Regard de foi... visage d'amour
Jacques Corriveau



Je me rappelle ce regard... ce regard d'enfant... regard rempli d'admiration. Il était là, - comme je l'ai probablement déjà été - planté devant son père, le nez en l'air, les yeux fixés sur son visage. Comme il était beau à voir, cet enfant : son visage éclairé brillait d'une joie profonde ; son visage rayonnait de toute la confiance inspirée et donnée par l'amour du père reçu et accueilli.

Nous avons certainement tous connu ces moments de grâce où le cœur se laisse emporté par une sobre ivresse de l'Esprit, même si nous ne pouvions nommer ainsi ces expériences de joie profonde et tellement intense.

Voilà ce que nous rappellent un peu les liturgies du deuxième dimanche du carême et du 6 août quand elles nous proposent le merveilleux récit de la transfiguration de Jésus.

Voilà le bel exemple de la foi. Non pas de cette foi qui s'enracine dans un acte d'adhésion à des vérités ou à des croyances, si profondes soient-elles. Mais de cette foi qui plonge dans le cœur de l'Autre qui appelle ; de cette foi qui ose encore malgré les peurs, les tracasseries, les contrariétés, les tromperies et les échecs ; de cette foi qui dépasse l'effleurement, le toucher furtif, l'esquive ; de cette foi qui évite la parade et qui campe dans la cour de l'Autre ; de cette foi qui s'ouvre sur l'amour, y pénètre pour faire les délices de l'être aimé ; de cette foi qui aime.

Contemplons maintenant, d'un peu plus près, ce beau récit de la Transfiguration.

" Six jours après, Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean son frère, et les emmène à l'écart sur une haute montagne. Il fut transfiguré devant eux : son visage resplendit comme le soleil, ses vêtements devinrent blancs comme la lumière (...) Comme il parlait encore, voici qu'une nuée lumineuse les recouvrit. Et voici que de la nuée, une voix disait : " Celui-ci est mon Fils bien-aimé, celui qu'il m'a plu de choisir. Écoutez-le ! " (Mt 17, 1-2 • 5).

Six jours après, soit le septième jour, voici Jésus. Il a entendu l'appel du Père. Il a entendu son cri. Il a saisi son désir, le désir de son cœur de père : qu'il soit devant lui comme un enfant... mieux encore comme un fils.

Et Jésus, porteur de cet appel, entre dans l'intimité du Père. Avec ses amis, Pierre, Jacques, Jean et l'immense foule des saints et des saintes dont nous sommes par la grandeur de sa miséricorde, il donne son temps au Seigneur. Avec eux, il se retire à l'écart, sur une montagne, pour approcher et pénétrer plus à fond le cœur du Père.

Jésus se tourne vers Lui ; il se jette dans ses bras, lui offre sa bouche. Il laisse jaillir et monter vers Lui sa prière. Alors... d'un coup, toute sa personne se métamorphose ; toute sa personne s'ouvre à la tendresse infinie de Son amour et s'emplit de Sa lumière. Il se laisse créer à son image comme sa ressemblance. Il se laisse façonner par le Père ; il se laisse engendrer par Lui à tel point que le visage du Père traverse le sien et s'imprime sur le sien.

Dès lors, sa vie, c'est le Père. Ce n'est plus lui qui vit, c'est le Père qui vit en lui. Et un jour, aux Juifs en colère parce qu'il violait le sabbat et appelait Dieu son propre Père, se faisant ainsi son égal, Jésus pourra répliquer avec force et autorité : " En vérité, en vérité, je vous le dis, le Fils ne peut rien faire de lui-même, mais seulement ce qu'il voit faire au Père ; car ce que fait le Père, le Fils le fait pareillement " (Jn 5, 19).

C'est pourquoi, à regarder Jésus, les disciples contemplent le Père dont le visage transparaît sur celui de Jésus. À regarder Jésus, Pierre, Jacques et Jean voient déjà la gloire de Dieu, la splendeur du Ressuscité, la beauté extraordinaire de Jésus, Christ et Seigneur. À regarder Jésus, les disciples entrent déjà dans le septième jour, dans le jour de Dieu : ce jour que fit le Seigneur, ce jour que se réserve le Seigneur pour envahir le cœur de ses fidèles, pour se re - poser dans la profondeur de leur être ; ce jour que fit le Seigneur, pour qu'il soit un jour de fête, un jour de paix et de joie.

À regarder Jésus, revient au cœur de Pierre, de Jacques et de Jean cette phrase de Philippe à Jésus : " Seigneur, montre-nous le Père et cela nous suffit " (Jn 14, 8), phrase à laquelle Jésus lui-même répondra : " Celui qui m'a vu a vu le Père " (Jn 14, 9b).

À regarder Jésus, ils entendent la Parole du Père glorifiée en son bien-aimé, en son Fils ; ils entendent cette Parole qui déchire le ciel, qui résonne dans la nuée et qui remplit aussi ma nuée : " Écoutez-le ! ".

En méditant cet extraordinaire récit de la transfiguration de Jésus, je ne peux m'empêcher de laisser monter ma prière vers le Seigneur :
Que le Père, plein de bontés, me creuse des oreilles, pour que j'entende sa Parole et que je l'écoute en la mettant en pratique. Que mon cœur devienne la terre dans laquelle il jettera Jésus, son Germe, pour qu'il s'y enracine et donne des fruits. Que je sois capable à mon tour de dire : " Avec le Christ, je suis un transfiguré, un métamorphosé ; je vis, mais ce n'est plus moi, c'est le Christ qui vit en moi. Car ma vie présente dans la chair, je la vis dans la foi au Fils de Dieu qui m'a aimé et s'est livré pour moi " (Ga 2, 19b-20).

Que je sois tellement habité par sa présence, que tout mon être vibre de sa foi et de son amour et que mon visage soit aussi traversé par le sien !


Car si je suis métamorphosé, d'autres aussi le seront. Et je pourrai dire avec eux : " Tout ce que j'espère et désire, Seigneur, c'est qu'ils te connaissent, toi, et Celui qui t'a envoyé. Car ce Dieu qui t'a envoyé, c'est lui-même qui a brillé dans nos cœurs pour faire resplendir la con-naissance de sa gloire qui rayonne sur le visage du Christ " (2 Co 4, 6).

Maintenant, je veux vous livrer aussi ce texte du livre de l'Exode. Il m'a aidé dans ma réflexion.

" Moïse se leva, avec Josué son auxiliaire, et Moïse monta vers la montagne de Dieu, après avoir dit aux anciens : " Attendez-nous ici, jusqu'à ce que nous revenions à vous. Mais voici Aaron et Hour qui sont avec vous ; celui qui a une affaire, qu'il s'adresse à eux. " Moïse monta sur la montagne ; alors, la nuée couvrit la montagne, la gloire du SEIGNEUR demeura sur le mont Sinaï et la nuée le couvrit pendant six jours. Il appela Moïse le septième jour, du milieu de la nuée. La gloire du SEIGNEUR apparaissait aux fils d'Israël sous l'aspect d'un feu dévorant, au sommet de la montagne. Moïse pénétra dans la nuée et il monta sur la montagne. Moïse resta sur la montagne quarante jours et quarante nuits. " (Ex 24, 13-18).

Ainsi, la foi devient cette occasion, cette chance de s'ouvrir à l'amour. Elle est ce OUI qui ose briser l'isolement, le repli sur soi. Elle déplie l'être recroquevillé que nous sommes dans le sein maternel et le déploie pour qu'il atteigne toute sa stature de fille et de fils de Dieu que nous sommes appelés à devenir. Elle dégage le regard de l'esclavage du soi pour soi ; elle l'élève et permet ainsi la contemplation de l'autre dans le regard de l'Autre qui nous aime infiniment et qui toujours nous appelle. Car, par son Souffle saint, le Père tout amour veut qu'ensemble nous soyons, et qu'ensemble, délivrés de la peur par son Fils bien-aimé, nous soyons cohéritiers de son amour et pleinement établis dans sa communion.

Que le Seigneur nous bénisse tous et qu'il nous garde !

Qu'il prenne soin de chacune et de chacun de nous, vases d'argile qui portons Son Trésor, Sa Parole et Son Amour !

Que Sa Miséricorde tombe par nos mains sur toute personne blessée que nous rencontrons !

Que Sa Joie illumine nos visages pour que nous vivions dans Sa Paix !





Magazine SELON SA PAROLE (QUÉBEC) traitant de questions reliées à la spiritualité, l'évangélisation, l'éducation de la foi et la vie en Église
Selon Sa Parole sept. oct. vol. 27 numéro 4


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Dernière mise à jour 16 octobre 2001

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