était un modèle d'inhospitalité markétée. Après avoir évité quelques caisse de matos roulantes, on réussit tout de même à avaler les madeleines arrosées au jus d'orange subtilisées pour nous par le pianiste du groupe, en regardant un jeune batteur de onze ans se faire photographier avec la star. Puis on quitta l'endroit pour la party Fnac, plus sordide encore, mais mieux achalandée en graillons branchés.

Dans le même numéro de Mojo (janvier 96) où les lecteurs sacraient " Ziggy Stardust " 16e meilleur album de tous les temps, le barbichu de Vevey votait " Maxinquaye " de Tricky et " Tilt " de Scott Walker comme étant ses albums favoris de l'année 95. À la page précédente, Neil Tennant affirmait que " Outside " était un excellent disque pour faire du jogging.

Jean Genie est un clone de David Bowie professionnel plutôt pathétique (avec de grosses cuisses), qui se prétend aussi acteur. Apparemment, il jouerait en ce moment même à Londres dans une comédie musicale intitulée " Freak Out ". Pas glop, on apprend qu'en plus l'énergumène compose, et qu'il menacerait même d'enregistrer un petit quelque chose.

Tout le monde a vu (et entendu) la nouvelle pub Gemey, avec Philippe frotte par terre Candeloro. C'est bien un remake de " Rebel Rebel " qui chuinte derrière (C'est aussi le nom du parfum promotionné), et on espère que le Thin White Buck s'en est mis plein les poches, car cette vulgaire compromission - où se cache donc le déconstructivisme dans de tels agissements - mériterait bien un coup de patin au cul. Jérôme Soligny

 

David Bowie / Morrissey

Le 29 novembre 1995, sur la scène du Aberdeen Exhibition And Conference Center, un roadie bafouille à la foule furax un communiqué manuscrit pour excuser l'absence de son patron. Mystérieusement malade, Morrissey vient de quitter la tournée David Bowie. Confusion. Comme le public, Bowie et son entourage apprennent la nouvelle en dernière minute. Le groupe monte alors précipitamment sur scène, et le show débute tandis qu'une partie importante du public se rue vers les guichets. Durant le set du plus âgé des deux outsiders britanniques, l'impressionnante file d'attente de ceux qui veulent se faire rembourser les 25 livres de ce double bill manqué s'allonge dans le hall. Papi l'a mauvaise. Selon Parlophone et son management, le Moz serait à l'hôpital, exténué, et devrait rejoindre la tournée à Sheffield quelques jours plus tard. Que nenni. À Sheffield, pas plus de Morrissey que de public d'ailleurs car, poisse de poisse, un carambolage a lieu sur la route qui mène au gig, bloquant les gens venus voir le Bowie simple biller. Papi l'a très mauvaise. Comble de malchance, les Gyres, première partie appelée à la rescousse, font partie des retenus sur le macadam et ne pourront finalement ouvrir le show que le lendemain, à Glasgow. Quelques jours plus tard, on apprend que Morrissey est sorti de l'hôpital (le 9 décembre) et qu'il ne rejoindra finalement pas la tournée. Assez confusément, les deux managements respectifs ne cessent d'affirmer qu'aucune querelle entre les deux pop-stars n'est à l'origine de ce déplorable état de fait. Dans le backstage de Londres, Alan Whyte, gratteux chez Moz, nous assurait que l'ambiance entre Bowie et eux était au beau fixe, alors que perlaient déjà quelques rumeurs de mésentente cordiale. Chez les zicos du Duc Blanc, personne ne sait rien sur rien. On ne peut donc ni leur reprocher de cafter, ni compter sur eux pour obtenir le moindre éclaircissement. Par ailleurs, aucune information ne transpire sur l'état de santé de l'ancien chanteur des Smiths, qui, et c'est la seule chose que l'on peut affirmer à l'heure actuelle, a bel et bien rendu malades ses nombreux fans. Jérôme Soligny

(From Rock&Folk, mars 1996)

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