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HISTOIRE DE LOOK? QUESTION DE REGARDS...
Michel Lessard
Voici un témoignage d'un jeune jésuite dont
les parents, André-Louis et Marguerite Lessard sont des
pionniers du Renouveau charismatique à Thetford-Mines et
dans toute la région de l'Amiante (diocèse de Québec).
Nous vous le présentons comme un appel à se tourner
vers les jeunes comme Michel Lessard et les jeunes de Marie-Jeunesse.
N.D.L.R.
Il m'arrive souvent de marcher, la nuit, au centre-ville
de Montréal sans itinéraire précis. C'est
lors de ces escapades nocturnes que j'ai l'occasion de rencontrer
des amis punks avec qui je partage une partie de ma vie. A d'autres
occasions, il m'arrive aussi d'expérimenter des rencontres
d'un tout autre ordre, semblables à celles que mes amis
font de temps en temps.
Une nuit, après la soirée avec quelques jeunes, je marchais sur la rue sans me rendre compte qu'une voiture de patrouille me suivait. Après un bref coup de sirène, me voilà soudain "invité" par une voix d'interphone à bien vouloir m'identifier. Aveuglé par les puissants projecteurs de la voiture, légèrement intimidé par cette situation, je manifeste aux policiers mon inquiétude d'être la cible de leur intérêt et m'empresse de leur demander pourquoi. Devant mon refus apparent de collaborer, l'un des deus flics sort de sa voiture, la main sur son arme, et me somme de lui montrer mes papiers: je crois qu'ils sont sérieux. Je sors lentement mes papiers leur demandant à nouveau la raison de tout ceci; le plus
mal léché des deux flics me répond
qu'un "pouilleux" dans mon genre n'a aucune raison valable
de flâner à cette heure-là sur la rue.
Après identification, l'état de choc est perceptible:
"Comme ça, t'es un jésuite? Excusez-nous;
c'était pas évident (...), c'était juste
un contrôle de routine (...), vous savez, on n'est pas habitué
de voir des curés qui ressemblent à des motards",
etc... De mon côté, je leur réponds que l'être
humain que je suis, sous son allure de "pouilleux",
a été passablement écorché tout à
l'heure. J'accepterais volontiers leurs excuses si, du moins,
elles étaient adressées à tous ces jeunes
que je connais qui ont subi la même arbitraire humiliation
de leur part.
Je n'ai rien à foutre du respect qu'ils témoignent
au personnage religieux que je représente et ça
me fait vomir. Je sais que le jeune qui n'a pas d'identité
sociale crédible aux yeux des autorités s'en tire
beaucoup moins facilement que moi dans pareille situation.
Chaque fois que j'en ai l'occasion, je témoigne en
faveur de ces jeunes qui m'ont un jour conquis le coeur. Ce dont
je me souviens le plus, lors de mes débuts dans cet apostolat,
ce sont les regards de ces jeunes. Des regards empreints d'une
profonde humanité, qui vous percent l'âme au-delà
de leurs souffrances et de leur mal de vivre. Des regards de passion
pour la vie qui les habite et qu'ils propagent si bruyamment
parfois. Des regards de détresse aussi pour ceux d'entre
eux qui n'ont connu que mensonges, abus et tromperies tout au
long de leur enfance, de la part d'adultes désabusés.
La perspicacité de leur regard m'a convaincu que les apparences
sont trompeuses; une armure de cuir et de métal protège
souvent un coeur d'artichaut.
Ces jeunes m'ont aussi appris les valeurs qu'ils véhiculent
dans la rue. Ils sont solidaires dans leur situation d'exclusion
et parfois d'oppression sociale; ils m'ont fait redécouvrir
ce que signifie être solidaire de ses semblables. Dès
qu'ils ont quelques dollars en poche, ils les dépensent
rapidement mais sans oublier leurs amis, même si le lendemain
il ne leur reste plus rien. Ils sont à leur manière
des prophètes de notre temps qui témoignent, par
leur seule présence, que notre société pourrait
être toute autre.
C'est ainsi que je rencontre Dieu: à travers eux.
Dieu s'est identifié aux plus petits d'entre nous pour
qu'on les considère plus grands que nous. L'amitié
vraie que je veux partager est une façon d'évangéliser;
parfois je constate que ce sont eux qui m'évangélisent.
L'amitié est pour moi un moyen de connaître ce Dieu
que j'aime, sans jamais le mentionner.
J'ai l'habitude de faire une courte prière tout au
long de la journée: "Seigneur, donne-moi ton regard,
donne-moi ton coeur." Je médite souvent sur le regard
de Jésus qui savait aller au-delà des apparences
pour voir ce qu'il y avait de plus beau chez l'autre. Pour lui,
la "pute" au repas de Simon le pharisien (cf. Lc 7,36)
n'est pas qu'une "pute": elle est une femme digne d'amour,
capable de recevoir et de donner. Matthieu n'est pas qu'un petit
fonctionnaire véreux: il est digne d'être compté
parmi les amis de Jésus. C'est ce même regard qui
m'a un jour donné la vie. C'est ce regard que je souhaite
apporter et que je retrouve chez ces jeunes que je côtoie,
mes amis.
Avec un tel regard, on ne voit plus ces jeunes avec les mêmes yeux. Au lieu d'être des délinquants et des suspects dont il faut se méfier, ils deviennent de véritables humains, dignes de respect et d'amour comme tout être humain. Avec un tel regard, on ne risque pas de fouler aux pieds leur dignité en les braquant sans raison, n'est-ce pas, monsieur l'agent?
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Cet article est tiré de Jésuites canadiens, vol 24, mai 1997, "Des jeunes jésuites au coeur du monde".
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