21 Mai 1999 - TRIBUNE LIBRE

Pour un débat sur la guerre dans les Balkans

Questions au premier ministre

Connaissant votre profond attachement à la démocratie, à la défense des intérêts bien compris de notre pays, à la paix et à la prospérité de l'Europe, nous nous permettons de vous adresser respectueusement quelques questions avec le souci de clarifier l'indispensable débat sur la tragédie du Kosovo.

Est-il vrai ou faux que le gouvernement de Serbie avait, lors des négociations de Rambouillet, cédé sur l'essentiel, à savoir le retrait de ses troupes du Kosovo, l'octroi d'une large autonomie aux populations de cette province et l'organisation d'un référendum à l'issue d'une période transitoire de trois ans pour définir son statut définitif ? Que le refus de Belgrade d'admettre au Kosovo des forces placées sous le commandement de l'OTAN ait conduit au déclenchement de la guerre contre la Serbie ?

Est-il vrai ou faux que les frappes aériennes de l'OTAN aient, contre toute attente, sinon déclenché du moins amplifié et accéléré l'exode tragique des Kosovars ?

Est-il vrai ou faux que la France, se fiant aux calculs de l'OTAN, avait cru que le gouvernement de Belgrade s'effondrerait " en quelques jours " face à l'imposante armada rassemblée par dix-neuf Etats membres de l'Alliance ?

Est-il vrai ou faux que les destructions massives et les pertes humaines infligées au peuple serbe, loin de miner son gouvernement, ont suscité un puissant élan patriotique, ou nationaliste si l'on préfère, qui sert le pouvoir en place ?

Est-il vrai ou faux que cette guerre décidée et conduite sans l'accord de l'ONU et de deux membres permanents du Conseil de sécurité, la Russie et la Chine, ait tendu davantage les relations internationales et, partant, la recherche d'un règlement ?

Est-il vrai ou faux que la poursuite des frappes, indéfiniment si nécessaire, soit motivée au premier chef par la nécessité de sauvegarder la " crédibilité " de l'OTAN dans le nouveau rôle qu'elle s'est octroyé de défendre, entre autres, les minorités opprimées ? Si tel est le cas, ce précédent ne risque-t-il pas de conduire l'OTAN, les Etats-Unis, ou n'importe quel autre Etat, à s'ériger en gendarme pour frapper d'autres pays, sélectivement désignés comme coupables de forfaits analogues ? Est-ce ce " nouvel ordre international " que la France appelle de ses voux ?

Monsieur le Premier ministre, vos réponses à ces questions contribueront puissamment à initier un débat sérieux et serein, à enrayer un climat d'intolérance dans notre pays où certains n'hésitent pas à manier l'injure pour faire taire ceux qui s'écartent tant soit peu des idées reçues.

Lucie et Raymond Aubrac, anciens résistants ; Hélène Ahrweiller, présidente de l'université de l'Europe ; Serge Boidevaix, ambassadeur de France ; Henri Cartier-Bresson, photographe ; Edmonde Charles-Roux, écrivain ; Claude Cheysson, ancien commissaire européen, ancien ministre des Affaires étrangères ; Pierre Gallois, général c.r. de l'armée de l'air ; Constantin Costa Gavras, cinéaste ; Gisèle Halimi, avocate et ancienne ambassadrice ; Martine Franck, photographe ; Pr Marce-Francis Kahn ; Pascal Lainé, écrivain ; Pierre Maillard, ambassadeur de France ; Henri Paris, général c.r. et président des Clubs démocraties ; Gilles Perrault, écrivain ; Ernest Pignon-Ernest, peintre ; Gabriel Robin, ambassadeur de France, ancien ambassadeur auprès de l'OTAN ; Fernand Rouillon, ancien ambassadeur ; Eric Rouleau, journaliste et ancien ambassadeur ; Henri Servent, ancien ambassadeur ; Jean Vautrin, écrivain.

(*) Pour s'associer à l'appel, faxer au 01 45 51 56 10 ou au 01 43 29 72 52.

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