Pour combler ce besoin, lors de l'attaque de Wolfe, les autorités françaises
ont fait construire une longue ligne de tranchées, de batteries et de
redoutes. En commençant avec la Batterie Royale, entre le Parc d'Iberville
et l'usine Daishowa, et en terminant avec la «Redoubt Johnstone» qui
défendait les Chutes Montmorency, cette ligne de défense s'étendait de
Limoilou jusqu'à ces chutes. La «citadelle» de ce système défensif était
l'«oeuvre à corne» appelée aussi la «tête de pont» située à la croisée des
première avenue et quatrième rue actuelles (figure 1). Ce fort gardait l'entrée de
Limoilou actuelle; il était centré sur une grande maison en pierres semblable,
d'après les tableaux existants, à la maison Péan sur la rue Saint-Louis ou
à la maison Estèbe au Musée de la Civilisation. Il s'y trouvait aussi de plus
petits bâtiments autour. Or, la grande maison était aussi, semble-t-il, le
quartier général du Marquis de Vaudreuil, gouverneur de la Nouvelle-France.
C'est ici que Montcalm a constaté le danger pour la ville, en voyant l'armée
de Wolfe se déployer sur les Plaines.
L'«oeuvre à corne» était protégée par un mur en terre avec fossé. Ce mur fut
gréé de plusieurs «points» ou bastions pour une défense maximale. Le long de
la rive de la rivière Saint-Charles, le mur de terre est renforcé de pieux et
défendu par des canons. L'étendue de l'ouvrage était, pour l'époque, plutôt
impressionnante. Quoique plus petite que la Citadelle actuelle, elle était
beaucoup plus grande que le Fort Saint-Louis (sur le site du futur Château
Frontenac). En effet, elle était plus imposante que bien des forts de toute
la Nouvelle-France.
Un regard sur la carte archéologique du site faite par la Ville de Québec
nous montre l'emplacement du fort et donne une idée de sa superficie (figure 2).
L'intérieur était contenu par la première avenue (autrefois, la rive de la
haute marée), la deuxième avenue, les cinquième et troisième rues. La grande
maison était sur la quatrième rue entre les première et deuxième avenues.
La «tête de pont» est un site que nous avons totalement oublié. Or, son
potentiel archéologique est non négligeable. Sa mise en valeur peut être
intéressante. Pour les romantiques parmi nous, on peut ajouter que c'est
d'ici que Montcalm partit pour sa rencontre fatidique avec l'Histoire...
Malartic le décrit traversant le pont flottant, sur son cheval sombre, les
yeux fixes et sans mot dire.
Québec, 25 juin 1999
© Thomas-Michel Champagne 1999