Jeunes traducteurs

 

Depuis plusieurs années, le Bureau du livre de Bucarest, chargé de la diffusion du livre français en Roumanie et de sa traduction, organise des rencontres de jeunes traducteurs. Récemment, le projet a pris de l'ampleur. Il propose à des étudiants de se retrouver plusieurs fois au cours de l'année afin d'aborder la traduction de textes contemporains, parmi lesquels ceux de Pierre Michon, Alain Spiess , Sylvie Germain et Michel Houellebecq, ainsi que des textes déjà consacrés par la critique ou la tradition ( Céline, Madame de Sévigné, Beckett). En parallèle, des spécialistes viennent présenter la façon dont ils conçoivent leur travail de traducteurs pour le cinéma, la télévision, le théâtre, ;a philosophie, etc.

Les dernières rencontres ont eu lieu à Cluj les 4, 5 et 6 mars. Au programme : la traduction de la poésie roumaine en français (Noapte de deciembrie de Ion MURESAN et Din Splendoare de Dan LAURENTIU), de la poésie française en roumain (Une Charogne de QUI-NOUS-SAVONS), et, cas intéressant, de la poésie écrite en français par un Roumain - en l'occurrence Dumitru TEPENEAG), auteur P.O.L., et un des plus grand représentant actuel de l'intelligentia littéraire roumano-française.  Retrouvez ces textes un peu plus bas.

A l'issue de ces rencontres, les participants ont décidé de se constituer en une association autonome de jeunes traducteurs et se rencontreront les 15 et 16 avril afin de mettre leur projet sur rails. Plus d'information sur ce point dans les jours à venir.

À terme, cette page voudrait servir de liaison entre ces jeunes traducteurs et les éditeurs roumains, afin que les travaux des premiers soient connus des seconds, et donnent lieu à des vraies publications. Pour tout contact, écrire au Bureau du livre.

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Traductions disponibles sur ce site (pour le moment) :

* Les premières pages de Casse-pipe de Louis-Ferdinand Céline, traduites en roumain par Marius Voinea et Ioan Curseu.


Les textes qui suivent ont été traduits en français lors des dernières rencontres de Cluj.

 

Une Charogne de Charles Baudelaire

 

Rappelez-vous l'objet que nous vîmes, mon âme,
    Ce beau matin d'été si doux :
Au détour d'un sentier une charogne infâme
    Sur un lit semé de cailloux.
 
Les jambes en l'air, comme une femme lubrique,
    Brûlante et suant les poisons,
Ouvrant d'une façon nonchalante et cynique
    Son ventre plein d'exhalaisons.
 
Le soleil rayonnait sur cette pourriture,
    Comme afin de la cuire à point,
Et de rendre au centuple à la grande Nature
    Tout ce qu'ensemble elle avait joint :
 
Et le ciel regardait la carcasse superbe
    Comme une fleur s'épanouir.
La puanteur était si forte, que sur l'herbe
    Vous crûtes vous évanouir.
 
Les mouches bourdonnaient sur ce ventre putride,
    D'où sortaient de noirs bataillons
De larves, qui coulaient comme un épais liquide
    Le long de ces vivants haillons.
 
Tout cela descendait, montait comme une vague,
    Ou s'élançait en pétillant ;
On eût dit que le corps, enflé d'un souffle vague,
    Vivait en se multipliant.
 
Et ce monde rendait une étrange musique,
    Comme l'eau courante et le vent,
Ou le grain d'un vanneur d'un mouvement rythmique
    Agite et tourne dans son van.
 
Les formes s'effaçaient et n'étaient plus qu'un rêve,
    Une ébauche lente à venir,
Sur la toile oubliée, et que l'artise achève
    Seulement par le souvenir.
 
Derrière les rochers une chienne inquiète
    Nous regardait d'un air fâché,
Épiant le moment de reprendre au squelette
    Le morceau qu'elle avait lâché.
 
- Et pourtant vous serez semblable à cette ordure,
    A cette horrible infection,
Etoile de mes yeux, soleil de ma nature,
    Vous, mon ange et ma passion !
 
Oui ! Telle vous serez, ô ma reine des grâces,
    Après les derniers sacrements,
Quand vous irez, sous l'herbe et les floraisons grasses,
    Moisir parmi les ossements.
 
Alors, ô ma beauté !, dites à la vermine
    Qui vous mangera de baisers,
Que j'ai gardé la forme et l'essence divine
    De mes amours décomposées !

 

 

 

Noapte de decembrie       Ion MURESAN
 
 
Mi-am amintit : un foc negru si un foc rosu
(Bun ramas, bun ramas pentru vecie !)
si o mîna crescuta din perete lungindu-se si
              scrurtîndu-se.
închizindu-ne si deschizîndu-ne gurile întepenite.
Iar ea se zburlea în pat ca un cocos : 'Ni si nu,
sa nasca ingerul in locul meu !'
 
Si acesta, in colt, linga aparatul de radio, se
            inpurpurase.
Stingaci si neputincios ca o baba. Ba se mai si
            repeza spre pat
lovind cu pumnii lui mici in dreapta si in sting,
            gata-gata
s-o strînga de gît. Cred ca ningea si era o
            larma de vrabii de nedescris.
In cele din urma am sarit cu totii asupra lui (mîna
            s-a subtiat
pe perete ca un cîrcel de vita de vie) si l-am trîntit
            în pat
si i-am desfacut copcile hainelor si i-am
            îndepartat coapsele
(picioare fragile ca de porumbel, acoperite cu
            puf alb si pene fine)
si vazînd, unul dupa altul am iesit afara si-am plîns :
sub pîntece nici o fisura, doar o rotunjume frageda
            ca un sîn de fetita
si un sfric rozaliu.
(Bun ramas, bun ramas pentru vecie !)
 
Ion Muresan (in Poemul care nu poate fi inteles, editura Arhipelag, Tîrgu Mures).

 

 

Din spendoare de Dan LAURENTIU

E o adanca liniste
dar orasul si-a pierdut din spendoare
iata un inger calatorind fara
calauza pe aici te rog
 
spune-mi draga mea
nu-l asteapta o nenorocine
mai puternica decat spinul acela
care se vede in talpa ta radioasa
 
o spune-mi draga mea tu
care stii ca am iubit
mai presus de orice pacca si intelepciunea
unui tei luminand pe fundul marii
 
nu crezi ca acelui inger
ratacind pe aici i se va
intampla o nenorocire
la care nici nu se asteapta
 
nu crezi ca va iubi
nu crezi ca va muri

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