Quelques impressions à propos du feu Général Nguyen Van Hieu

Mes chers aînés, Mesdames et Messieurs,
Chers Compagnons,

Il y a environ trois semaines, deux appels téléphoniques me sont parvenus. Le premier émanait de notre aîné le Lt-Colonel Nghiem Ke. Le second provenait de M. Huy Phuong que je ne connaissais pas encore. Tout deux m'ont demandé de faire un exposé concernant le feu Général de Corps d'Armée Nguyen Van Hieu à l'occasion de l'avant-première du livre qui lui est dédié et c'est la raison pour laquelle je suis là aujourd'hui. Ayant été son subordonné, particulièrement pendant les deux années où j'occupais la fonction d'officier de presse au QG de la 22ème DI, c'est en cette qualité que j'accepte de vous délivrer aujourd'hui mon témoignage, mes impressions vis-à-vis du Général Hieu en tant qu'homme.

Quand on étudie quelqu'un, on doit s'appuyer souvent sur deux critères: son talent et sa vertu. Pour le premier, permettez-moi de ne pas l'évoquer puisqu'étant qu'un subordonné, j'estime de n'être pas en mesure de juger mon supérieur. En revanche, à propos de sa vertu, j’ai ici quelques anecdotes à vous raconter. Elles sont certes insignifiantes, mais reflètent la particularité de la vie que menait le feu Général Hieu.

Chacun adopte un mode de vie selon son aspiration. Quant au Général Hieu, j'avais remarqué qu'à cette époque, une maxime trônait en permanence sur sa table de travail:

Un travail bien fait est la joie du coeur.
Une prière bien accomplie est la paix de l’âme.

A travers ces deux courtes phrases, on comprend mieux l'humilité, l'honnêteté et l’humanisme que le Général a pratiqué pendant toute sa vie.

1- Une vie simple:

Au temps où il dirigeait la 22ème DI, tous les matins à six heures Hieu partait de Qui Nhon à Ba Gi, lorsque sa jeep dépassait le lieu-dit de Cau Doi, il déballait son sandwich et commençait à le consommer. Et dès qu'on atteignait le pont de Ba Gi, son petit déjeuner était terminé. Une fois entrer dans son cabinet de travail, un verre de thé vite avalé et le voilà prêt à affronter la journée. De temps en temps s'il devait passer la nuit sur place, une baguette de pain lui serait apportée, à la même heure, par le personnel du QG.

Le soir venu, avant de quitter le QG, il a l'habitude de prendre soins de ses deux armes personnelles. Jamais il ne déléguait cette besogne à qui que ce soit.

2- Une vie honnête:

Un jour, son chauffeur amenait une caisse de lait achetée au magasin de l'armée dans sa jeep. A peine monter dans la voiture et l'ayant aperçu, il questionne : — "D'où vient cette caisse de lait ?" — "Je l'ai acheté pour votre Dame." – "Chaque famille a-t-elle droit à une caisse entière?" — "Non mon Général, au lieu de six boites, on nous a cédé 1 caisse" — "Si on achète tant de lait, il n'en aura pas assez pour tout le monde, par conséquent vous allez rendre le surplus, et ne gardant que le quote-part familiale".

Alors tandis que le chauffeur repartait au magasin, Hieu retournait l'attendre dans son cabinet.

Une autre anecdote démontre l'ampleur de son honnêteté. A l'occasion de la venue de la femme de son conseiller divisionnaire US, ceux-ci ont invité le couple Hieu à un dîner amical. Pour rendre la politesse, sa femme organisa un repas familial en l’honneur de leurs hôtes américains. Ce matin-là, le commandant de la 22ème compagnie est passé par hasard chez lui, et ayant constaté la frugalité du repas, y avait ajouté une partie de nourriture de sa part. Le Général l'aperçut, il lui remercia mais lui pria de le ramener chez lui.

3- Une vie charitable

Des actes concrets démontrent sa préoccupation à la vie quotidienne de ses subordonnés. Je l'accompagnais souvent durant ses inspections opérationnelles. Un jour, lors d'un vol d'observation d'une campagne mixte Américano-vietnamienne situant à l'Est du Col de Binh-De, à cheval entre Binh Dinh et Quang Ngai, son hélicoptère atterrit au milieu de la 4/40 compagnie. Après avoir discuté avec le commandant, il s'avance vers l'un des soldats s'enquérant de sa santé, il questionne à la fin: "Ce midi, qu'avez vous comme déjeuner?" Ce dernier sans un mot, fouille dans son sac à dos et lui montre une ration de riz et une petite boîte contenant du sel mélangé aux cacahuètes. Retournant vers le Lieutenant Long, son ordonnance, il lui dit: "Au retour, rappelez-moi à propos des rations sec." Plus tard, au QG un ordre est donné au 4ème de s'en occuper immédiatement de cette question.

Je l'accompagnais un jour à la base du 4/40 Bataillon. Un Sergent nommé Thien, issu de Quang Nam, était connu de tous en raison de sa haute stature et de pieds énormes. Aucune pointure de chaussures disponible au magasin de l'armée ne lui convenait. De ce fait, il s'est contenté d'une paire de sandalette qui rendait son allure ridicule. On ne saura jamais pourquoi le Général a eu vent de son cas, mais dès son arrivée, il convoquait ce colosse de Sergent, lui s'informant sur son état actuel et ensuite, a ordonné qu'on prenne de l'argent de la caisse divisionnaire pour lui offrir une paire de ranger à sa mesure, provenant des stocks US. A partir de ce jour-là, ce brave Sergent a pu se rassurer et se sentir qu'il est devenu un soldat à part entière, bien habillé de pied en cap.

Le Général prenait soin également aux familles de ses soldats. Ayant constaté que son faible budget ne le permet pas de construire selon son voeux une caserne convenable, il a fait appel à ses conseillers US et, grâce à leur concours, à récupérer assez de matériels provenant des campements US, et enfin est parvenu à édifier un quartier familial au profit de la 22ème DI.

Une autre construction a été réalisée à De-Duc, au nord de Bong Son, province de Binh-Dinh, permettant aux familles de la 40ème RI de profiter d’un certain confort; des centaines de logements équipant cuisine, salle à manger et sanitaires. Le tout fonctionnant à l'eau courante. Un autre quartier semblable a vu le jour à Plu My au profit des 41ème et le 40ème RI ainsi que le 47ème RI basé à Tuy-Hoa.

Au QG divisionnaire lui-même, le Général a confié au 22ème Bataillon de Génie la mission de bâtir une école élémentaire comprenant toutes les classes. De même, le groupe de "guerre psychologique" a reçu l'ordre de négocier auprès de l'Education Nationale, et ainsi a réussi à emmener des éducateurs nécessaires aux besoins des enfants.

Un relais sanitaire et une maternité réservés aux familles militaires ont sorti de terre. Les médecins, les infirmiers issus du 22ème Bataillon de santé s'en occupaient en distribuant les médicaments nécessaires à tous.

En outre, il a fait construit un local destiné à l'enseignement des divers métiers. Plusieurs cours de couture ont été créés favorisant ainsi des débouchés appréciables pour plusieurs personnes.

Le Général prenait très souvent ses repas en compagnie de ses subordonnés. Au cours d’un de ces repas, il a proclamé que 2 conditions sont indispensables pour encourager le moral des troupes: la première est un armement approprié, la seconde concerne le bien-être de la vie matérielle de leurs familles.

En résumé, le feu Général Nguyen Van Hieu fut un chrétien exemplaire. Il fut un mari, un père généreux, bienveillant et discret. En dehors de son travail, il participait activement à la vie familiale et pratiquait scrupuleusement son devoir de chrétiens. Il fut un grand leader, un grand frère, et appliquait un mode de vie simple, honnête et charitable. Il fut également un exemple pour la famille et la camaraderie.

Mes propres pensées ci-dessus, je les dédie à vous, qui êtes présents ici aujourd'hui, en espérant d'avoir apporté ma petite contribution en l'honneur du charismatique Général Nguyen Van Hieu.

Je vous remercie.

Lieutenant Colonel Nguyen Anh Ton
Le 23 avril 2005

(Propos présenté à la présentation du livre à San Jose)
traduit par Thach Ngoc Long

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