Le Général Hieu m'assigne à la tête du 2/8 Bataillon

Première rencontre

Après avoir pris les commandes de la 5ème DI, le Général Hieu a déclenché une opération de nettoyage de la RN14, celle-ci débuta de Dong Xoai et termina à Phuoc Long. Cette route a été fermée à la circulation suite à la fameuse bataille effectuée par le 7ème régiment et ensuite par un bataillon de Paras, comme relaté par l'aîné Doan Phuong Hai. A cette époque, j'assumais la fonction de commandant en second du 3/7 bataillon.

Après l'évacuation du Commandant Nguyen Trang hors de la zone de combat, j'avais pris sa place au 3/7 bataillon. Ce dernier a écrit à ce sujet dans son livre, et idem pour le Commandant Thuong, qui a évoqué pour sa part, le fait que je fus désigné comme Commandant de bataillon vu mes bons états de services depuis ma sortie de l'académie en 1965. A un moment donné, en qualité de chef de section, je n'avais pas hésité à aller embusquer sur la RN13 en laissant à l'arrière la radio et la mitrailleuse. Ensuite, on m’avait placé à la tête de la 10ème compagnie. Toutes les médailles, qu'elles soient vietnamiennes ou américaines venant honorées notre unité furent l'oeuvre de notre fait d'armes. Plus tard, j'étais affecté au 3ème bureau et enfin commandant en second du 3/7 bataillon.

L'opération proprement dite s'est déroulée sans incident. Pour ma part, malgré mes responsabilités, je n'ai jamais eu l'occasion de rencontrer le nouveau patron de notre division, le Général Hieu. Un jour pourtant, mon radio m'annonçait une visite impromptue du 45, le nom de code du patron divisionnaire. Cette nouvelle m'a surpris à cause de l'insécurité qui régnait encore dans cet endroit, car malgré notre progression rapide et sans encombre, ce tronçon fut envahi par des arbres sauvages sans parler des bambous, qui de son côté se proliféraient partout. Ces obstacles ont été éliminés en partie par les bulldozers américains au fur et à mesure de notre avance certes, mais vraiment le terrain d'atterrissage aménagé à l'improviste ne me rassurait pas beaucoup. Néanmoins, tout se passa bien lors de cette première entrevue avec notre grand patron. Et l'opération a pris fin lorsque nous atteignions Phuoc Long sans coup férir, à l'exception des cas de paludisme qui ont causé pas mal de dégât à notre unité, moi y compris. La mission à peine terminée, mon bataillon a accouru à Dong Xoai afin de renforcer le dispositif du 1er régiment mécanisé sous la houlette du Colonel Ty, pour ensuite poursuivre ensemble la route jusqu'à Binh Duong, la base de notre régiment.

Commandant du 2/8 Bataillon

Sur place, j'ai été relevé de mes fonctions suite à mon refus d’exécuter l’ordre venant du patron de régiment, un certain Colonel Vu Dang Chong, je devais "céder" 30 setiers de riz (Les vendre à qui sinon aux intermédiaires mandatés par les VC?) Et malgré la pression de son adjoint, j'ai tenu bon en faisant savoir à ce dernier qu'étant un officier responsable, je ne pouvais pas m'associer à de tel trafic. Heureusement, le Colonel Ty a demandé et obtenu du 4ème bureau de la subdivision de Phuoc Long l'achat de cette cargaison en me délivrant pour cet acte un reçu en bon et due forme. Que pouvais-je faire ? N’ayant pas de relations, je n'ai pas jugé utile de faire appel de ma révocation. Je suis devenu alors un officier sans affectation. Une semaine à peine passée, et voilà que tout à coup, le Général Hieu est venu assister à un briefing organisé par notre unité, lequel consiste à informer le général de notre organigramme régimentaire. Pour ma part, vu ma faible position, je me suis placé au dernier rang. Mais, lorsque le chapitre opérationnel fut terminé et que le responsable de l'effectif venait de s'exprimé, le Général s'est levé sans l'écouter davantage et s'adressant au commandant de régiment, lequel était du même acabit que le Général Toan, le corrompu: "Si vous n'aviez plus besoin du service du capitaine Tin, envoyez-le au QG divisionnaire".

Je me suis souvent demandé comment le général a eu vent de mon affaire. Il est probable que le Commandant Quan (le futur patron du 7ème régiment) l'a révélé au Colonel Sang par la filière ethnique "Nung", à moins que le Colonel Ty, le Tankiste l'a rapporté au QG divisionnaire.

Au QG, on m'affecte au 3ème bureau pour ensuite m'envoyer à la 1ère Division Aéroportée US à Phuoc Binh afin de suivre le cours de protection aérienne, l'organisation des escadrilles d'hélicoptères, et la mission de renseignement diurne comme nocturne. A mon retour, j'endosse la responsabilité de chef d'équipe opérationnel et par la suite, le rôle de speaker. Je me suis donné à coeur joie durant cet exercice. En effet, grâce à mes précédentes responsabilités dans le 32ème secteur et aussi à des opérations répétées de l'échelon de section à celui de bataillon, j'avais acquis une parfaite connaissance de ce territoire. Mes comptes rendus furent brefs et ne se référaient qu'aux différents repères sur la carte opérationnelle. Satisfait de mes exposés, le chef du 2ème bureau avait demandé que je sois affecté à son service, mais le chef d'État Major lui faisait savoir que je serai assigné par le patron à une autre tâche. Deux mois plus tard, ce même Colonel m'a dit qu'après mon exposition du jour, je devais aller me présenter devant notre commandant de division.

Une fois devant lui, le Général Hieu me déclare: «le Commandant Ly Sy Coong a été désigné pour une nouvelle fonction et je veux vous confier le 2/8 bataillon. Auparavant, vous aviez bien défendu l'honneur d'un jeune officier sorti d'école, désormais dans votre nouvelle unité, vous devrez garder les même attitudes». Et c'est la raison pour laquelle mon nom a été cité dans votre livre en qualité de commandant du 3/7 bataillon.

La campagne de Snoul

Durant cette opération, à chaque passage d'hélicoptère dans l'espace aérien de Snoul, les batteries antiaériennes d’ennemi entrent scène pour empêcher l’évacuation des blessés. Le Général Hieu impose alors le silence radio et l'hélico atterrit soudainement devant le PCO souterrain de notre groupement. J'étais présent à ce moment-là et a reçu l'ordre de détruire tous armements lourds. Notre 2/8 bataillon devait en outre se débarrasser de sac à dos afin de pouvoir charger au maximum des munitions et ce avec un objectif précis, lequel consistait à nettoyer proprement le sud de la RN13 préparant ainsi la voie libre pour tout le monde et parallèlement le 3/8 bataillon opérant de la même façon du côté nord. Comme a écrit le Commandant Thuong, après l'assaut à l'horizontal mené par notre unité, progressant vers l'aérodrome L19, les cadavres des deux côtés s'enchevêtraient partout. Un ordre a été donné avant l'action: les blessés devaient arriver coûte que coûte au milieu de la chaussée de la RN, à partir de laquelle ceux-ci seraient récupérer par les chars; Quant au reste de bataillon, la mission était d'avancer vers le Sud en direction de la frontière vietnamienne. Grâce à la présence d'un membre de notre 3ème bureau au côté des pilotes US, mon bataillon, après avoir atteint une profonde vallée situant pas loin de l’aérodrome a bénéficié l’appui des bombardiers du côté Sud, lequel a anéanti toute la puissance de feu d'ennemie. Et nous voilà à l'approche du 3/9 bataillon, le Général Hieu à ma demande a accepté un regroupement des deux forces au sein duquel nous avons été approvisionnés en munitions de la part du 3/9 bataillon.

Le lendemain, sur ordre du Colonel Dzan, mon unité accompagnée par le 3/1 escadron M113 faisait route vers le Sud pour rejoindre le 3ème Régiment Blindé et les Rangers. Étaient présents sur le char de commandement: Minh, le chef d’escadron, moi-même, Thuong, du 1/8, Hung du 4/8 et Hai du 3/8 Bataillon se trouvaient au-dessous, à l’intérieur. A peine 100 mètres de distance parcourue, l’ennemi attaquait. Muni d’un M79 je faisais feu tandis que Minh, de son côté dirigeait les manoeuvres; quant à mes propres soldats, ils étaient couverts par les véhicules blindés du Colonel Dzan qui nous suivaient juste derrière. Et tandis que nous pataugions dans cette terrible embuscade, de là-haut, survolant le champ de bataille, le Général Hieu nous dirigeait et nous suivait de près.

Je fus scandalisé lorsqu'on a intenté le procès insensé à l'encontre du Général Hieu à propos de ce retrait forcé comme c'est relaté par l'aîné Thuong. C'était une réaction vitale pour échapper à un anéantissement certain vu l'ampleur de la tâche et le nombre écrasant des forces ennemis. Pour ma part, je n'éprouvais aucune honte face à mes propres pertes, à savoir 26 disparus, 28 tués et 62 blessés évacués.

Suite à cette bataille, le Général a inscrit mon nom dans la liste d'avancement. Malheureusement, durant le traitement des dossiers, lui et le Colonel Dzan ont quitté la division. Pour ma part, je n'avais pas envie de "marchander" mon galon de commandant et quitta depuis le 2/8 bataillon.

La Bataille de An Loc et le Clan du Delta

Peu de temps plus tard, le Général Hung me rappelle pour diriger le 2/7 bataillon, cette unité fut le premier à opérer au Nord-ouest d'An-Loc et reçoit désormais la mission de tenir l'avant-poste située au sud de cette même localité.

Durant ces 3 mois de résistante acharnée, notre unité a subi de 83 tués et 170 blessés. En revanche, aucun ennemi n'a pu franchir la ligne de défense à l'exception d'un char T54, lequel fut détruit en s'affaissant sur le toit de notre PC souterrain. En outre, un PT75 a subi le même sort

Ce que raconte ci-dessus concerne la totalité des commandants de bataillon ayant vécu et sorti indemnes de la bataille de Snoul. Ceux-ci sont encore là aujourd’hui à l'image du Colonel Dzan qui réside actuellement à l'Est des USA. Ils devraient savoir qu'ils n'ont rien à voir avec la bande de pleutres dont le Général Minh fut le chef de file. Vous, les opportunistes, grâce à la bataille d'An Loc, avez obtenu indûment un galon de plus pour chacun de vous avant de vous enfuir vers la 4ème Région Militaire. Il faut dire qu'à l'époque, la situation de la 3ème Région était devenue insoutenable pour votre clique. Et si ce n’était pas le cas, j’aimerais qu’on m’explique pourquoi le Colonel Le Nguyen Vy (qui n'a pas appartenu à ce clan) fut mis à l'écart de cet avancement général, est ce juste?

Au cours de la bataille de Loc Ninh, notre bataillon basé au sud d'An Loc a réussi, en une seule nuit à abattre sept VC et a récupéré cinq K 54 et 2 AK 66. En outre, un captif VC a été présenté au Général Hung. Et c'est à ce moment là que le Général a décidé de rester pour sauver An Loc. Ces cinq K54, je les ai offerts au CDI du 7ème régiment. Ce fait confirme la présence de cette unité, en compagnie du Général Hung et le Colonel Vy à An Loc bien avant la bataille de Loc Ninh, contrairement aux affirmations de certains journalistes et particulièrement le doyen Phan Nhat Nam. Quand l'ennemi est parvenu tout près de la "cave" du Général Hung, ce dernier en personne, m'a appelé à sa rescousse; à la tête des rescapés des deux compagnies (5 et 6ème) renforcées par deux autres compagnies de Paras, on a traversé le terrain de foot, foncé vers l'hôpital et libéré le PCO. Cette nuit-là même, le PC du 5ème bataillon Paras a été écrasé sous les tirs des T54. Et toujours en cette nuit de feu, Le Général Hung, avec les galons empruntés du commandant du 5ème bataillon de santé m'a promus chef de bataillon sur le champ.

Conclusion

Je le répète, durant toute ma vie, j'avais décidé de rester droit jusqu'au bout. Et je regrette que ceux qui m'avaient compris, à savoir les Généraux Hieu et Vy, le Colonel Quan soient partis trop vite vers d'autres cieux. "Les meilleurs partent toujours trop tôt" c'est ainsi !

J'aimerais que vous compreniez pourquoi j'ai tant aimé et respecté le Général Hieu. Cela ne provenait pas seulement de la lecture de votre oeuvre dédié à lui. Ce respect, je l'ai réservé depuis toujours à mon "45". Mon seul regret est d'avoir dû quitter l'armée dès 1973 faute à mon inaptitude, on m'a classé dans la 2ème catégorie. Et depuis lors, malgré mes tentatives, aucun n'a accepté mes requêtes : On me refusait partout, y compris à EMG, au ministère d'anciens combattants et même aux subdivisions administrative dont aucune ne voulaient de mes services. Étant désargenté et sans aucune relation, je me suis résigné à accepter ma radiation de l'armée. Ma seule consolation: ne pas partir comme un déserteur.

Commandant Tran Luong Tin
08 May 2005
Traduit par Thach Ngoc Long

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