VIII—Du Messie promis

Première annonce d'un Sauveur.—Le Messie attendu: 1° promesses divines; 2° prophéties; 3° figures du Messie.—Le libérateur attendu par toutes les nations: son règne préparé par la Providence

36.—Dieu abandonna-t-il l'homme après son péché?

Non, mais il lui promit un Rédempteur ou Sauveur, appelé le Messie.—La première promesse est au berceau même du monde dans la centence prononcée contre le serpent infernal, nous lisons ces paroles: " Je placerai une inimitié entre toi et la femme, entre sa race et la tienne: elle t'écrasera la tête, et tu t'efforceras de la mordre au talon. " (Gen., IIIv 15.) Toutes les traditions ont entendu ces paroles en ce sens que de la race humaine naîtrait le vainqueur du démon, et que la femme bénie, de qui naîtrait ce libérateur, est la Vierge Marie.

Dieu fit attendre pendant quatre mille ans la venue du Messie, afin que les hommes, dit Bossuet, sentissent mieux le besoin qu'ils en avaient. Toutefois, dès ce moment, les hommes ont pu se sauver, mais à la condition qu'à l'observance exacte de leurs devoirs et de leur religion ils joindraient la foi au Messie promis, dont les mérites devaient les racheter.

37.—Par quels moyens Dieu voulut-il entretenir l'espérance et attente du Messie?

Dieu, pendant les Siècles d'attente, ne cessa de multiplier les promesses, les prophéties et les ligures du Messie futur.

1° Les promesses. — En choisissant Abraham pour être le père des croyants, Dieu lui dit: "Je multiplierai ta race comme les étoiles du firmament, et toutes les nations de la terre seront bénies en Celui qui naîtra de toi. (Gen., XII et XVIII,) Les mêmes promesses sont renouvelées à Isaae et à Jacob.

2° Les prophéties. — Environ 1700 ans avant Jésus-Christ, Jacob mourant dit à Juda, son quatrième fils: " Le Sceptre ne sortira pas de ta race jusqu'à ce que vienne celui qui doit être envoyé et qui sera l'attente des nations. " (Gen., XLIX.) 1500 ans avant Jésus-Christ, Moise, avant de mourir, annonce un législateur plus grand que lui, que l'on devra écouter et qui donnera au peuple d'Israël une loi définitive. (Deut., XVIII.) En 1050 avant Jésus-Christ, David, roi et prophète, chante dans ses psaumes la venue du Rédempteur, ses souffrances, sa mort, sa résurrection, son empire éternel. De l'an 700 à 490 avant Jésus-Christ, quatre grands Prophètes et douze petits se succèdent et apportent tour à tour quelques traits de la figure prophétique du Messie. Les grands Prophètes sont:

Isaïe, qui a prédit la naissance de Jésus-Christ d'une vierge, et décrit sa vie, ses miracles, sa passion, son règne;

Jérémie, qui a surtout prophétisé les Souffrances du Sauveur et la rédemption du peuple d'Israël;

Ezéchiel, qui a décrit, sous des couleurs imagées, le règne glorieux de Jésus-Christ;

Daniel est surtout célèbre par la prophétie qui fixe à soixante-dix semaines d'années (490 ans) la durée de l'attente du Messie à dater du retour de la captivité,

Les douze petits Prophètes sont: Jonas, Osée, Amos, Joël, Abdias, Michée, Nahum, Habacuc, Sophonias, Aggée, Zacharie et Malachie, le dernier de tous les prophètes, qui annonça la fin de tous les anciens sacrifiees, remplacés par le Sacrifice unique et pur du Calvaire.

3° Figures du Messie. — En même temps qu'il renouvelait les promesses et les prophéties, Dieu faisait passer sous les yeux de son peuple des personnages qui retracaient à l'avance le Christ futur, sa vie et ses œuvres. Voici ces principales figures:

Adam, père du genre humain, présageait JésusChrist, père du nouveau peuple.

Abel, mis à mort, représentait le Sauveur trahi et immole.

Noé sauve sa famille dans l'arche, et Jésus, les fidèles dans d'Église.

Melchisédech, roi et pontife, offre un sacrifiee, prélude de l'Eucharistie.

Isaac, victime du mont Moriah, figure Jésus-Christ au Calvaire.

Joseph, vendu par ses frères, sauve sa famille, comme Jésus sa nation.

Moise, libérateur des Israélites, législateur de son peuple, est une image frappante du vrai libérateur.

Samson présage le Christ, vainqueur de la mort, sauvant le monde.

David, roi persécuté, puis victorieux, figures les tribulations de Notre-Seigneur et ses triomphes.

Salomon, prince pacifique et glorieux, annonce le règne du Rédempteur.

Jonas est la figure de la résurrection.

Elie, emporté sur un char de feu, présage l'ascension de Jésus-Christ, etc., etc.

38.—Le monde paien n'attendait-il pas aussi un libérateur?

Oui, l'espérance d'un Messie libérateur était universelle, non seulement chez le peuple juif, mais encore chez les peuples païens eux-mêmes. La Grèce l'attendait, ainsi que l'attestent Platon et Socrate. Rome avait la même espérance, comme en témoignent Virgile, Tacite et Suétone. Enfin Dieu lui-même, d'après la prophétie de Daniel, et ainsi que le fait si bien voir Bossuet dans son Discours-sur l'histoire universelle, achevait de préparer les voies du Messie en mettant le monde entier sous la domination de Rome. Après s'être servi des Assyriens pour châtier son peuple, des Mèdes et des Perses pour ramener les Juifs dans la patrie où le Christ devait naître, des Grecs et d'Alexandre pour faire connaître les livres saints et les prophéties, la Providence amenait le quatrième grand empire, celui des Romains, pour faciliter la prédication de l'Évangile au moyen de ses communications avec tous les peuples.

C'est alors que l'attente des nations eut un terme, par la naissance de Jésus-Christ à Bethléem, l'an 4004 du monde, selon la chronologie vulgaire, la 747e année de la fondation de Rome, et la 4e de la 194e olympiade.

Note sur la chronologie biblique.—Y a-t-il une chronologie biblique proprement dite? Non, répond M. Brassae (Manuel biblique, I, p. 422). S'il existe de nombreux systèmes de chronologie, "l'Ancien Testament ne connaît point d'ère, c'est-a-dire de point de départ fixe, choisi pour compter les années et servir de terme de comparaison à tous les autres événements, comme par exemple la date de la naissance de Jésus-Christ ". Les données chronologiques (listes et vies des patriarches) que contient l'Ancien Testament sont insuffisantes "pour établir une chronologie rigoureuse et absolument certaine. " Sur cette question, qui, d'ailleurs, n'intéresse ni le dogme, ni la morale, "l'Église ne se prononce pas. Pendant les six premiers siècles de notre ère, les écrivains ecclésiastiques grecs et latins ont admis la chronologie des Septante. L'Église grecque l'admet encore aujourd'hui. Le martyrologe romain l'a également conservée. Il place la création 5199 ans, le déluge 2957 avant J-C. Depuis le XVIe siècle, les critiques ont réussi à faire prévaloir généralement la chronologie du texte hébreu, qui place la création 4000 ans et le déluge 2350 ans avant J-C.: plus de deux cents systèmes chronologiques tous fondés sur les donnees bibliques, diversement combinées entre elles ou modifiées d'après les variantes des textes. " (Manuel biblique, I, p. 423.) Rappelons seulement que Bossuet place la création en 4004 avant J.-C.; le P. Labbe, jésuite franchis, en 4053; L'Art de vérifier les dates (Dom Clément, bénédictin de Saint-Maur) en 4964; Suidas, compilateur grec du XIe siècle et les Tables alphonsines (dressées au XIIIe) en 6000 et des années. La Bruyère écrit au début de ses Caractéres: " Tout est dit, et l'on vient trop tard depuis plus de sept mille ans qu'il y a des hommes, et qui pensent." (Note de l'editeur.)