Oui... C'est en surfant que j'ai découvert que j'aimais Lamartine... (mais où étais-je donc pendant les cours de français ???) Alors voilà, pour ceux qui étaient au café aussi ;-) voilà quelques poèmes que je voudrais vous faire découvrir, (ou re-découvrir pour les élèves studieux ;-)
Ô père qu'adore mon père ! Toi qu'on ne nomme qu'à genoux ! Toi, dont le nom terrible et doux Fait courber le front de ma mère ! On dit que ce brillant soleil N'est qu'un jouet de ta puissance ; Que sous tes pieds il se balance Comme une lampe de vermeil. On dit que c'est toi qui fais naître Les petits oiseaux dans les champs, Et qui donne aux petits enfants Une âme aussi pour te connaître ! On dit que c'est toi qui produis Les fleurs dont le jardin se pare, Et que, sans toi, toujours avare, Le verger n'aurait point de fruits. Aux dons que ta bonté mesure Tout l'univers est convié ; Nul insecte n'est oublié À ce festin de la nature. L'agneau broute le serpolet, La chèvre s'attache au cytise, La mouche au bord du vase puise Les blanches gouttes de mon lait ! L'alouette a la graine amère Que laisse envoler le glaneur, Le passereau suit le vanneur, Et l'enfant s'attache à sa mère. Et, pour obtenir chaque don, Que chaque jour tu fais éclore, À midi, le soir, à l'aurore, Que faut-il ? prononcer ton nom ! Ô Dieu! ma bouche balbutie Ce nom des anges redouté. Un enfant même est écouté Dans le chœur qui te glorifie ! On dit qu'il aime à recevoir Les vœux présentés par l'enfance, À cause de cette innocence Que nous avons sans le savoir. On dit que leurs humbles louanges À son oreille montent mieux, Que les anges peuplent les cieux, Et que nous ressemblons aux anges! Ah! puisqu'il entend de si loin Les vœux que notre bouche adresse, Je veux lui demander sans cesse Ce dont les autres ont besoin. Mon Dieu, donne l'onde aux fontaines, Donne la plume aux passereaux, Et la laine aux petits agneaux, Et l'ombre et la rosée aux plaines. Donne au malade la santé, Au mendiant le pain qu'il pleure, À l'orphelin une demeure, Au prisonnier la liberté. Donne une famille nombreuse Au père qui craint le Seigneur, Donne à moi sagesse et bonheur, Pour que ma mère soit heureuse! Que je sois bon, quoique petit, Comme cet enfant dans le temple, Que chaque matin je contemple, Souriant au pied de mon lit. Mets dans mon âme la justice, Sur mes lèvres la vérité, Qu'avec crainte et docilité Ta parole en mon cœur mûrisse! Et que ma voix s'élève à toi Comme cette douce fumée Que balance l'urne embaumée Dans la main d'enfants comme moi !
Ainsi, toujours poussés vers de nouveaux rivages, Dans la nuit éternelle emportés sans retour, Ne pourrons-nous jamais sur l'océan des âges Jeter l'ancre un seul jour ? O lac! l'année à peine a fini sa carrière, Et près des flots chéris qu'elle devait revoir, Regarde! je viens seul m'asseoir sur cette pierre Où tu la vis s'asseoir! Tu mugissais ainsi sous ces roches profondes ; Ainsi tu te brisais sur leurs flancs déchirés ; Ainsi le vent jetait l'écume de tes ondes Sur ses pieds adorés. Un soir, t'en souvient- il ? nous voguions en silence, On n'entendait au loin, sur l'onde et sous les cieux, Que le bruit des rameurs qui frappaient en cadence Tes flots harmonieux. Tout à coup des accents inconnus à la terre Du rivage charmé frappèrent les échos ; Le flot fut attentif, et la voix qui m'est chère Laissa tomber ces mots : " O temps, suspends ton vol ! et vous, heures propices Suspendez votre cours ! Laissez-nous savourer les rapides délices Des plus beaux de nos jours ! " Assez de malheureux ici-bas vous implorent : Coulez, coulez pour eux ; Prenez avec leurs jours les soins qui les dévorent ; Oubliez les heureux. " Mais je demande en vain quelques moments encor Le temps m'échappe et fuit ; Je dis à cette nuit : " Sois plus lente "; et l'aurore Va dissiper la nuit. " Aimons donc, aimons donc ! de l'heure fugitive, Hâtons-nous, jouissons ! L'homme n'a point de port, le temps n'a point de rive Il coule, et nous passons ! " Temps jaloux, se peut-il que ces moments d'ivresse, Où l'amour à longs flots nous verse le bonheur, S'envolent loin de nous de la même vitesse Que les jours de malheur ? Hé quoi ! n'en pourrons-nous fixer au moins la trace ? Quoi ? passés pour jamais ? quoi! tout entiers perdus ? Ce temps qui les donna, ce temps qui les efface, Ne nous les rendra plus ? Éternité, néant, passé, sombres abîmes, Que faites-vous des jours que vous engloutissez ? Parlez : nous rendrez-vous ces extases sublimes Que vous nous ravissez? O lac! rochers muets ! grottes! forêt obscure ! Vous que le temps épargne ou qu'il peut rajeunir, Gardez de cette nuit, gardez, belle nature, Au moins le souvenir ! Qu'il soit dans ton repos, qu'il soit dans tes orages, Beau lac, et dans l'aspect de tes riants coteaux, Et dans ces noirs sapins, et dans ces rocs sauvages Qui pendent sur tes eaux ! Qu'il soit dans le zéphyr qui frémit et qui passe, Dans les bruits de tes bords par tes bords répétés, Dans l'astre au front d'argent qui blanchit ta surface De ses molles clartés! Que le vent qui gémit le roseau qui soupire Que les parfums légers de ton air embaumé, Que tout ce qu'on entend, l'on voit ou l'on respire, Tout dise : " Ils ont aimé ! "
Pourquoi le prononcer ce nom de la patrie ? Dans son brillant exil mon cœur en a frémi ; Il résonne de loin dans mon âme attendrie, Comme les pas connus ou la voix d'un ami. Montagnes que voilait le brouillard de l'automne, Vallons que tapissait le givre du matin, Saules dont l'émondeur effeuillait la couronne, Vieilles tours que le soir dorait dans le lointain, Murs noircis par les ans, coteaux, sentier rapide, Fontaine où les pasteurs accroupis tour à tour Attendaient goutte à goutte une eau rare et limpide, Et, leur urne à la main, s'entretenaient du jour, Chaumière où du foyer étincelait la flamme, Toit que le pèlerin aimait à voir fumer, Objets inanimés, avez-vous donc une âme Qui s'attache à notre âme et la force d'aimer ?...
Ô vous, qui passez comme l'ombre Par ce triste vallon des pleurs, Passagers sur ce globe sombre, Hommes! mes frères en douleurs, Ecoutez : voici vers Solime Un son de la harpe sublime Qui charmait l'écho du Thabor : Sion en frémit sous sa cendre, Et le vieux palmier croit entendre La voix du vieillard de Ségor! Insensé le mortel qui pense! Toute pensée est une erreur. Vivez, et mourez en silence; Car la parole est au Seigneur! Il sait pourquoi flottent les mondes; Il sait pourquoi coulent les ondes, Pourquoi les cieux pendent sur nous, Pourquoi le jour brille et s'efface, Pourquoi l'homme soupire et passe : Et vous, mortels, que savez-vous? Asseyez-vous près des fontaines, Tandis qu'agitant les rameaux, Du midi les tièdes haleines Font flotter l'ombre sur les eaux : Au doux murmure de leurs ondes Exprimez vos grappes fécondes Où rougit l'heureuse liqueur; Et de main en main sous vos treilles Passez-vous ces coupes vermeilles Pleines de l'ivresse du cœur. Ainsi qu'on choisit une rose Dans les guirlandes de Sârons, Choisissez une vierge éclose Parmi les lis de vos vallons! Enivrez-vous de son haleine; Ecartez ses tresses d'ébène, Goûtez les fruits de sa beauté. Vivez, aimez, c'est la sagesse : Hors le plaisir et la tendresse, Tout est mensonge et vanité! Comme un lis penché par la pluie Courbe ses rameaux éplorés, Si la main du Seigneur vous plie, Baissez votre tête, et pleurez. Une larme à ses pieds versée Luit plus que la perle enchâssée Dans son tabernacle immortel ; Et le cœur blessé qui soupire Rend un son plus doux que la lyre Sous les colonnes de l'autel! Les astres roulent en silence Sans savoir les routes des cieux; Le Jourdain vers l'abîme immense Poursuit son cours mystérieux; L'aquilon, d'une aile rapide, Sans savoir où l'instinct le guide, S'élance et court sur vos sillons; Les feuilles que l'hiver entasse, Sans savoir où le vent les chasse, Volent en pâles tourbillons! Et vous, pourquoi d'un soin stérile Empoisonner vos jours bornés? Le jour présent vaut mieux que mille Des siècles qui ne sont pas nés. Passez, passez, ombres légères, Allez où sont allés vos pères, Dormir auprès de vos aïeux. De ce lit où la mort sommeille, On dit qu'un jour elle s'éveille Comme l'aurore dans les cieux!