Arrive donc le jour où, se connaissant si bien, ils désirent lever
le voile : « Nous avons échangé des photos, raconte Gérald. Mon
meilleur ami Tony croyait à une plaisanterie tant Juliana semblait
jolie ! » Le bonheur platonique n'a qu'un temps. La force de cette
passion désincarnée ne peut suppléer l'aspiration des sens. Après
dix mois d'amour virtuel, Juliana débarque à Paris le 4 juillet
1997. Leur première rencontre a des allures de retrouvailles.
Leur complicité passe l'épreuve de la réalité. Les tourtereaux
d'Internet se mettent à rêver de fonder une famille. Gérald se
rend à son tour à Goiânia, au centre du Brésil, pour rencontrer
les parents de Juliana. Les amants du Web se marieront fin 1998
et auront beaucoup de petits internautes... En attendant, Gérald
et Juliana se donnent des rendez-vous électroniques quotidiens.
Une heure trente chaque soir, des nuits entières les vendredis
et samedis. « Je la vois tous les soirs », dit-il ! Plus prosaïque,
il ajoute : « Pour 500 francs par mois, on ne peut pas trouver
mieux ! »
Dialoguer sur le Net peut facilement devenir une drogue. D'autant
que les prix sont attractifs. Une raison de plus pour s'en donner
à coeur joie. « On s'e-mail ? », entend-on dans la bouche des
ados à la sortie des lycées. L'amour virtuel s'offre à eux comme
les Carambar de leur enfance. « Ils sont de plus en plus nombreux
à passer des heures sur IRC », confirme Cécile, l'animatrice du
Webbar, un des premiers cybercafés parisiens. En un an, le nombre
d'internautes a plus que doublé. La planète en compte aujourd'hui
80 millions, dont près de 3 millions de Français. Un tiers des
usagers ont entre 15 et 24 ans (1), l'âge des premières amours.
La mondialisation des coeurs est en marche.
Revers de la médaille, la « cyberdépendance ». Mettra-t-elle les
amants électroniques en danger quand un banal lit conjugal remplacera
l'écran magique de leurs nuits blanches ? Les sirènes de la « toile »
(2) n'envoûteront pas Gérald et Juliana. C'est promis : quand
ils vivront ensemble, ils oublieront le Net !
(1) 28% précisément. Ce chiffre, publié pour la première fois
par la presse française, est tiré de l'étude « Médiangles on line »,
réalisée en mai 1998.
(2) World Wide Web (WWW) : littéralement, « toile d'araignée mondiale »,
souvent abrégé par Web.