(La lettre suivante a été écrite par Colonel Nguyen Khuyen, Directeur de l'unité de la Sécurité Militaire du 3ème Corps d'armée)

San Jose, le 18 Juillet 1998

Cher Tin,

Je viens de recevoir votre lettre datée d'hier demandant de l'information au sujet de la mort de l'ex Général de Division Nguyen Van Hieu, Commandant Adjoint du 3ème Corps d'armée (CA)/3ème Secteur Militaire. L'événement a eu lieu depuis presque un quart de siècle, mais je m'en souviens encore avec clarté le déroulement comme suit:

À l'époque le Général Hieu occupait le poste de Commandant Adjoint du 3ème CA. Il exerçait en même temps la fonction de Président de la Commission d'Anticorruption du 3ème CA. Je me rappelle encore de ce matin là, j'ai eu une réunion avec lui à 10h dans son bureau. Cette séance s'est terminée à midi. Je retournais à mon bureau, qui se trouvait à peine 10 minutes en voiture. Je me préparais à aller déjeuner avec quelques amis venant de Saigon qui me rendaient visite, quand le bureau de Sécurité m'appelait pour m'informer de son suicide par arme à feu dans son propre bureau. J'étais abasourdi et étonné parce que c'était tout simplement incroyable. Je venais de le quitter à peine 15 minutes. Je l'avais trouvé jovial comme d'ordinaire, et il n'y avait aucun signe de faiblesse ou découragement de sa part.

Je m'excusais auprès de mes amis Saïgonnais et me hâtais à retourner au quartier général. A mon arrivée, l'ambulance à croix rouge avait déjà transporté le corps du défunt Général à l'hôpital. Je ne savais que faire à part d'aller voir Le Colonel Phan Huy Luong, le Chef d'Etat Major du 3ème CA.

Selon Luong, vers midi tous ceux qui se trouvaient près du lieu de travail du Général Hieu ont entendu un coup de feu provenant de son bureau. Luong se rua dans le bureau et vit Hieu allongé inerte dans son fauteuil à côté de sa table de travail. Le sang coulait abondamment de son visage à la poitrine. Une balle avait pénétré son front et est allée tout droit à son cerveau. Dans l'élan, le projectile avait atteint le plafond, et l'avait perforé.

Comme le fait a montré, la balle l'avait tuée nette. En d'autre terme, il était mort immédiatement, sans ressentir aucune douleur. Il tenait le pistolet dans sa main. Personne n'était présente dans son bureau à ce moment-là.

Le premier geste du Colonel Luong fut d'appeler le Médecin-chef de venir et de voir s'il était encore possible de le secourir et ensuite d'aviser l'unité de la Police Militaire du 3ème CA. Luong a pris la précaution de barrer l'accès au bureau de Hieu afin d'éviter toute entrée inopportune avant que la Police Militaire puisse dresser le procès-verbal et de commencer l'enquête.

Quand je suis entré dans le bureau du défunt Hieu, j'avais vu quelques PM (Police Militaire) en train de dessiner le diagramme du meurtre. L'un d'eux grimpait sur une échelle à la recherche de l'impact au plafond. Du sang et des morceaux de cervelles éclaboussaient le mur! Il n'y avait pas traces de lutte.

Comme l'affaire a été confiée à la PM, j'ai seulement entendu parler des résultats de l'enquête. Selon le Lieutenant Colonel Quyen, chef de l'unité de la Police Militaire du 3ème CA, cette mort a été causée par le déchargement impromptu du pistolet de la main même de la victime. Il n'y avait aucune preuve indiquant ou le suicide, ou l'assassinat.

J'étais d'accord avec l'observation faite par la Police Militaire parce que selon l'information que nous possédions sur le Général Hieu, il s'amusait à manipuler les armes. Il avait même gagné le championnat de tir au pistolet. Peu de temps avant, quelqu'un lui avait fait cadeau d'un pistolet, de type rare. Il l'y tenait à coeur mais ce qui le troublait c'était que le détonateur de ce pistolet se déclenchait très facilement. Il l'avait remis à l'unité d'Armement pour le fixer 3 fois dans le passé. Cette information m'a été fournie par Le Colonel Khang, chef de l'unité d'Armement.

En outre, quelques semaines après, le Bureau Central de la Sécurité Militaire m'a envoyé des articles relatant les rumeurs selon lesquelles le Général Hieu a été exécuté par un groupe d'individus corrompus parce que ces derniers avaient peur qu'il révèle leurs activités illégales. Certains journaux ont même indiqué que sa mort a été orchestrée par le Général Toan. Ce dernier était le Commandant du 3ème CA à ce moment-là. Il venait de remplacer le Général Du Quoc Dong, démissionnaire pour raison de santé.

Selon les résultats de ma propre enquête, ces rumeurs étaient sans fondement. Elles n'étaient pas soutenues par aucune preuve solide ou témoin concret pouvant aboutir à la conclusion que le Général Hieu a été éliminé par un groupe de corrompus.

À l'époque, le pullulement de ces rumeurs était bien connu. Par exemple, pas longtemps avant, il y avait un on-dit selon lequel le Général Do Cao Tri aurait été tué par un engin explosif dissimulé par les américains dans son hélicoptère. C'était une rumeur sans fondement mais qui avait convaincu pas mal de gens! Mais selon l'enquête, ce n'était qu'un accident causé par une avarie mécanique. Il n'y avait aucune raison pour que les Américains l'éliminent! Ils respectaient et coopéraient avec les Généraux compétents, et Tri était l'un de ceux là.

Hieu était un Général compétent et incorruptible. Tout le monde sans exception le respectait et l'aimait. Sa mort a été une grande perte pour l'Armée, en particulier au moment où celle-ci avait le besoin impérieux de grands chefs charismatiques, capables de redresser la situation catastrophique du pays.

J'ai eu le privilège de servir le Général Hieu pendant un certain temps. Il était vraiment un chef très doué et résolument incorruptible. L'image d'un Général jeune, beau mais simplement habillé, calme, affable et sans prétention est encore vivace dans ma mémoire.

C'est tout ce que je sais à propos de cette douloureuse affaire. Peut être vous ai je déçu par ces informations qui ne sont pas ce que vous attendiez. Mais je puis vous assurer une chose: ce que j'écris ici est conforme avec les éléments en ma possession concernant sa mort. Je ne gagne en rien à mentir ou à couvrir quoi que ce soit.

Mon adresse et numéro de téléphone sont écrits sur l'enveloppe. Si vous avez des questions ou des doutes et si vous pensez que je vous serais utile à ce sujet, n'hésitez pas de me le faire savoir. Je suis déjà en retraite et j'ai beaucoup de temps libre.

Révisé le 01.12.2003

generalhieu