Un Acheminement à Travers les Portes d'Enfer.

Tôt en 1971, nous commençâmes une série d'attaques majeures au Cambodge, devisées et exécutés jointement par les forces américaines et sudvietnamiennes.

Le soutien de la Cavalerie Aérienne a été procuré aux forces de terre sudvietnamiennes qui traversaient la frontière cambodgienne.

J'ai été assigné en tant que fusilleur avec le 3rd Squadron, 17th Air Cavalry. J'avais alors tout juste 18 ans.

Nos unités ont reçu l'ordre de se rendre à un camp près de la frontière appelé Haymaker où nous devons nous joindre avec une brigade blindée sudvietnamienne qui doit acheminer vers le nord pour secourir les soldats fatigués encerclés à Snoul, Cambodge. A Snoul, ces derniers ont reçu l'ordre de se retirer vers le sud pour rencontrer cette colonne blindée.

A Haymaker, les ordres sont donnés au début de l'opération et la grande colonne d'infanterie soutenue par l'Unité de la 5ème Cavalerie Blindée se dirige sur la route nationale vers Snoul. Ils doivent ouvrir la route nationale et maintenir la sécurité de la route de retrait de leurs camarades assiégés à Snoul.

La haute commande américaine donne des ordres strictes qu'aucune force de terre américaine ou conseiller américain ne soit utilisée dans les opérations sur terre--un ordre qui n'a jamais été suivi pour cause de désobéissance et de considération humanitaire.

Nous volons avec des mitrailleuses pour couvrir au-dessus de la colonne, volant de l'arrière vers l'avant. Je me rappelle que les hélicoptères sont aussi denses que les abeilles autour d'une ruche.

Nos hélicoptères armés Kiowa et Cobra travaillent les flancs de la forêt le long de la route. C'était une forêt bien dense des deux côtés de la route, une sorte de tunnel sans toit.

Les véhicules blindés APC et chars transportent chacun 20 à 25 fantassins sudvietnamiens. La colonne s'avance rapidement et n'a aucune idée de ce qui serait leur destin.

Les troupes de l'ANV s'enterrent en masse sur le côté de la route et laissent passer le véhicule de point. Quand la grande portion de la colonne s'est engagée tout juste, les Nordvietnamiens les frappent avec tous ceux dont ils ont.

Leur piège a été meutrier, et j'ai été assis à la première rangée.

Nous sommes en train de remonter la route, volant bas au-dessus de la colonne, transportant quelques conseillers pour tâter la route à l'avance avec un colonel vietnamien. Au-dessous de nous, pas plus que 75 foots, des chars et des APCs commencent à exploser. Certains véhicules sont piégés derrière les véhicules endommagés.

C'est le commencement de la fin pour eux. Des balles de trace volent partout. Des chars font marche en arrière et en avant, se cognant contre les véhicules paralysés essayant de les déloger afin qu'ils puissent former une ligne de combat de quelque sorte.

Les fantassins vietnamiens qui montaient les véhicules s'en éloignent désespérément en courant des véhicules en explosion. Comme je regarde, tout en essayant de tirer sur les positions ennemies, je vois les soldats abattus par le tir intense des roquettes et des mitrailleuses.

Les officiers américains et le colonel vietnamien dans notre hélicoptère essaient avec frénésie de communiquer avec les forces sur terre, mais tout est chaotique, et ils commencent à hurler aux pilotes de les déposer sur le sol.

A peine quelques minutes, 80 chars, véhicules à chaîne, camions et jeeps sont immobilisés sur la route poussiéreuse rougeâtre. Je regarde comme 2 000 soldats courent pour leur vie sur la route nationale, quelques uns luttant s'ils ont encore leurs armes, avec les soldats nordvietnamiens derrière eux en poursuite de massacre.

Les hélicoptères armés de "Blue Max" [2ème Bataillon (Artillerie Aérienne), 20ème Artillerie - 1ère Division de Cavalerie] sont en train maintenant d'arriver sur la scène horrible et ils commencent à étayer une couverture de feux pour couvrir le retrait des Vietnamiens. Certains tirent dans les lignes d'arbres, n'importe quoi pour stopper le massacre.

Regardant vers le Vietnam, vous pourriez voir les hélicoptères en navette, transportant les blessés aux stations de secours et ré-armant leurs roquettes.

A ce moment, environ une heure dans la bataille, je transporte les blessés. Plusieurs fois j'ai dû donner le coup de pied à ceux qui ne sont pas blessés, parce qu'ils essaient de grimper à bord avec les blessés. Certains de ces lâches ont même tiré sur les fusilleurs de l'hélicoptère qui les ont repoussés hors-bord.

J'ai cinq centimètres de sang coagulé sur le plancher de mon hélicoptère et pourtant nous devons continuer à prendre des blessés. Je me souviens qu'un capitaine américain que nous avons admis à bord me regarder en choc. J'ai tant de sang sur moi et dans l'hélicoptère qu'il vomit.

Je ne pense pas que personne puisse imaginer l'horreur que nous avons témoignée ce jour-là. Toute la journée nous transportons les blessés à l'hôpital de Loc Ninh. Cette place ressemble aux portes de l'enfer. Il y a des hommes blessés partout et les corps qui ne sont pas mis dans des sacs avec des étiquettes sur leur orteil et chemise.

Les conseillers sont en choc. Les hommes pleurent. Les infirmiers et chirurgiens se découragent. Nous continuons à voler toute la journée et comme le soleil est en train de descendre, nous recevons l'ordre de retourner à notre camp.

Je peux encore sentir l'air que j'ai senti cet après-midi là. Personne ne parle. Notre hélicoptère est sens dessus dessous. Je me rappelle regarder mon corps comme si mes yeux ont quitté ma tête et en quelque sorte sont en train de me regarder.

Cette nuit-là je m'allonge sur ma couchette et pense au lendemain. Peut être nous évacuons les blessés. Peut être nous serons descendus. Cette nuit-là, je pense que peut être je mettrais un .45 pistolet dans ma bouche et me décapiterais...


Dan Sutherland
The Register Star
7 avril 1987

generalhieu