Collectif

Rôle des traditions populaires dans la construction de l'Europe. Saints et Dragons. Actes du colloque organisé les 23-25 mai 1996 à l'Univesrité de Mons-Hainaut par le Ciéphum de l'Université de Mons-Hainaut et le secteur de l'ethnologie du Ministère de la Communauté Française de Belgique. Dans : Cahiers internationaux de symbolisme 86-87-88 (1997) et Tradition Wallone 13(1996), 2 t.

Ces volumes réunissent les textes des communications d'un colloque visant à faire découvrir maints aspects méconnus des saints dits «sauroctones», c'est-à-dire de ceux qui tuent ou, plus souvent, maîtrisent des dragons. Derrière ces recherches, c'est l'image même du dragon qui se profile, dans toute sa complexité: le dragon protéiforme, toujours vaincu, et toujours renaissant... jusqu'à nos jours.

Qu'on s'intéresse au combat contre la bête, à ceux qui la combattent ou à la bête elle-même, mais également si l'on est concerné par le rôle et la place des traditions orales en Europe, cet ouvrage collectif est indispensable. Pour en juger, il suffit de citer quelques-unes des interventions: «Aspects des fondements culturels de la construction de l'Europe» (Jean Poirier), «Le renversement européen du dragon asiatique» (Chaoying Sun et Gilbert Durand), «Le dragon: mal manifeste ou force cachée?» (Jean Dierkens), «Saint sauroctones et fêtes celtiques» (Bernard Sergent), «Saints populaires, calendrier et identité dans le Nord du Portugal, le rôle du symbolisme religieux» (José da Silva Lima), «Saint Georges et la princesse» (Pierre Somville), «Serpents et dragons dans le bestiaire sacré de Samuel Borchart ou le folklore dans la Bible» (Jean Fraikin), «Maisnie Hellequin, charivari comedia dell'arte» (Ambrogio Artoni), «La neuvaine de saint Hubert, une pensée sauvage?» (Paul-Pierre Gossiaux), «La naturalisation du dragon en Europe» (Jean-Loïc Le Quellec), «Saints et géants, une identification rare» (Jean-Pierre Ducastelle), «La ducasse de Mons» (Benoît Van Caeneghem), «À propos du lumeçon de Mons: coquilles et spirales» (Léon Marquet), «Prédictions calendaires agricoles des animaux mythiques» (Piercarlo Grimaldi), «L'étrange cas de saint Georges en Catalogne: vieux laboureur ou jeune cavalier?» (Jean-Louis Olive), «Saints et dragons» (Paolo Grimaldi), «Saint Gengoult, sa femme et l'oiseau» (Colette Mechin), «Saint Jacques, vainqueur du serpent et de la reine Louve» (Manuel Mandianes), «Du diable au dragon: péripétie du légendaire de saint Bernard de Menthon» (André Carénini). Qu'on s'accorde ou non avec les idées développées par leurs auteurs, toutes ces études suscitent la réflexion, et apportent souvent un matériel documentaire de tout premier plan.

Quant aux supports de cette publication, à savoir Les cahiers internationaux de symbolisme et Tradition wallone, c'est toute la collection de ces deux séries éditées en Belgique (et qui forment maintenant un véritable ensemble d'usuels) qu'il serait bon de pouvoir trouver plus facilement dans les bibliothèques de France.


Collectif

(Xavier Vidal, Jean-Claude Blanc, Sylvain Roux, Jean-François Heintzen, Henri Frances, Luc-Charles Dominique, Lothaire Mabru).

Entre l'oral et l'écrit. Rencontres entre sociétés musicales et musiques traditionnelles. Actes du colloque de Gourdon, 20 septembre 1997. St-Jouin-de-Milly/ Toulouse, FAMDT / ISATIS - Conservatoire Occitan (Modal poche / Cahiers d'ethnomusicologie régionale 5), 1998, 90 p.

Ce colloque, organisé à l'initiative de Jean-Pierre Estival (Inspecteur principal à la Direction de la Musique et de la Danse au Ministère de la Culture) avait pour ambition de montrer la complexité des relations entre musiques institutionalisées et musiques «sauvages», entre pratiques de l'oral et pratiques de l'écrit., notamment par l'étude du mouvement orphéonique, qui se développa à la croisée des cultures savante et populaire, dans une période de déclin des sociétés traditionnelles paysannes. Prenant l'exemple de l'influence des mouvements orphéoniques sur les musiques de bal, Jean-Claude Blanc montre dans un premier article que si l'opposition entre l'oral et l'écrit ne doit pas conduire à un «grand partage», il serait dommage de s'attacher uniquement «à démontrer tout ce qui les unit au risque de ne finalement plus rien comprendre du tout». Et de montrer combien le mouvement orphéonique s'inscrivit dans une volonté d'uniformisation culturelle du territoire national: autant l'éradication des patois était sentie comme une condition nécessaire de l'unité française, autant pensait-on qu'il fallait donner au peuple, avec une langue unique, une musique unique. Ce rôle sera dévolu aux Fanfares, Harmonies et autres Lyres municipales, qui se multiplieront sous l'égide des notables locaux. Cette pépinière de «musiciens-lecteurs» (surtout recrutés parmi les artisans et commerçants) fournira bientôt le principal contingent des musiciens de bal, qui évinceront les joueurs de routine (surtout agriculteurs), parfois non sans une pointe d'animosité: «Faut être berdin [simple d'esprit] pour avoir besoin d'un journal pour se rappeler la misique», dira par exemple un joueur de vielle à propos de ces «musiciens-lecteurs».

Finalement, l'unification du goût promue par le mouvement orphéonique «aura largement préparé le terrain pour l'entrée du monde rural dans l'ère de la consommation musicale de masse qui caractérise le XXe siècle».

Le second article de ces actes est une évocation d'Élie Dupeyrat, «l'Eddy Barclay du quadrille», par Sylvain Roux (sur lequel voir l'article de Claude Ribouillaut dans la rubrique «Paroles d'artistes» du présent numéro de La Mandragore). Ce roi du commerce de la «musique sans droits d'auteur» avait plus de 15000 clients... qui n'étaient autres que les «musiciens-lecteurs» dont il vient d'être question. De cette situation résultent des pratiques en aller-retour perpétuel entre musique écrite et orale: les ménétriers apprennent les morceaux édités par Dupeyrat (environ 3000 titres) en les écoutant jouer par d'autres, et Dupeyrat ou ses collaborateurs puisent largement dans la tradition populaire lorsqu'ils sont à court d'inspiration, allant jusqu'à s'octroyer la paternité de certaines mélodies traditionnelles. Cela rappelle quelque chose...

Dans l'article suivant, Jean-François Heintzen retrace la ligne &endash;passant par l'invention du «folklore»&endash; qui conduisit des «harmonies» de village aux fanfares... de cornemuses, en mettant au jour l'influence de l'écrit sur le mouvement «folk» des années 70-80 lequel, pourtant, se réclamait d'une liberté de l'oralité retrouvée...

Henri Frances s'interroge quant à lui sur les raisons de l'amalgame fréquent qui fait voir à certains, dans la cobla catalane, une manière d'«harmonie dégénérée». Pour cela, il remonte au temps de la Renaixenàa catalane, où les oppositions «création/tradition» ou «oral/écrit», «enraciement/universalisme» ont un sens tout particulier, puisque le propos de cette Renaissance était rien moins que de doter la Catalogne d'une culture portant toujours les mêmes valeurs identitaires que la culture traditionnelle, tout en assumant également des valeurs modernes «universelles». La cobla et la sardane sont nées de ce projet.

Les «Bandes ménétrières» sont l'occasion, pour Luc-Charles Dominique, d'étudier «l'institutionnalisation d'une pratique collective de la musique isntrumentale en France, sous l'Ancien Régime». Cette institutionnalisation, qu'on ne perçoit qu'au tournant des XIIIe-XIVe siècles, est certainement «l'un des plus grands bouleversements de la musique instrumentale française», et l'auteur développe l'histoire de ces «bandes» ou «cobles» de ménétriers, en montrant que leur déclin et leur disparition n'eut pas que des raisons politiques et sociologiques, mais aussi symboliques et religieuses, ouvrant ainsi quelques pistes de recherches très prometteuses.

Ces actes se terminent avec l'intervention de Lothaire Mabru, qui reconsidère l'équation «savant = écriture / populaire = oralité» en passant par la pierre de touche des destins croisés de deux formations: la fanfare et la «ripataoulère» gasconne. Ce qui lui donne notamment l'occasion de rappeler que, dans l'apprentissage dit «oral», le canal visuel peut jouer un rôle important, notamment par le repérage de la position des doigts, dans le cadre d'une «inscription corporelle du savoir» et d'une véritable «écriture du corps».

On le voit, ce tout petit livre est très riche d'apports documentaires encore peu connus, permettant d'établir une réflexion dont les enjeux dépassent largement le cadre des seules musiques traditionnelles, mais touchent l'oralité en général. Il serait donc bon qu'il soit diffusé le plus largement possible (pout tout renseignements: FAMDT éditions, La Falourdière, F&endash; 79380 &endash; St-Jouin-de-Milly, tél. 05.49.80.82.52).