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L’expression de la violence dans la poésie« Ballade de celui qui chanta dans les supplices » Et s'il était à refaire Je referais ce chemin Une voix monte des fers Et parle des lendemains On dit que dans sa cellule Deux hommes cette nuit-là Lui murmuraient Capitule De cette vie es-tu las Tu peux vivre tu peux vivre Tu peux vivre comme nous Dis le mot qui te délivre Et tu peux vivre à genoux Et s'il était à refaire Je referais ce chemin La voix monte des fers Parle pour les lendemains Rien qu'un mot la porte cède S'ouvre et tu sors Rien qu'un mot Le bourreau se dépossède Sésame Finis tes maux Rien qu'un mot rien qu'un mensonge Pour transformer ton destin Songe songe songe songe A la douceur des matins Et si c'était à refaire Je referais ce chemin La voix monte des fers Parle aux hommes de demain J'ai tout dit ce qu'on peut dire L'exemple du Roi Henri Un cheval pour mon empire Une messe pour Paris Rien à faire Alors qu'ils partent Sur lui retombe son sang C'était son unique carte Périsse cet innocent Et si c'était à refaire Referait-il ce chemin La voix monte des fers Dit je le ferai demain Je meurs et France demeure Mon amour et mon refus O mes amis si je meurs Vous saurez pour quoi ce fut Ils sont venus pour le prendre Ils parlent en allemand L'un traduit Veux-tu te rendre Il répète calmement Et si c'était à refaire Je referais ce chemin Sous vos coups chargés de fers Que chantent les lendemains Il chantait lui sous les balles Des mots sanglant est levé D'une seconde rafale Il a fallu l'achever Une autre chanson française A ses lèvres est montée Finissant la Marseillaise Pour toute l'humanité EXPLICATION : Premier poème clandestin d’Aragon publié sous le nom de Jacques Destaing. Publié ensuite, en 1944, dans le recueil La Diane française. Allusion à Gabriel Péri : député communiste, vice-président de la commission des affaires étrangères, il publie un libelle contre le nazisme. Il est fusillé au Mont Valérien le 15 décembre 1941 et s’écroule en chantant La Marseillaise. Etude linéaire Titre à l’homme n’a pas cédé sous la torture, et il chante le chant de la victoire sur ses bourreaux. Métonymie « fers » à chaînes qui emprisonnent les corps mais pas l’esprit tourné vers l’avenir (cf. voix, monte, lendemains). Atmosphère lourde : confrontation terrible. Deux tortionnaires aux propositions odieuses ; la soumission équivaudrait au déshonneur. Répétition des propositions : harcèlement. S’il accepteà lâcheté : il défend la liberté à fin terrible non pas heureuse (antithèse : « tu peux vivre… vivre à genoux) Reste du poème bâtie sur l’antithèse : honneur/déshonneur. Dignité de l’homme bafouée par la pression quotidienne : un « mot » ouvre la porte mais livre les autres, le rend coupable. Le bourreau ment : il ne se dépossède pas, il peut multiplier les victimes. « sésame » libère le prisonnier et fait place à l’oppresseur avec de nouvelles victimes. Pensée du déshonneuràsilenceàperfidie des bourreaux augmente, le ton devient doucereux, persuasif (cf. 4x « songe » ; évocation des « matins » renouvelés pour ceux qui vivent). Violence morale, mais pas corporelle. Ton haletant. Le prisonnier veut sortir la tête hauteà Il veut transmettre un message d’espoir et de liberté (cf. vers 16 « parle pour les lendemains », vers 28 « parle aux hommes de demain »). Dernières tentatives des bourreaux à aucun résultat. Il n’obéit qu’à sa conscience. Ils usent pourtant de tous les stratagèmes : ils transforment un modèles les faits les moins glorieux : - Henri IV : abjure sa religion pour le trône de France - Richard III de Shakespeare : vie marquée par les abominations. Contraint de combattre à cheval lors d’une guerre, il lance : « Un cheval ! Mon royaume pour un cheval ! » Ces deux exemples montrent la bassesse des occupants : êtres méprisables à cause du changement de ton qui devient brutal désinvolte lorsque la cause est entendue (cf. vers 33 « rien à faire », vers 35 « c’était son unique carte ») Vérité : un innocent va mourir, âme d’un héros (cf. vers 41 à 44) à sa propre destinée passe après la France et la liberté. Il veut que sa mort ne soit pas inutile et que ses amis témoignent : il voit une aube nouvelle, des lendemains radieux pour une humanité débarrassée de ses démons. La beauté du poème réside dans la régularité : quatrain, heptasyllabes, rimes croisées. Cela rythme les différents supplices mais montre surtout la détermination de tous les héros de la France libre qui se sont dit comme Péri : « Et s’il était à refaire Je referais ce chemin » |
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