Dame merveille et autres contes d'Égypte. Traduits ou racontés par Praline Gay-Para. Arles, Actes Sud («Babel», n° 326) 1998, 149 p.
Ces dix-neuf contes sont traduits ou adaptés à partir du répertoire de quatre livres d'accès difficile en France, dont deux en anglais et deux en dialecte cairote. Praline Gay-Para, qui est déjà l'auteur d'une thèse sur les contes libanais soutenue à l'Université de Paris III; thèse publiée en microfiche par l'Institut d'Ethnologie et dont une partie a fait l'objet d'un recueil bilingue basé sur le répertoire de deux sœurs à la «mémoire prodigieuse»; Praline Gay-Para donc, est, de plus, conteuse elle -même. C'est pourquoi ce nouveau recueil réunit uniquement des récits qu'elle a coutume de raconter, parce qu'elle les aimés et adoptés. Aussi, bien que le support soit ici un livre, la démarche suivie s'inscrit dans une tradition essentiellement orale. L'ouvrage ne nous donne donc pas des traductions, mais bien des interprétations, voire parfois quelques trahisons... parfaitement assumées puisque visant à extraire certains des contes de leur contexte idéologique quelque peu discutable (pour mettre les points sur les «i»: où les méchants sont des «nègres»). De tout cela, Praline Gay-Para s'explique du reste très bien dans sont avertissement et dans une série de notes regroupées en fin du volume. Le résultat est un petit livre agréable, qu'on croirait presque entendre plutôt que lire. On n'est guère surpris d'y retrouver des histoires où le lion a pris la place tenue par le loup en Europe («Le fils d'Adam et le lion», pp.92-94), ou d'y reconnaître une version du motif de Madame Putiphar («D'où vient la sagesse?» pp.52-53) déjà développé dans le Conte des Deux Frères... noté pour la première fois au tout début du deuxième millénaire avant notre ère, en Égypte déjà. Quant au conte du «Contrat du joueur avec l'ange de la mort» (pp. 95-103), il fait allusion à l'astuce d'un homme ordinaire qui se fait passer pour un très grand médecin, car lui seul voit l'ange de la mort se poser à la tête du lit des malades qui vont guérir, ou aux pieds de ceux qui doivent mourir. Rappelons qu'au Moyen Âge, ce comportement était attribué à l'oiseau caladre ou calandre, qui scellait le sort des agonisants en détournant ou non la tête des malades auprès desquels on l'avait placé; exactement, du reste, comme le fait Giltiné, la déesse lithanienne de la mort. Mais quelles que soient les réflexions de ce genre que peut engendrer la lecture de ce recueil, l'important est le plaisir qu'il procure, ainsi qu'il sied à l'œuvre d'une passeuse de contes.